Depuis maintenant 30 ans, les salariés – aujourd’hui au nombre de 30 000 – qui travaillent dans les institutions de retraite et de prévoyance sont couverts par une convention collective spécifique, relativement protectrice pour eux.
Au vu de la tournure prise aussi bien par les relations sociales de la branche que par les projets économiques des dirigeants du secteur, il se pourrait bien que la CCN de la retraite complémentaire et prévoyance de 1993 se trouve en voie de déréliction.
Un dialogue social de branche mal en point
Au début du mois d’octobre, nous revenions sur l’état d’avancement de la négociation sur les classifications dans la retraite complémentaire et prévoyance. Nous insistions sur le fait que la représentation des employeurs avait proposé de revoir la clause dite des “85 %” – mécanisme conventionnel selon lequel “la garantie d’augmentation des salaires réels est de 85 % du taux d’augmentation de la rémunération mensuelle minimale garantie” – et sur la réaction fort mitigée des représentants salariés, qui jugeaient très insuffisantes les contreparties apportées à cette disparition. A l’évidence, si l’on en croit différences sources internes à la branche, l’état des discussions n’a pas évolué depuis. Autrement dit, les représentants paritaires de la retraite complémentaire et prévoyance échouent tout à fait, depuis plus d’un an maintenant, à repenser le cœur de leur socle conventionnel.
Non sans lien avec cette situation fort problématique, la branche se trouve par ailleurs confrontée à des difficultés dans un autre domaine : celui des salaires. Les huit premiers niveaux de la grille conventionnelle des salaires se trouvent sous le SMIC. Ceci a valu à la branche l’envoi, à la mi-novembre, d’un courrier par le ministre du Travail Olivier Dussopt. Cette missive comportait notamment un rappel de la nécessité d’une revalorisation rapide des minima salariaux. Elle a également permis au ministre de convoquer les partenaires sociaux du secteur : “Au regard du caractère durable de votre situation de non conformité, depuis plus de 18 mois, vous serez reçu au ministère du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, afin de partager les constats et le contexte au sein de votre branche et d’évoquer les perspectives d’aboutissement rapide de vos négociations salariales”. Le dialogue social de la retraite complémentaire et prévoyance, on l’a compris, est mal en point.
Le lien entre retraite complémentaire et prévoyance remis en cause ?
Cette configuration paritaire complexe résulte sans doute très largement du fait que la raison d’être de la convention collective ne semble plus apparaître évidente aux yeux des employeurs du secteur. Plus précisément, c’est l’opportunité de la pérennisation du lien entre retraite complémentaire et prévoyance qui est ici en cause. Le projet de la direction de la l’AG2R La Mondiale – que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises – de la création d’un nouveau GIE employeur qui appliquerait la CCN de l’assurance et s’adresserait à tous les salariés relevant des activités concurrentielles – et notamment ceux de l’AG2R actuellement couverts par la CCN de 1993 – témoigne de cette remise en cause. Estimant que ce socle conventionnel ne permet pas au groupe de se positionner de manière optimale sur le marché concurrentielle de la protection sociale complémentaire, la direction veut réduire la voilure de ce socle au sein du groupe.
Du point de vue des syndicats de salariés, ce qui se passe du côté de l’AG2R La Mondiale est d’autant plus problématique qu’ils jugent probable que d’autres groupes paritaires de protection sociale souhaitent opérer des choix semblables. Ainsi, à l’occasion de la CPPNI de la branche qui a eu lieu à la fin du mois de novembre, la CGT a rapporté plusieurs développements récents dans le secteur, comme la décision de Malakoff Humanis “de faire adhérer sa SGAM à France Assureurs (convention assurance)” ou encore le projet de Klesia de “création d’une SGAM avec l’AGPM Mutuelle d’Assurances (convention assurance)”, jugeant qu’ils augurent du “délitement savamment programmé” de la CCN de la retraite complémentaire et prévoyance. On voit mal, il est vrai, comment elle pourrait survivre à sa remise en cause au sein des principaux opérateurs du secteur.
Un positionnement paritaire à clarifier
Une telle perspective suppose, certes, qu’elle soit acceptée, au niveau national et interprofessionnel, par les dirigeants des principales organisations patronales et salariales – qui sont en effet, en dernier ressort, les garants de l’organisation générale et de la gouvernance des groupes paritaires de protection sociale. Dans les prochaines semaines, ils vont justement devoir se positionner sur le thème de l’avenir des groupes de protection sociale. Si, au sein du groupe Malakoff Humanis, l’opportunité d’une adhésion de la SGAM à France Assureurs ne semble pas avoir suscité de débat majeur, c’est probablement aussi parce que, pour l’heure, elle ne se serait pas accompagnée de discussions relatives à un changement du statut des salariés. La situation est plus avancée à l’AG2R La Mondiale, où les administrateurs doivent s’emparer du dossier cette semaine et se prononcer à son sujet en janvier prochain.
Plus généralement, comme nous l’avons évoqué il y a peu, les partenaires sociaux sont convenus de se saisir du dossier de la gouvernance des groupes de protection sociale (GPS). Ils doivent revoir l’accord de 2009 sur ce thème. Bien qu’ils peinent quelque peu à engager pleinement cette discussion, ils devraient, si l’on en croit plusieurs sources proches du dossier, finir par y arriver au début de l’année prochain. La teneur de leurs échanges et l’orientation globale des débats devraient permettre d’y voir plus clair en ce qui concerne la manière dont les partenaires sociaux – et, tout particulièrement : le MEDEF – appréhendent l’avenir des GPS. Encore faut-il toutefois préciser que même s’ils devaient conclure que les GPS doivent restés intégrés et gérés par une association sommitale, l’avenir de la CCN de la retraite complémentaire et prévoyance n’en serait pas pour autant assuré, dans la mesure où il est tout à fait envisageable d’organiser des GPS intégrés mais appliquant des CCN distinctes selon les activités.
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