Si, mardi, l’exécutif a finalement renoncé à opérer, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, une ponction substantielle sur les comptes de l’AGIRC-ARRCO afin de financer la dernière réforme des retraites qu’il a mené, il n’a toutefois pas renoncé au principe d’une telle mobilisation du régime complémentaire des salariés du privé au secours du régime général.
L’annonce, hier dans l’après-midi, de l’éviction du président du conseil d’orientation des retraites (COR), Pierre-Louis Bras, pourrait d’ailleurs laisser penser que l’exécutif prépare sa riposte contre les partenaires sociaux.
Vers une contribution “négociée” de l’AGIRC-ARRCO
Bien que le gouvernement ait préféré jouer l’apaisement avec les partenaires sociaux sur le dossier de la contribution de l’AGIRC-ARRCO au financement de la revalorisation des “petites pensions” prévue par la dernière réforme des retraites – et, accessoirement, se prémunir du risque du vote d’une motion de censure – il continue pourtant de souhaiter la mise en œuvre d’une telle contribution. Par la voix de Thomas Cazenave, le ministre délégué aux Comptes Publics, l’exécutif a en effet fait savoir qu’il entendait engager au plus vite des discussions avec les partenaires sociaux visant à définir les conditions et modalités d’une contribution “négociée” de l’AGIRC-ARRCO au régime général. Connaissant le sens gouvernemental aigu de la concertation sociale, on conçoit sans peine que cette “négociation” en sera vraiment une.
Le président du COR évincé
On le conçoit d’ailleurs d’autant plus aisément que le gouvernement vient d’envoyer un signal suffisamment clair quant à la manière dont il appréhende l’enjeu des retraites. En évinçant, au beau milieu de cette séquence comptable, Pierre-Louis Bras de la présidence du COR, il n’écarte pas seulement un technocrate du social auquel il semblait reprocher une trop grande autonomie dans sa gestion de son institution : il entend également, sans doute, démontrer que c’est bien lui, et lui seul, qui détermine l’agenda de la politique des retraites, tout en se donnant les moyens de justifier ses futures propositions en la matière. C’est en tout cas fort probablement de cette manière que les partenaires sociaux, représentés comme chacun sait au sein du COR, ont interprété la décision gouvernementale relative à sa présidence.
Les partenaires sociaux sous pression sur les retraites
Il reste désormais à savoir comment ils vont réagir à cette mise sous pression étatique sur l’enjeu des retraites. Le fait que la CGT ait – fait très rare – décidé de signer le dernier accord sur l’AGIRC-ARRCO, lui permettant donc d’être validé à l’unanimité des organisations syndicales représentatives, vient témoigner de la volonté des représentants syndicaux du salariat de porter sur ce thème une voix paritaire spécifique, indépendante de celle de l’Etat. En l’état, l’attitude de la représentation patronale demeure plus ambiguë : si le MEDEF apparaît clairement opposé à l’expansionnisme étatique en matière de retraite, la CPME et l’U2P vont devoir, dans les prochaines semaines, clarifier leur position à ce sujet.