Cyber-assurance : les préconisations du Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris

La question de la cyber-assurance fait l’objet de réflexions depuis plusieurs mois. Parmi les thèmes évoqués, celui de l’assurance des attaques informatiques subies par les entreprises est central (avec le risque des rançongiciels, ou ransomwares, qui touche de plus en plus d’assureurs). Le thème de l’assurance des sanctions infligées aux entreprises pour non-respect de certaines mesures fait aussi partie des sujets étudiés.

Dans un rapport rendu fin janvier 2022 (disponible en fin d’article), le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris (HCJP) s’intéresse à ce problème essentiel de la cyber-assurance. Plusieurs propositions sont ainsi faites pour tenter d’influencer l’évolution des règles en la matière.

Contre une interdiction de l’assurance des rançons versées en cas d’attaque au rançongiciel

Le point culminant du rapport concerne la possibilité d’assurer (ou pas) les rançons que les victimes d’attaques informatiques sont amenées à payer. Le rapport dresse (page 31) d’abord un état des lieux des arguments “pour” et “contre” l’assurabilité de ce risque. Parmi les arguments favorables à cette interdiction, on peut en citer deux. D’abord, les entreprises assurées contre ce risque seront plus exposées aux cyber-attaques. Puis, les entreprises assurées seraient plus laxistes dans leur politique de cyber-sécurité. En clair, interdire l’assurance des rançons serait un moyen de renforcer la solidité informatique des entreprises et la réduction des attaques.

A l’opposé, les arguments opposés à l’interdiction d’assurer les rançons mettent en avant le caractère parfois inévitable du paiement de la rançon : certaines entreprises ne peuvent pas y échapper pour récupérer leurs données. D’autre part, les entreprises assurées ont bien d’autres solutions que le paiement de la rançon : les assureurs proposent des accompagnements techniques, des mesures de prévention. Enfin, le rapport insiste sur les conditions contractuelles des assureurs qui devraient obliger leurs clients à prendre toutes les mesures de cyber-sécurité pour réduire le risque.

Le groupe de travail s’inscrit clairement en faveur de la cyber-assurance dédiée aux rançongiciels :

Dès lors que les dispositifs français et internationaux visant à lutter contre le blanchiment et le
financement du terrorisme sont respectés, compte tenu du besoin des victimes de se garantir contre le risque de ransomware et du marché européen dans lequel évoluent les entreprises d’assurance et les victimes, interdire l’assurabilité du remboursement des rançons en cas de cyberattaque n’est pas préconisé.

Rapport du HCJP, 28 janvier 2022, page 36.

Le HCJP appelle à faire évoluer les dispositions législatives et réglementaires afin de garder un maximum de confidentialité sur la préparation (ou l’impréparation) des entreprises face au cyber-risque. Les mesures à prendre incluent également la définition d’une politique commune aux assureurs visant à privilégier la prévention auprès de leurs clients afin d’éviter au maximum le paiement de rançons.

Contre la cyber-assurance des grandes sanctions prononcées par la CNIL

En cas de défaut de cyber-sécurité, n’importe quelle entreprise contrôlée par la CNIL peut faire l’objet de tout un panel de sanctions et mesures de corrections à mettre en place. En fonction du degré d’importance de ces décisions prononcées par la CNIL, le rapport balance entre l’assurabilité et l’inassurabilité du risque.

Ainsi, dans le cas où une entreprise ferait l’objet d’une amende administrative et/ou d’astreintes infligées par la CNIL, le montant à payer ne devrait pas être assurable selon le HCJP. En revanche, toutes les mesures annexes de correction liées à un contrôle effectué à la suite d’un accident (pouvant être provoqué par une cyber-attaque) pourraient être assurables. Dans ce cadre, les mesures correctives à mettre en œuvre seraient les bienvenues dans un contrat de cyber-assurance.

La cyber-assurance face à la guerre informatique

Le rapport traite dans sa dernière partie du risque de guerre dans le cas où le fait générateur serait de nature cybernétique. En pratique, le risque de guerre entre dans le régime de la présomption d’exclusion en droit des assurance français. Toute la question est de savoir si la cyberguerre peut faire partie de ce régime. Le HCJP penche nettement en faveur de cette inclusion. Il propose d’ajouter un 3e alinéa à l’article L. 121-8 du code des assurances :

Est considérée comme une guerre étrangère, au sens du présent article, y compris en l’absence de déclaration formelle de guerre ou d’attribution publique, tout conflit armé international impliquant un État, ou une, ou plusieurs personnes agissant sous le contrôle ou au service des intérêts de cet État, y compris en cas de mise en œuvre d’armes ou de moyens cybernétiques.

Ces réflexions seront nécessairement prises en compte dans les travaux en cours sur l’assurance du cyber-risque. Reste à savoir dans quelle mesure.

rapport_45_f

Ajouter aux articles favoris

Conformité CCN en santé

Pour vous aider à gérer la conformité CCN de vos offres "santé standard", profitez de notre outil en marque blanche gratuitement en 2023. L'outil vous permettra de savoir, en un clic, le niveau de votre offre compatible avec la CCN que vous aurez sélectionnée. L'outil en marque blanche est relié à la base de données CCN de Tripalio, juridiquement certifiée et mise à jour en temps réel. Il bénéficie de notre algorithme de comparaison qui détecte les non-conformités du contrat santé standard.
Demandez votre outil
1 Shares:
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pourriez aussi aimer

Sfam (Indexia) en liquidation judiciaire

Un an après l'interdiction de distribuer des contrats d'assurance prononcée par l'ACPR, le courtier Sfam (filiale d'Indexia) est placé en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. La décision a été prise hier, mercredi 24 avril 2024. ...

Résultats : MGEN améliore son résultat et sa solvabilité malgré une sinistralité en hausse

La MGEN (groupe VYV) publie son rapport sur la solvabilité et la situation financière (rapport SFCR) pour l'année 2023. Plusieurs éléments frappants sont à signaler dans ce rapport. D'abord nous remarquons que le chiffre d'affaires est en très légère hausse sur un an, à 2,8 Md€ en 2023 contre 2,6 Md€ l'année précédente. Cette légère variation n'empêche pas les autres indicateurs d'évoluer radicalement. Ainsi,...

Résultats : Ircem reste solide malgré une baisse de son résultat net et de sa solvabilité

La Sgaps Ircem publie les résultats solides de son année 2023. Même si certains indicateurs sont à la baisse, les données affichées restent très positives. On remarque d'abord la progression du chiffre d'affaires de la Sgaps Ircem de 4,8%. Il atteint ainsi 376,6 M€ en 2023 contre 359,4 M€ en 2022. L'activité d'Ircem Mutuelle participe négativement à cette progression avec un recul de 0,8% du chiffre d'affaires qui demeure toutefois à 30,5 M€. En revanche, le...
Lire plus

Bruno Angles en lice à ADP ? Le point sur la situation

La démission récente du général Benoît Puga de son poste de déontologue de l'AG2R La Mondiale a relancé certaines spéculations relatives à l'intérêt, évoqué il y a quelques semaines dans la presse nationale, que Bruno Angles, le directeur général du groupe, porterait aux Aéroports de Paris (ADP) - dont le PDG, Augustin de Romanet, est partant. ...