Comment gagner le contentieux contre l’extension de la désignation en boulangerie ?

Le secteur de la boulangerie-pâtisserie (IDCC 843) est en ébullition depuis la publication de l’avenant reconduisant AG2R comme organisme désigné pour 5 ans. Cet avenant qui a fait l’objet de vives réactions dans nos colonnes a donné lieu à un avis d’extension qui sera probablement suivi d’un arrêté d’extension dans les semaines à venir. En effet, le Gouvernement semble avoir décidé d’étendre l’avenant contre vents et marées. BI&T fait le point sur les modalités de recours face à cette poursuite programmée de la désignation d’AG2R. 

 

Comment attaquer l’avenant désignant AG2R ?

La première astuce à connaître est que ce n’est pas l’avenant en lui-même qui doit être attaqué mais l’arrêté d’extension de cet avenant. Dans ce cadre, c’est devant le Conseil d’Etat que le recours devra être déposé. 

Les entreprises de boulangerie sont déjà nombreuses à refuser de s’affilier à AG2R et ont déjà obtenu gain de cause. Dans le cadre de l’avenant du 1er juin 2016, elles ne seront pas les seules à pouvoir agir. 

 

Qui peut attaquer la désignation en boulangerie ?

Les syndicats de courtiers et d’organismes assureurs seront en première ligne pour attaquer la désignation d’AG2R dans la boulangerie et ils auront raison. 

Ils ont tout intérêt à agir en vertu de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 26 juin 1959 Syndicat général des ingénieurs-conseils). En effet, d’après cette décision dès lors qu’un syndicat possède des membres qui “exercent dans les territoires où le [texte] attaqué est susceptible d’être appliqué, une activité professionnelle que ledit [texte] tend à limiter“, cela lui donne qualité pour poursuivre l’annulation dudit texte. En l’occurrence, l’arrêté d’extension aura pour objet d’étendre à toute la France l’application de la désignation d’AG2R en boulangerie. Cela aura pour effet de tuer la concurrence et de limiter l’activité des membres des syndicats de courtiers et d’organismes assureurs. Ces syndicats pourront donc déposer un recours devant le Conseil d’Etat. 

Les boulangers eux-mêmes sont aussi directement concernés par l’avenant. En effet, ce sont eux qui se retrouvent pieds et poings liés à l’accord étendu sans possibilité de souscrire un contrat auprès de l’organisme assureur de leur choix. Ils pourront aussi attaquer la désignation. 

Mais toutes les entreprises pourront-elles le faire ? On pourrait penser que les entreprises adhérentes à la fédération patronale signataire de l’accord ne sera pas reconnue comme ayant un intérêt à agir. C’est en ce sens que la décision du Conseil d’Etat du 8 juillet dernier est très instructive. Il en ressort que même une entreprise adhérente à une fédération signataire d’un accord a qualité à agir contre l’arrêté d’extension dès lors qu’elle entre dans le champ d’application des dispositions attaquées. 

 

Quels précédents juridiques pour attaquer la désignation ?

Pour demander l’annulation de l’arrêté d’extension, les syndicats de courtiers et d’organismes assureurs pourront se prévaloir de la jurisprudence du Conseil d’Etat considérant qu’un arrêté d’extension pris par le Gouvernement n’est légal que s’il concerne un accord conforme aux dispositions légales en vigueur. Dans le cas présent, l’arrêté d’extension concernera un avenant qui reconduit une désignation inconstitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 et remplacée par la recommandation à l’article L. 912-1 du Code de la sécurité sociale. 

Les organisations représentatives de courtiers et d’organismes assureurs auront donc les arguments nécessaires pour attaquer l’arrêté d’extension qui paraîtra. 

 

De leur côté, les entreprises de la boulangerie ont un bel arsenal jurisprudentiel à mettre en avant. 

D’abord, il existe la jurisprudence UNIS & BEAUDOUT de la Cour de justice de l’Union européenne qui précise clairement que toute désignation d’un organisme assureur doit être précédée d’une procédure transparente qui nécessite un degré de publicité permettant une ouverture à la concurrence et le contrôle de l’impartialité de la décision finale. En l’occurrence, il semble que le renouvellement de la désignation d’AG2R n’a fait l’objet d’aucune transparence. 

