Pour son régime santé, la Sécurité sociale à la recherche d’une quarantaine de millions d’euros

sécurité sociale

Comme nous en avons déjà fait état à plusieurs reprises, les représentants des employeurs et des agents des organismes de Sécurité sociale (IDCC 218 et 2793) ont engagé à la fin du mois d’avril la renégociation de leurs régimes conventionnels de frais de santé et de prévoyance.

Après être revenu de manière détaillée sur les enjeux de la renégociation du régime de prévoyance de la Sécurité sociale, Tripalio présente aujourd’hui à ses lecteurs ceux qui se rapportent à la remise à plat de sa mutualisation de frais de santé.

Des comptes santé en dégradation structurelle

A la toute fin du mois de mai, les représentants patronaux et salariaux des organismes de Sécurité sociale se sont retrouvés pour une réunion de leur commission de suivi des mutualisations de frais de santé des actifs et des retraités – dont, pour rappel, Aésio Mutuelle, l’AG2R et Malakoff Humanis sont les assureurs recommandés. Cette réunion a d’abord été le lieu d’une consolidation du constat selon lequel ces deux couvertures se trouvent dans une situation comptable pour le moins délicate – et ce alors même qu’elles ont bénéficié de diverses hausses de cotisations au cours de l’exercice 2022.

D’après les données rapportées par Actense, le conseil de la Sécurité sociale, le régime des actifs a terminé l’année 2022 sur un déficit d’environ 13 millions d’euros. Favorisé par des dépenses dynamiques, en hausse de 2,75 % par rapport à 2021, ce déséquilibre comptable correspond à un ratio P/C de 109 %. Ce ratio a ainsi connu une dégradation entre 2021 et 2022, puisqu’il s’était alors élevé à 106 %. Afin de financer le lourd déficit subi en 2022, il a fallu mobiliser la réserve générale du régime. De fait, alors que son montant frôlait les 30 millions d’euros à la fin 2021, il est désormais arrêté autour de 17,5 millions d’euros. Si la Sécurité sociale peut également s’appuyer sur une réserve complémentaire d’un montant supérieur à 5,5 millions d’euros, il n’en demeure pas moins que les réserves frais de santé des actifs de la Sécurité sociale fondent comme neige au soleil.

Pour ce qui concerne les retraités de la Sécurité sociale, la situation est apparue plus problématique encore. Si le régime a pu s’appuyer en 2022 sur des cotisations brutes en forte hausse, de près de 6 %, à 130,5 millions, il a toutefois dû composer avec des prestations servies aux assurés en progression plus rapide encore, de plus de 7 %, à plus de 109 millions d’euros. Bilan : le régime a présenté un déficit d’environ 6,5 millions d’euros, pour un ratio P/C supérieur à 106 % – soit une situation plus dégradée qu’en 2021, quand il avait atteint 104 %. Malheureusement pour les anciens salariés de la Sécurité sociale, les réserves de leur régime n’ont pas pu financer intégralement ce déficit. Loin s’en est même fallu : son montant étant d’un peu moins de 1,8 million d’euros à fin 2021, l’exercice 2022 s’est conclu par un besoin de financement de plus de 4,5 millions d’euros – besoin reporté sur l’exercice en cours.

Les débats santé de la Sécurité sociale

Ne pouvant que constater la dérive comptable de leurs mutualisations de frais de santé, les représentants patronaux et salariaux de la Sécurité sociale ont engagé des échanges quant aux perspectives d’évolution du régime. Autour de la table, tout le monde est bien conscient qu’il manque 35 à 40 millions d’euros pour boucler le financement de la recommandation actuelle – qui se termine fin 2026. Les employeurs de l’UCANSS auraient ainsi jugé opportun de discuter quelque peu du niveau de certaines garanties, par exemple en hospitalisation ou sur les dépenses liées aux audioprothèses. Il est vrai que d’après les premiers éléments d’information apportés à la connaissance des partenaires sociaux, les dépenses liées à ces postes seraient très dynamiques sur les premiers mois de l’exercice 2023. Les syndicats de salariés, ceci n’étonnera pas grand monde, ne se montraient guère enthousiastes à l’idée d’une diminution de certaines prises en charge des régimes.

Dans tous les cas, le recours à une telle solution ne semble d’ailleurs pas esquisser une trajectoire de retour à l’équilibre comptable des couvertures. Une hausse des cotisations au régime complémentaire à celles déjà actées durant le second semestre 2022 est difficilement évitable à court terme. D’après des sources concordantes, deux scenarios auraient été évoqués lors de la réunion paritaire, comportant des hausses de certaines cotisations mises en œuvre soit dès le 1er juillet prochain, soit à la rentrée de septembre – les hausses prévues début 2024 et début 2025 n’étant pas remises en cause. Là encore, ces pistes d’action n’ont guère plu aux représentants des agents de la Sécurité sociale, qui ont revendiqué un accompagnement patronal plus important à ces hausses prévisibles et qui ont appelé à la tenue d’un débat paritaire élargi sur le financement des régimes. Ils posaient en outre la question du sort des cotisations au régime des retraités.

Dans la foulée de cette réunion, les fédérations syndicales présentes au sein des organismes de Sécurité sociale : la CFDT, la CGT, FO et le SNFOCOS, la CFTC, la CFE-CGC et l’UNSA, ont adressé un courrier intersyndical au ministre des Solidarités et de la Santé, François Braun, dans lequel elles ont, parallèlement à des revendications salariales ambitieuses, précisé leurs positions concernant la question des frais de santé. Déplorant l’absence de soutien budgétaire de la tutelle ministérielle afin “d’accompagner l’inflation des frais de santé” et la tentation, par conséquent, des employeurs de la Sécurité sociale “d’organiser des arbitrages en gestion de la pénurie qui vont faire peser le rééquilibrage sur les seuls salariés par l’augmentation de cotisations prélevées sur leur salaire”, les syndicats proposent une autre hypothèse d’évolution du régime, consistant en l’octroi d’un “budget complémentaire de 34 millions d’euros” et en une répartition à 60/40 du financement de la cotisation.

Débats à suivre dans les prochaines semaines.

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