La vague d’arrêtés d’extensions d’accords santé et prévoyance qui a déferlé au Journal officiel du 4 juin dernier recèle quelques pépites. Parmi les 37 arrêtés publiés, 3 textes méritent amplement le coup d’œil. Les organismes d’assurance positionnés sur le marché des conventions collectives visées ont tout intérêt à en connaître les moindres détails.
Chacun de ces arrêtés emporte ses propres effets sur l’accord visé. L’un permet l’entrée en vigueur de l’accord finalement étendu. L’autre émet une réserve importante sur le fonctionnement de l’action sociale (aussi appelée degré élevé de solidarité). Tandis que le dernier applique scrupuleusement la nouvelle doctrine ministérielle s’agissant des réseaux de soins prévus par les CCN.
Le ministère du travail recadre (encore) un réseau de soins
La nouvelle politique des services ministériels en matière de mention des réseaux de soins dans les accords santé est désormais gravée dans le marbre. Ces réseaux sont désormais assimilés à des désignations et sont systématiquement exclus des extensions prononcées. La nouvelle exclusion concerne l’accord santé du 6 octobre 2020 signé dans la CCN des marchés financiers (IDCC 2931). Le ministère du travail exclut catégoriquement la mention de la “possibilité de faire appel au réseau KALIXIA”.
C’est la 3e fois en 2 mois qu’une telle exclusion est prononcée (la première visait Kalixia dans l’accord santé de la cordonnerie multiservices, la deuxième concernait Itelis dans l’accord de l’intérim). Les partenaires sociaux savent désormais l’accueil qui sera systématiquement réservé aux accords qui renvoient à un ou plusieurs réseaux de soins. A ce jour, aucune explication n’a été donnée par les autorités sur ce brusque changement de politique d’extension. Et oui, souvenons-nous que l’accord santé de la répartition pharmaceutique (faisant référence au réseau Santéclair) était étendu sans aucune difficulté en février.
Dans la pratique, l’exclusion automatique des réseaux de soin de l’extension n’est pas encore catastrophique. Son seul effet réel est d’empêcher les salariés (d’entreprises dont l’employeur n’adhère pas à l’organisation patronale signataire de l’accord santé) de se prévaloir du bénéfice du réseau de soins inscrit dans l’accord. De plus, ce n’est qu’en cas de contentieux prud’homal que la question se poserait véritablement. Ceci dit, la symbolique de l’assimilation du réseau de soins à la désignation d’organisme assureur n’est pas anodine. Elle montre que les restrictions de concurrence organisées par ces réseaux n’ont pas échappé au scope des autorités administratives qui veillent au grain.
Les 2 autres extensions aux effets intéressants
L’extension qui acte l’entrée en vigueur d’un accord prévoyance
Parmi les arrêtés d’extension publiés le 4 juin, l’un d’eux revêt une importance essentielle car il permet à un accord prévoyance d’entrer en vigueur. C’est l’arrêté qui concerne le texte signé le 10 novembre 2020 dans la CCN du commerce de détail de fruits et légumes (IDCC 1505). L’accord en question propose les nouvelles grilles de cotisation pour les cadres et les non cadres. Mais son entrée en vigueur est soumise à son extension. Avec la parution de l’arrêté, ces cotisations en hausse seront obligatoirement applicables le 1er jour du trimestre suivant la publication de l’extension au JO, soit le 1er juillet 2021.
L’extension qui rappelle la règle pour choisir le gestionnaire du fonds de solidarité
S’il faut connaître un autre arrêté au cœur de toutes les dernières extensions parues, c’est bien celui de l’accord prévoyance du 8 octobre 2020 signé dans la CCN des acteurs du lien social et familial (IDCC 1261). L’accord en question réécrit l’article 13 du chapitre XIII de la CCN relatif à l’action sociale. Il porte, entre autres, sur la “désignation d’un gestionnaire unique” qui pilotera le fonds de solidarité. L’accord prévoyance indique que cette désignation se fera “à la suite d’une procédure dont les modalités seront décidées par les partenaires sociaux” et “sera effective au 1er janvier 2022“. Mais les partenaires sociaux ne sont pas entièrement libres de faire ce qu’ils souhaitent et le ministère du travail leur rappelle. Cet article 13 réécrit est donc étendu sous réserve de respecter le code de la sécurité sociale tel qu’interprété par le Conseil d’Etat en juillet 2018.
En théorie, les partenaires sociaux des acteurs du lien social et familial ne pourront pas “désigner” le gestionnaire du fonds de solidarité en toute opacité. Le Conseil d’Etat rappelait ainsi en 2018 que l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) doit impérativement s’appliquer en la matière. En d’autres termes, le ministère du travail étend l’accord prévoyance tout en comptant sur la bonne volonté des partenaires sociaux pour respecter les critères de transparence lorsqu’ils choisiront le gestionnaire unique de leur fonds de solidarité. Pas sûr que cela soit suffisamment persuasif pour que les véritables modalités de sélection répondent aux réserves de l’arrêté d’extension.