De plus, la jurisprudence récente du Conseil d’Etat du 8 juillet 2016 conforte cette notion de transparence nécessaire et vient confirmer que pour être viable et conforme au droit de l’Union européenne, la désignation doit avoir fait l’objet d’une publicité adéquate. Cela implique nécessairement une procédure de mise en concurrence. De plus, il ressort de la décision que tout arrêté d’extension d’un accord comportant une désignation dont la procédure a été contraire au droit de l’Union européenne est, de fait, lui aussi contraire au droit de l’Union européenne et doit être annulé. 

L’avenant reconduisant la désignation d’AG2R en boulangerie pourra donc être attaqué par les entreprises sur ces fondements jurisprudentiels car aucune procédure de mise en concurrence n’a été mise en oeuvre. L’arrêté d’extension qui sera pris et publié sera alors directement attaquable et devra cesser de produire ses effets. 

Ajouter aux articles favoris

Conformité CCN en santé

Pour vous aider à gérer la conformité CCN de vos offres "santé standard", profitez de notre outil en marque blanche gratuitement en 2023. L'outil vous permettra de savoir, en un clic, le niveau de votre offre compatible avec la CCN que vous aurez sélectionnée. L'outil en marque blanche est relié à la base de données CCN de Tripalio, juridiquement certifiée et mise à jour en temps réel. Il bénéficie de notre algorithme de comparaison qui détecte les non-conformités du contrat santé standard.
Demandez votre outil
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
Lire plus

L’introuvable décret dédié à la santé collective des travailleurs des Esat

C'est aujourd'hui que tous les travailleurs handicapés des établissements ou services d'aide par le travail (Esat) doivent obligatoirement être couverts en santé collective par leur employeur. Ces travailleurs (qui ne sont pas des salariés) sont censés pouvoir être dispensés d'adhérer à cette couverture, mais le décret n'est toujours pas paru. Tous les organismes de complémentaire...
Lire plus

Mutuelle à 1 euro par jour : enfin une réaction (timide) d’un poids lourd du secteur

Cela fera bientôt 15 jours que le Premier ministre Gabriel Attal a lancé l'idée d'une mutuelle à 1 euro par jour. Annoncée comme une révolution qui permettra enfin à toutes les personnes non assurées d'être couvertes à moindre frais, cette mesure mènerait plutôt à une complémentaire santé solidaire (CSS) dégradée qu'à une meilleure couverture de la population visée. Or la place...
Lire plus

Loi Evin : comment traiter les CCN dont la cotisation santé est assise sur le salaire

L'article 4 de la loi Evin du 31 décembre 1989 est un pilier historique de la complémentaire santé collective. Grâce à lui, les anciens salariés d'une entreprise (voir le rappel ci-dessous) peuvent continuer à bénéficier de la même couverture santé que les salariés actifs. Cette couverture est maintenue à certaines conditions. L'une d'elle est centrale : c'est le plafonnement de la cotisation applicable à ces anciens salariés. Or calculer ce plafonnement relève du jeu d'équilibriste lorsque les conventions...
Lire plus

La cotisation santé augmentée de la CCN 51 est agréée

La réévaluation de la cotisation santé de la CCN 51 (IDCC 29) est un immense point de tension entre les partenaires sociaux du secteur. Après plusieurs mois de négociations, un accord a finalement été trouvé pour acter une hausse tarifaire destinée à rééquilibrer le régime. Ce texte vient tout juste d'être ...
Lire plus

J-7 pour la santé collective des travailleurs des Esat

Il ne reste plus que 7 jours avant l'application de l'obligation de couvrir les travailleurs handicapés des établissements ou services d'aide par le travail (Esat) en santé collective. Cette réforme, dont quelques détails restent à définir, impactera grandement les employeurs qui relèvent majoritairement de la CCN 66 (IDCC 413). ...

Frais de santé : l’Education, l’Enseignement Supérieur et les Sports lancent leur appel d’offres

Le ministère de l'Education Nationale et de la Jeunesse, le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche et le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques viennent de lancer leur appel d'offres concernant la protection sociale complémentaire (PSC) frais de santé de leurs agents et anciens agents. Les informations sont à retirer à l’adresse suivante : https://www.marches-publics.gouv.fr et les candidatures devront être formulées avant...