Dans une tribune publiée hier, 27 novembre 2024, dans le journal Les Echos, Christophe Harrigan (directeur général de La Mutuelle générale) plaide pour mettre la prévention au centre du budget de la sécurité sociale. Il se fait l’écho d’une demande régulière du monde mutualiste (et plus largement des complémentaires santé) à laquelle le gouvernement reste sourd, pour le moment.
La mise en œuvre d’une politique de prévention organisée par les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam) n’est pas une demande nouvelle. On se souvient par exemple que les représentants des Ocam réclamaient, lors de leur audition par la mission d’information au Sénat sur les prix des complémentaires santé, une vision pluriannuelle et un partage de données par l’assurance maladie pour permettre l’élaboration d’actions de prévention ciblées. Cette idée était d’ailleurs reprise dans le rapport finalement publié. Cependant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS 2025) ne reflète rien de tout cela. C’est pourquoi Christophe Harrigan prend la plume, une fois de plus, pour exposer les arguments favorables à une prévention dotée de véritables moyens.
La prévention opposée à la vision comptable du PLFSS actuel
Le DG de La Mutuelle générale voudrait que la prévention prenne le pas sur la politique de prise en charge des soins. Il considère que ce n’est qu’en changeant de vision (c’est-à-dire en arrêtant d’augmenter la fiscalité pour financer un système de plus en plus dégradé) que le système de protection sociale français trouvera un second souffle. Concrètement, il plaide pour que l’Etat s’investisse davantage dans la prévention et lâche la bride aux Ocam pour mettre en œuvre des prestations ciblées (censées donner plus de résultats) grâce à la couverture obligatoire des salariés en entreprise. Sur ce point, une étude récente de la Dares laisse d’ailleurs entendre qu’au-delà de la seule santé prise dans sa globalité, les organismes d’assurance ont un rôle majeur à jouer dans la prévention des risques professionnels.
Pour y parvenir, Christophe Harrigan demande donc “un cadre fiscal et juridique normalisé“. Cela profiterait d’abord aux entreprises qui pourraient financer des mesures de prévention en faveur de leurs salariés (sans risque que cela soit considéré comme des éléments de rémunération). Mais cette demande vise surtout à faire de la prévention un élément à part entière des contrats responsables et solidaires, bien au-delà des 7 prestations actuellement prévues par ce cadre juridique. En effet, le DG de La Mutuelle générale explique que toutes les autres mesures de prévention (on pense notamment à celles qui sont parfois prévues dans le degré élevé de solidarité) sont actuellement soumises à une TVA à 20%, en plus de la TSA appliquée sur les cotisations du contrat. Autrement dit, la suppression de la TVA sur ce type de prestations permettrait aux Ocam de développer davantage ce volet essentiel qui, si l’on en croit l’auteur de la tribune, limiterait in fine les recours aux soins.
Une telle proposition d’évolution du contrat responsable et solidaire n’est pas inintéressante. Toutefois le gouvernement a d’autres priorités et nous savons que le dialogue constructif avec les acteurs de la protection sociale complémentaire n’est pas sa première qualité. En outre, si une telle évolution devait avoir lieu, les Ocam doivent se préparer à faire preuve de transparence sur leurs politiques de prévention et, par extension, sur l’utilisation qu’ils font des cotisations récoltées dans le cadre du degré élevé de solidarité. Cette “libération” de l’action des assureurs pourrait donc avoir un sérieux revers à ne pas négliger.