Cet article provient du blog de Maître Eric Rocheblave.
Un salarié peut-il faire un canular à ses collègues de travail, à son employeur ou aux clients de ce dernier ?
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Monsieur X… a été licencié aux motifs d’un canular au détriment d’un client, dont la profession est animateur de soirée, auprès duquel il s’est fait passer par téléphone pour un directeur de discothèque lui donnant un rendez-vous pour une éventuelle embauche, rendez-vous imaginaire auquel le client, Monsieur Y…, s’est présenté, le directeur de la discothèque lui ayant alors dit qu’il n’était pas à l’origine de ce rendez-vous, et le client ayant ultérieurement protesté auprès de la société Z…
La preuve des griefs allégués par l’employeur à l’appui d’un licenciement pour faute grave incombe à celui-ci, et les faits doivent être suffisamment graves pour ne pas permettre la poursuite du contrat de travail.
La Cour d’appel de Poitiers a considéré que le grief du canular dont a été victime un client est reconnu, mais c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a jugé qu’il ne revêtait pas un caractère suffisamment sérieux pour fonder le licenciement, d’autant que Monsieur X… a présenté des excuses au client, qu’il connaissait, pour ce canular douteux et que celui-ci se borne à indiquer qu’il n’est pas certain de conserver sa clientèle à la société, sans qu’il soit avéré qu’il ait mis ce projet à exécution.
Cour d’appel de Poitiers, 14 novembre 2012 n° 891,11/02865
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Engagé en qualité de vigneron dans un domaine viticole, Monsieur X… a été licencié en raison de son comportement à l’égard d’un collègue de travail.
En effet, alors que celui-ci se trouvait à l’intérieur d’une cuve, Monsieur X… et un autre employé lui ont jeté différents objets au visage.
Ces faits ne se sont pas produits dans le cadre d’un chahut auquel ils auraient participé ou d’une farce plutôt innocente, ainsi qu’il peut s’en voir au sein d’entreprises où existe une ambiance de travail détendue, mais ils constituent une véritable prise à partie d’un compagnon de travail, dans des conditions susceptibles de mettre en cause sa sécurité et en tout cas de l’humilier, notamment en ayant jeté ses vêtements dans la cuve humide.
Il incombait alors à l’employeur qui en est averti et qui est responsable de la discipline ainsi que de la sécurité dans l’entreprise de les sanctionner.
Ces brimades caractérisées étaient donc de nature à justifier le licenciement, sans toutefois interdire le maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis.
En effet, les protagonistes de l’affaire, habitués à chahuter sans observation de l’employeur, ont pu mésestimer en toute bonne foi la gravité de leur comportement.
Par ailleurs, l’importance de l’exploitation et son étendue géographique permettaient à l’évidence que le préavis puisse s’exécuter sans qu’ils n’aient à se côtoyer.
La Cour d’appel de Dijon a considéré qu’il n’y avait donc pas faute grave.
Cour d’appel de Dijon, 13 octobre 2009
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Pour la Cour d’appel de Toulouse, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement le fait pour une aide-soignante employée dans une maison de retraite d’avoir, avec l’aide d’une collègue de travail, déguisé une personne âgée de 91 ans afin de faire une farce à l’infirmier libéral en charge de cette personne puis, une fois accomplie cette “plaisanterie” , de s’en être désintéressée et de l’avoir laissée en l’état sans plus s’en occuper.
Ce comportement témoigne d’un manque de considération, une absence de respect vis-à-vis d’une personne vulnérable incapable d’exprimer sa volonté.
En agissant ainsi, les employées ont traité le pensionnaire comme un objet destiné à servir leur projet sans prendre en considération sa situation de personne vulnérable.
Le comportement de la salariée, qui n’a jamais formulé aucune excuse mais au contraire a poussé son concubin à agresser les autres salariés de la maison de retraite ayant témoigné pour l’employeur, les explications qu’elle donne, accusant une autre salariée de s’être rendue coupable de l’exposition du malade ou reliant la sanction dont elle a fait l’objet à l’instauration des 35 heures dans l’établissement à laquelle elle aurait pris une part active, démontre le danger qu’elle représente pour les personnes âgées vis-à-vis desquelles ce comportement témoigne d’un manque total de respect et d’une inconscience regrettable.
Cependant, compte tenu de l’ancienneté de la salariée, qui a travaillé pendant près de 10 ans à la satisfaction de son employeur, les faits reprochés ne caractérisent pas la faute grave.
Cour d’appel de Toulouse, 11 juillet 2002