Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFE-CGC.
Dans une tribune, Pierre Roger, secrétaire national confédéral à la protection sociale, revient sur les raisons conduisant la CFE-CGC à s’opposer à l’accord sur les retraites complémentaires.
La crise sanitaire débutée en mars 2020 a engendré une situation économique et sociale inédite. La suspension partielle de l’activité et, par voie de conséquence, la réduction des cotisations versées, ont privé l’Agirc-Arrco (les caisses de retraites complémentaires des salariés du secteur privé) de rentrées importantes.
Pourtant, le système paritaire a été solide. Les pensions ont été versées et l’année 2019 a été excédentaire de 966 millions d’euros, avec des réserves qui s’élevaient à cette date à 66,7 milliards d’euros correspondant à 9 mois de pensions. Pour 2020, le déficit final s’élève à 4,1 milliards, ramenant les réserves à 62,6 milliards, sachant que celui de 2021 devrait être beaucoup plus faible.
Rappelons que les partenaires sociaux ont estimé que l’Agirc-Arrco devait disposer au minimum de six mois de réserves pour pallier des événements exceptionnels tels que cette crise sanitaire. C’est dans ce contexte que, fin juin 2021, le Medef et les partenaires patronaux ont souhaité modifier les règles de pilotage de ce régime, en vigueur jusqu’à décembre 2022. Leur scénario anticipe des déficits apocalyptiques qui entraîneraient, dès 2029, un niveau de réserves inférieur à six mois.
Pour les organisations patronales, l’effort doit reposer sur les seuls retraités
Bien que cette perspective n’ait nullement été démontrée et que les prévisions économiques fassent état d’un fort rattrapage de la croissance et d’une remontée de la masse salariale, les organisations patronales ont posé comme postulat qu’un effort était nécessaire et qu’il devait exclusivement reposer sur les seuls retraités.
Au terme de trois séances de négociations seulement et avec l’assentiment de la CFDT et la CFTC, les organisations patronales ont donc présenté, courant juillet, un projet d’avenant à l’accord de 2019. Pour couvrir « l’apocalypse » qui nous menace, elles proposent de sous-indexer les pensions de retraites par rapport à l’inflation de 0,5 % pour 2021 et 2022.
L’urgence d’une telle mesure n’étant pas démontrée, la CFE-CGC a indiqué qu’elle ne serait pas signataire de cet accord, suivie en cela par FO et la CGT. Par ailleurs, notre Confédération a décidé de contester la validité de ce texte.
Bien que cette négociation rentre dans le champ du paritarisme, elle ne peut être détachée du contexte politique actuel. Dans la perspective d’une campagne présidentielle qui, à son terme, verra le dossier de la réforme des retraites revenir sur le devant de la scène, on ne peut que s’interroger sur l’empressement des organisations patronales à signer en urgence un tel accord. Il officialise, en effet, l’approbation des organisations syndicales de salariés signataires du fait que le coût des cotisations non versées de la dette Covid ne sera pas présenté a posteriori aux entreprises. Or la plupart d’entre elles, hormis dans quelques secteurs spécifiques, ont restauré pleinement leurs marges.
Enfin, nous n’avons pu résister à demander à l’Agirc-Arrco quelle serait l’incidence sur ses réserves d’une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite. Communiqués lors de la dernière séance de négociation (celle qui présentait à la signature l’avenant préparé par le Medef), ces chiffres montrent qu’un report de l’âge légal à 64 ans permettrait aux réserves de s’élever à 82,5 milliards d’euros en 2030 – soit un an de pension d’avance – et à 132 milliards en 2040, soit 15 mois de pensions en réserve !
Quel serait le sort de cette manne ? Pour la CFE-CGC, certainement revaloriser les pensions et augmenter la valeur du point cotisé ; pour les organisations patronales, sans doute envisager une nouvelle négociation pour baisser leurs cotisations !