En quête d’économies budgétaires d’ampleur, le gouvernement de Michel Barnier s’intéresse de près aux différents types de dépenses de protection sociale – principal poste de la dépense publique – dont celles liées à la prise en charge des arrêts maladie.
S’il paraît vouloir s’attaquer au régime de la fonction publique, l’exécutif pourrait fort bien en arriver à revoir plus généralement la règlementation d’ordre public de la carence d’indemnisation – et, par conséquent, modifier la prise en charge des arrêts maladie de l’ensemble des salariés.
Aligner le public sur le privé…
Dimanche dernier, dans le cadre d’une interview qu’il a accordée au Figaro, Guillaume Kasbarian, le ministre de la Fonction Publique, de la Transformation et de l’Action Publique, a annoncé le souhait du gouvernement d’aligner les règles d’indemnisation des arrêts maladie des agents publics sur celles, moins généreuses, en vigueur dans le secteur privé. Préconisée il y a quelques mois, rappelons-le, par un rapport rédigé conjointement par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), cette évolution permettrait à l’exécutif d’atteindre deux objectifs : réaliser d’importantes économies budgétaires d’une part, à hauteur d’environ 1,2 milliard d’euros, et lutter contre l’absentéisme des agents de la fonction publique d’autre part – en 2022, ils ont été absents en moyenne 14,5 jours pour raisons de santé, contre 11,7 jours pour les salariés du privé.
Dans le détail, l’alignement des règles de la prise en charge des arrêts maladie du public sur le privé reposerait sur deux mesures. D’une part, le gouvernement entend diminuer le taux de la prise en charge des arrêts maladie, de 100 % à 90 % lors des trois premiers mois – puis 50 % ensuite. Cette mesure serait, si l’on en croit le rapport des deux inspections, la plus efficace d’un point de vue budgétaire, rapportant quelque 900 millions d’euros à l’Etat employeur. D’autre part, et c’est ce point qui a le plus retenu l’attention commune alors qu’il rapporterait nettement moins au budget, le nombre de jours de carence dans le cadre de l’indemnisation des arrêts de travail devrait passer de un à trois dans la fonction publique. Relevons enfin que les congés maladie pour affections de longue durée, accident de service, invalidité, maladie grave, ou encore affections liées à la grossesse ne seraient pas concernées par ces durcissements.
… ou dégrader l’indemnisation de tous les arrêts maladie ?
Quoi qu’il en soit de l’intérêt ou non de ces durcissements, il apparaissait que les précisions et motifs avancés par le gouvernement à leur endroit n’épuisaient pas toutes les questions posées par cette affaire. En particulier, si l’on comprenait aisément comment la réduction du taux d’indemnisation des arrêts maladie des agents publics devrait avoir des effets directs sur leur prise en charge effective, ceci semblait moins évident dans le cas de l’allongement du délai de carence. Comme le savent en effet bien les acteurs et observateurs du monde de la protection sociale, dans bien des cas, la prise en charge des arrêts maladie des salariés du secteur privé débute avant le troisième jour, à la faveur de conventions de prévoyance d’entreprises ou de branches. Alors que la réforme de la protection sociale complémentaire de la fonction publique est en cours de mise en œuvre, il était dès lors tentant de se demander si le gouvernement ne se trouvait pas tenté de transférer sur les futurs assureurs prévoyance de la fonction publique la prise en charge des jours de carence appelés à ne plus être indemnisés.
Dans l’état actuel des choses, le gouvernement n’a pas apporté de réponse claire à cette question. Pourtant, certains éléments d’information complémentaires laissent penser qu’il est tout à fait possible qu’il ait d’autres idées en tête dans ce dossier. Comme l’ont expliqué hier nos confrères des Echos, certains parlementaires liés à la droite et au centre-droit profiteraient bien de cette mise en débat des jours de carence dans l’indemnisation des arrêts maladie pour empêcher celle des trois premiers jours, dans le public comme dans le privé. Il serait question de la création de jours de carence d’ordre public, non indemnisables par principe. Défendu par le patronat depuis un certain temps déjà, au motif qu’il permettrait de lutter contre l’absentéisme, ce changement pourrait bien, dans la conjoncture actuelle, séduire l’exécutif. Il reste à savoir si le Rassemblement National, qui soutient l’alignement des règles d’indemnisation des arrêts maladie du public sur le privé, soutiendrait également cette dégradation cette fois-ci générale de ces règles.