Annoncé hier, le départ de l’U2P, la confédération patronale de l’artisanat, du commerce et des professions libérales, du conclave sur l’avenir des retraites, ou “délégation paritaire permanente retraite”, signe l’échec de la tentative du gouvernement de faire endosser largement des décisions douloureuses pour l’évolution de la protection sociale de la population et la réduction des déficits sociaux.

Confronté à des déficits sociaux qui se creusent inexorablement, le gouvernement va devoir opérer seul ces choix épineux.
Débranchement du conclave
En elle-même, l’officialisation par l’U2P de sa volonté de ne plus se prêter au jeu de la délégation paritaire permanente sur les retraites constituait un coup très dur porté à cette instance. Elle s’ajoutait en effet au refus très tôt formulé par FO de participer aux échanges paritaires et intervenait après la survenue de diverses prises de position gouvernementales sur l’enjeu des retraites qui avaient clairement remis en cause l’autonomie négociatrice des partenaires sociaux. L’onde de choc de l’annonce de l’U2P a renforcé son effet premier sur le conclave. De fait, elle a ouvert la voie à la formulation ouverte de critiques paritaires de son bien-fondé – critiques qui, jusqu’alors, demeuraient discrètes. Le MEDEF a ainsi fait savoir qu’il partageait globalement les critiques de l’U2P à l’endroit de l’instance, tandis que la CGT a laissé fuiter des informations concernant sa volonté d’imiter FO. Au lendemain de la décision tonitruante de l’U2P, le conclave, autrement dit, est en passe d’être débranché.
15 milliards de déficits sociaux en 2024
Hasard du calendrier, cette malheureuse séquence est intervenue quelques heures après une communication gouvernementale relative à l’état final des comptes de la Sécurité sociale pour l’année 2024. On y apprenait qu’elle a terminé cet exercice sur un déficit de plus de 15 milliards d’euros. “Le déficit des régimes de base de la sécurité sociale et du FSV augmente par rapport à 2023 (10,8 milliards d’euros) après s’être continuellement amélioré depuis le creux historique de 2020 (39,7 milliards d’euros)” précise le gouvernement. Malgré une situation comptable calamiteuse, ce dernier s’autorise d’ailleurs un motif de satisfaction, relevant en l’occurrence que “le solde est toutefois moins dégradé que ce qui était attendu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui prévoyait un solde de 18,2 milliards d’euros”. Tout le monde pourrait, en somme, s’en retourner à ses occupations : la situation ne serait, finalement, bon an mal, pas si catastrophique que ça.
Le gouvernement à l’heure des choix
Dans le même temps qu’était officialisée la – fort mauvaise – situation comptable de la Sécurité sociale pour l’exercice précédent, les partenaires sociaux s’activaient donc afin de prendre leurs distances vis-à-vis d’une négociation paritaire sur l’avenir des retraites promise à des développements laborieux. L’heure, est-on tenté d’en conclure, étant inévitablement à la dégradation des régimes sociaux, les représentants du monde du travail ne paraissent pas vouloir se précipiter afin de prendre part à ce chantier. A leur décharge, il faut bien reconnaître que l’interventionnisme permanent de l’Etat dans les affaires paritaires que l’on observe depuis qu’Emmanuel Macron est le Président de la République ne les incitait pas nécessairement à adopter une posture positive à l’endroit des initiatives gouvernementales en matière sociale. Quoi qu’il en soit, l’exécutif se retrouve ainsi seul à devoir faire face aux choix difficiles imposés par l’état des finances sociales de la nation.