Non, une DUE en santé n’équivaut pas à dénoncer implicitement l’accord initial

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La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur l’effet potentiel d’une décision unilatérale de l’employeur (DUE) sur l’accord santé initial dont elle prend la suite. Sa décision est importante car elle rappelle les seules conditions dans lesquelles un accord cesse de s’appliquer. La Cour envoie à cette occasion un signal fort aux partenaires sociaux signataires d’accords collectifs.

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L’affaire jugée le 29 mai 2024 prend place dans le cadre de la CCN 66 (IDCC 413). Elle oppose la direction d’une Association départementale d’amis et de parents d’enfants inadaptés (Adapei) à son comité central d’entreprise (CCE) et au syndicat CFDT santé sociaux (ci-après la CFDT). Ces derniers réclament tout bonnement la reconnaissance de la fin de l’application des accords santé initiaux signés entre 2006 et 2009 au sein l’association. Ils estiment de les DUE prises par la direction de l’entreprise afin d’adapter le régime à la généralisation de la complémentaire santé y ont mis fin de façon explicite.

Le CCE et la CFDT veulent en réalité faire cesser l’application d’une mesure décidée par les accords santé initiaux. En effet, un premier accord d’octobre 2006 a créé le régime collectif frais de santé auquel sont venus se greffer un deuxième accord de décembre 2006 et un troisième accord de février 2009. Ces deux textes découlant de l’accord fondateur ont ajouté une mesure très spécifique. Ils prévoient que le CCE cofinance annuellement le régime frais de santé à hauteur de 185 000 € par an !

Le CCE et la CFDT veulent cesser de cofinancer le régime frais de santé…

Dans l’affaire, le CCE et la CFDT demandent au juge de dire que les DUE prises par l’employeur en 2015 et 2016 – DUE actées à la suite de l’échec de nouvelles négociations collectives – pour adapter le régime frais de santé de l’association à la généralisation de la complémentaire santé équivalent à la dénonciation implicite de l’accord fondateur. Cette dénonciation implicite conduirait, de facto, à la caducité des deux accords qui en ont découlé et qui prévoit le cofinancement de la complémentaire santé collective par le CCE.

Notons que la cour d’appel donne raison au CCE et à la CFDT dans un premier temps. Elle considère que les DUE font bien office de dénonciation implicite. Effectivement, selon elle l’accord fondateur d’octobre 2006 a perdu son objet du fait de la première décision unilatérale prise en 2015. Par conséquent, les accords qui en découlent ont, eux aussi, perdu leur objet et sont devenus caducs.

…mais une DUE ne vaut pas dénonciation d’accord

La Cour de cassation se penche sur la question en revenant, comme toujours, aux textes de loi. Elle rappelle notamment que la procédure visant à dénoncer un accord collectif est fixée par l’article L. 2261-9 du code du travail. Par ailleurs elle rappelle que la seule caducité de plein droit prévue par l’accord santé de l’Adapei est la résiliation du contrat santé. En outre, l’accord fondateur n’a donné lieu à aucune dénonciation ni demande de révision par les partenaires sociaux.

Une fois ces précisions apportées, la Cour indique également que les DUE prises par la direction de l’Adapei n’ont pas modifié les principes de l’accord et n’ont fait que modifié les cotisations santé et l’étendue de certaines prestations santé.

Elle en conclut donc deux choses. D’une part :

la dénonciation d’un accord collectif ne peut être implicite

Chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi n° 22-23.415, 29/05/2024

D’autre part :

la modification par voie de décision unilatérale de l’employeur, après l’échec des négociations collectives, d’un régime d’assurance complémentaire « frais de santé », instauré par voie d’accord collectif, rendues nécessaires par la mise en conformité avec des dispositions législatives et conventionnelles nouvelles, ne prive pas de cause et ne rend pas dès lors caduc un accord collectif antérieur relatif au cofinancement par les institutions représentatives du personnel de ce régime complémentaire au titre des activités sociales et culturelles

Chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi n° 22-23.415, 29/05/2024

En d’autres termes, le seul moyen de mettre fin à un accord est de le dénoncer explicitement, ce que les partenaires sociaux n’ont, semble-t-il, pas pensé à faire. Une DUE n’a donc pas d’effet implicitement résolutoire sur l’accord à la suite duquel elle est prise.

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