Le Conseil d’Etat vient de trancher la question du pouvoir des branches professionnelles sur les salaires minima hiérarchiques (SMH). La décision est claire : les partenaires sociaux restent maîtres au niveau des conventions collectives s’agissant de la définition du SMH. Une victoire sur les ordonnances Macron (qui tendent à donner davantage de pouvoir à la négociation d’entreprise face aux CCN) que les syndicats de salariés semblent savourer (ici ou là).
La décision (reproduite en fin d’article) porte sur l’accord salarial de 2018 conclu dans la CCN du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216). Cet accord inclut, dans le salaire minimum hiérarchique, la prime annuelle prévue par la CCN. Or, le ministère du travail refuse d’étendre cette mesure au motif que la prime ne peut pas être incluse d’office dans le salaire minimum. Pour le gouvernement, la prime relève de la compétence de l’entreprise et non de la CCN.
Pour prendre sa décision, le ministère s’est basé sur la rédaction de l’article L. 2253-1 du code du travail issu des ordonnances de septembre 2017. L’article indique que les salaires minima hiérarchiques font partie des thèmes qui relèvent de la négociation au niveau CCN. Mais le gouvernement réduit le contenu des SMH au strict minimum. Ce à quoi s’opposent les syndicats de salariés CFTC CSFV, FS CFDT, FGTA FO, CFE-CGC Agro, CGT Commerce et services ainsi que l’organisation d’employeurs FCD.
La CCN peut inclure des compléments de salaires dans les SMH
Pour rendre sa décision, le Conseil d’Etat cherche à savoir si une définition des salaires minima hiérarchiques existe en droit. Il fouille dans le code du travail… dans les travaux préparatoires des ordonnances de 2017… mais ne trouve rien. Autrement dit, en l’absence de définition claire des SMH (dont le niveau défini par la CCN s’impose aux entreprises) :
il est loisible à la convention de branche, d’une part, de définir les salaires minima hiérarchiques et, le cas échéant à ce titre de prévoir qu’ils valent soit pour les seuls salaires de base des salariés, soit pour leurs rémunérations effectives résultant de leur salaires de base et de certains compléments de salaire, d’autre part, d’en fixer le montant par niveau hiérarchique
Point 8 de la décision du Conseil d’Etat du 7 octobre 2021
Et le Conseil d’Etat ajoute :
Lorsque la convention de branche stipule que les salaires minima hiérarchiques s’appliquent aux rémunérations effectives des salariés résultant de leurs salaires de base et de compléments de salaire qu’elle identifie, elle ne fait pas obstacle à ce que le montant de ces minima soit atteint dans une entreprise par des modalités de rémunération différentes de celles qu’elle mentionne, un accord d’entreprise pouvant réduire ou supprimer les compléments de salaire qu’elle mentionne au titre de ces minima, dès lors toutefois que sont prévus d’autres éléments de rémunération permettant aux salariés de l’entreprise de percevoir une rémunération effective au moins égale au montant des salaires minima hiérarchiques fixé par la convention
Point 8 de la décision du Conseil d’Etat du 7 octobre 2021
En clair, le Conseil d’Etat permet aux CCN de garder des marges de manœuvre dans la définition des SMH. Surtout, le juge rappelle que les entreprises sont soumises à ces accords et ne peuvent pas y déroger défavorablement, même si les SMH définis au niveau de la CCN incluent des éléments de rémunération annexes.
A l’heure actuelle, il est difficile de mesurer l’onde de choc que produira cette décision sur les autres CCN. Alors que la métallurgie négocie sur les salaires et que le gouvernement attend un effort de certains secteurs sur les bas salaires, les prochaines semaines apporteront leur lot d’évolutions que nous ne manquerons pas de suivre.
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