La loi 2021-1040 relative à la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19, adoptée à marche forcée, en plein été, s’est traduite, entre autres choses, par l’obligation faite aux salariés des secteurs médicaux et para-médicaux d’être vaccinés afin de pouvoir continuer à exercer leur activité et par la nécessité, pour les salariés de plusieurs secteurs d’activité, de disposer d’un “passe sanitaire”, afin là encore de pouvoir continuer à exercer leur métier.
Confrontés à ces évolutions du droit du travail clairement défavorables aux salariés, les syndicats les ont globalement dénoncées mais n’ont pas été en mesure – et n’y sont toujours pas – d’opposer une riposte efficace au gouvernement.
Le refus d’un nouveau motif de licenciement
A la fin du mois de juillet, à l’occasion du (très bref) débat public suscité par le projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire, presque toutes les confédérations syndicales de salariés ont pris la parole afin d’exprimer leur refus de la mise en œuvre de sanctions pour les salariés non vaccinés ou n’ayant pas un passe sanitaire en temps voulus – et notamment, de la création d’un nouveau motif de licenciement lié à l’état de santé du salarié.
Sans grande surprise, la CGT, FO et Solidaires s’exprimaient de manière comparable au sujet du projet de loi porté par le gouvernement. Se déclarant favorables à la vaccination comme outil de sortie de la crise sanitaire, elles dénonçaient toutefois vivement la mise en place de sanctions – et notamment, le possible licenciement – contre les salariés qui, à l’échéance prévue par la loi, ne seraient pas vaccinés ou qui ne disposeraient pas d’un passe sanitaire valable. Ainsi, la CGT jugeait que ces sanctions étaient des “mesures régressives” aux “conséquences graves”, tandis que Solidaires s’élevait “contre le passe sanitaire qui se construit contre les travailleuses et les travailleurs, avec des menaces fortes (pertes de salaires, mises à pied, licenciements…), et qui met en danger le secret médical”.
Parallèlement à ces réactions, d’autres provenaient de deux centrales traditionnellement plus modérées : la CFE-CGC et la CFTC. Par le moyen d’un communiqué de sa section parisienne, la seconde faisait savoir son opposition à la “création d’un motif de licenciement lié au choix de la non vaccination” et insistait sur le caractère vital du “salaire” pour les travailleurs. La CFE-CGC, pour sa part, sortait de son silence à l’endroit de la politique sanitaire gouvernementale afin de déplorer le “dérapage […] énorme” que constituait, de son point de vue, la “la sanction en cas de non-présentation du pass sanitaire”. “C’est transgressif, dangereux et inquiétant de voir apparaître pour la première fois un motif de licenciement à la charge du salarié pour une raison relevant de sa vie privée” justifiait l’organisation de l’encadrement.
Au milieu de ce concert de réactions critiques, l’absence de prise de parole officielle de la CFDT était remarquée.
La riposte toujours introuvable des syndicats
Après le processus d’adoption de la loi portant création de l’obligation vaccinale pour les professionnels médicaux et paramédicaux et du passe sanitaire, certaines organisations syndicales de salariés se sont de nouveaux exprimées afin de faire connaître leur position sur la version définitive de la loi qui allait être appliquée – et qui, principale évolution par rapport au projet de loi, ne comprend plus de possibilité de licenciement pour les salariés non vaccinés ou n’ayant pas de passe sanitaire valable.
Ainsi, la CGT a déploré le risque encouru par “les salariés qui ne pourront présenter de passe sanitaire en bonne et due forme à leurs employeurs” de se trouver “sine die sans revenus, sans droits sociaux et sans possibilité de trouver un emploi ailleurs”. “C’est une sanction totalement inédite et disproportionnée qui va être désormais intégrée dans le Code du travail qui risque d’avoir à termes des conséquences irrémédiables et néfastes pour le monde du travail” tonne la CGT, qui juge par ailleurs que cette mesure ne permettra pas de lutter contre l’épidémie en cours. De manière similaire, FO point du doigt cette procédure de la suspension du salarié sans passe ou non vacciné : “la suspension du contrat de travail, se traduisant par la suspension de la rémunération, validée par le Conseil constitutionnel, demeure une sanction lourde pour les salariés qui pourraient être concernés, sachant que selon les secteurs d’activité et la taille des entreprises, les possibilités de reclassement des salariés ne seront pas égales”.
Malgré leurs prises de position affirmées, les hiérarques confédéraux n’ont pourtant toujours pas, pour l’heure, concrétisé leur refus du tournant pris par la politique “sanitaire” du gouvernement en participant aux manifestations qui, chaque semaine et partout en France, ont lieu contre le passe sanitaire. Cette posture, qui procède en partie d’une méfiance à l’égard d’un mouvement dont ils n’ont pas été les initiateurs, contribue, dans les faits, à accompagner la dégradation des droits élémentaires des salariés. Si, ici ou là, des organisations liées à la CGT, à FO et à Solidaires, se font entendre afin d’appeler à participer aux mobilisations contre la politique sanitaire de l’exécutif, dans l’état actuel des choses, les états-majors demeurent sur la réserve. Dès lors que les premières sanctions vont tomber à l’encontre de salariés, cette position d’attentisme risque rapidement de s’avérer difficile à tenir.