Congés payés : ces 3 évolutions jurisprudentielles favorables aux salariés

La Cour de cassation a rendu une série d’arrêts dont la portée améliore le droit à congés payés des salariés français. C’est par un communiqué plutôt bien relayé par la presse généraliste que les conséquences de ces décisions ont été diffusées. La Cour y acte la primauté de certaines dispositions du droit européen sur le droit français s’agissant des congés payés des salariés.

La Cour se rattache notamment à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans chacune de ses décisions. Ce texte précise que “Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés“. Ce principe se heurte à plusieurs articles du code du travail qui tendent, d’une part, à limiter le droit à congés payés des salariés en arrêt de travail ; et d’autre part, à ne pas adapter le délai de prescription de l’indemnité de congé payé à l’attitude de l’employeur.

Le droit à congés payés est désormais étendu pour les salariés en arrêt de travail

La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts dédiés à la question de l’acquisition de droits à un congé payé pendant une période d’arrêt de travail. Les premiers impliquent des salariés en arrêt à cause d’une maladie non professionnelles. Les seconds portent sur des salariés en arrêt du fait d’un accident du travail.

Être en arrêt de travail ne bloque plus le droit au congé

Dans un trio de décisions (dont seule la décision n° 22-17.340 est disponible en ligne), le juge de cassation s’intéresse à une affaire qui oppose plusieurs salariés à leur employeur. Ces salariés estiment qu’ils ont acquis des congés payés pendant leur arrêt de travail ayant une cause non professionnelle. Mais l’entreprise leur refuse ce droit.

La Cour de cassation rappelle le contenu du code du travail, précisément son article L. 3141-3, selon lequel le salarié acquiert un congé de 2,5 jours ouvrables “par mois de travail effectif chez le même employeur“. Autrement dit, la loi française réserve l’acquisition de congés aux seuls salariés qui sont au travail. La loi française prive donc les salariés en arrêt de travail découlant d’une cause non professionnelle du droit au congé.

Mais le juge examine cette loi à la lumière du droit européen. Outre l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (voir introduction), la Cour rappelle que le “droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l’Union“. De plus, sur le sujet du droit à congés le droit européen (précisément la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003) “n’opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d’un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période“. Autrement dit, la France ne peut pas priver les salariés de leur droit à congés payés au motif qu’ils n’ont pas pu travailler pendant la période de référence d’un mois du fait de leur arrêt de travail.

Par conséquent, les dispositions de l’article L. 3141-3 du code du travail sont partiellement écartées “en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle“. Cela signifie que toutes les entreprises doivent désormais permettre à leurs salariés en arrêt de travail de bénéficier normalement de leurs droits à congés payés.

La limite d’un an pour calculer l’indemnité de congés payés en cas d’arrêt de travail d’origine professionnelle n’est plus applicable

L’une des affaires examinées par la Cour de cassation (pourvoi n° 22-17.638) porte sur un salarié victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail pendant près de 20 mois. Le salarié réclame son indemnité de congés payés calculée sur l’ensemble de son arrêt de travail d’origine professionnelle. Mais son entreprise lui refuse. En effet, elle se fonde sur l’article L. 3141-5 du code du travail selon lequel l’arrêt de travail d’origine professionnelle est considéré comme une période de travail effectif pour déterminer la durée du congé, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an. Cela signifie que sur les presque 20 mois d’arrêt de travail du salarié, seulement 12 ont été pris en compte pour calculer son indemnité de congés payés.

Dans cette affaire, la Cour de cassation reprend peu ou prou les mêmes arguments que dans les cas cités plus haut qui impliquent des salariés en arrêt de travail d’origine non professionnelle. La Cour déduit du droit européen applicable que le droit à l’acquisition de congés payés ne peut pas être limité en raison de l’arrêt de travail du salarié. Par conséquent, le juge écarte les dispositions de l’article L. 3141-5 du code du travail “en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période“.

Cette décision implique que les entreprises ne doivent plus arrêter de calculer les droits à congés des salariés en arrêt de travail du fait d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

Le délai de prescription du droit à l’indemnité de congés payés ne démarre pas en cas de mauvaise volonté de l’employeur

Le dernier duo de décisions qui nous intéresse porte sur le point de départ du délai de prescription du droit à l’indemnité de congés payés. Dans la seule décision mise en ligne (pourvoi n° 22-10.529), l’affaire oppose une salariée à son ex-employeur. Pendant 10 ans, le statut de salariée ne lui était pas reconnue, elle l’a donc faire reconnaître en justice. Ce faisant, elle réclame le paiement des indemnités de congés payés sur ces 10 années. Mais la cour d’appel n’accepte de lui verser ces indemnités que sur les 3 ans qui précèdent la décision de justice qui reconnaît son statut de salarié. En effet, la cour d’appel fonde sa décision sur l’article L. 3245-1 du code du travail selon lequel “L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer La demande peut porter […] sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat“.

La Cour de cassation rappelle toutefois la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) selon laquelle “la perte du droit au congé annuel payé à la fin d’une période de référence ou d’une période de report ne peut intervenir qu’à la condition que le travailleur concerné ait effectivement eu la possibilité d’exercer ce droit en temps utile“. De plus, toujours selon la CJUE, l’employeur ne peut pas “invoquer sa propre défaillance, à savoir avoir omis de mettre le travailleur en mesure d’exercer effectivement son droit au congé annuel payé, pour en tirer bénéfice dans le cadre du recours de ce travailleur au titre de ce même droit, en excipant de la prescription de ce dernier“. En clair, si c’est à cause de l’attitude de l’employeur que la salariée n’a pas pu exercer son droit à congés payés, le délai de prescription n’est pas applicable.

Le juge de cassation reprend donc ce raisonnement à son compte en indiquant que le délai de prescription ne peut commencer à courir que si l’employeur “justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé“. En l’occurrence, l’employeur n’a jamais reconnu à la plaignante son statut de salariée, la prescription du droit à l’indemnité de congés payés ne peut donc pas s’appliquer.

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