Santé et prévoyance dans les HCR : Thierry Marx saisit l’ACPR

Dans les hôtels, cafés et restaurants (HCR), le problème de la restructuration des mutualisations conventionnelles de frais de santé et de prévoyance, qui a fait couler tant d’encre depuis l’été dernier, n’est toujours pas réglé – loin s’en faut.

HCR

Jeudi dernier, Thierry Marx, le médiatique président de l’UMIH, la première organisation patronale du secteur (47,6 %), et Jean-Virgile Crance, le président du GNC (14,3 %), ont saisi l’ACPR au sujet de développements qu’ils jugent problématiques du dossier de la protection sociale complémentaire des HCR.

Lancer de boules puantes dans les HCR

Dans les HCR, la saison estivale n’a pas vraiment débuté de la meilleure des manières qui soit. Un lancer de boules puantes y a en effet eu lieu au milieu du mois de juin. Plusieurs journalistes, dont nous faisons partie, ainsi que les services de l’Elysée, ont alors reçu un mel comportant un lien vers un billet posté sur un blog de Mediapart. Ce billet semblait surtout concerner le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno le Maire, puisque le titre annoncé pour cette publication était “Bruno le Maire dans la tourmente”.

Dès les premières lignes du billet, c’était pourtant de Christian Schmidt de la Brélie, le patron de Klesia, dont il était question. Le mystérieux rédacteur pointait en l’occurrence du doigt de possibles relations de “conflits d’intérêt” entre Christian Schmidt de la Brélie et Bruno le Maire. Décrits comme étant “copains comme cochons”, ils se laisseraient aller à de “curieux mélanges des genres”. “Vives, le collectif féministe créé par Sibylle Le Maire, l’épouse du ministre de l’Économie, est financé par Klesia, tandis que Tanguy Le Maire, le propre frère de Bruno, travaille depuis quinze ans chez Generali, l’un des principaux partenaires de Klesia” rapportait l’auteur du billet. A la suite de ces propos, le rédacteur dénonçait les conditions de la résiliation du contrat de gestion santé et prévoyance des HCR dont Colonna est l’actuel titulaire.

La signification globale de la publication apparaissait alors claire : en soulignant auprès de la presse et de l’Elysée “l’amitié” entre le ministre de l’Economie et le patron de Klesia, l’auteur venait sous-entendre que le premier allait laisser sacrifier 150 emplois au nom de cette relation de proximité. “Ce serait dommage à l’heure où Bruno Le Maire rêve de devenir Premier ministre en remplaçant Elisabeth Borne, épuisée par l’enchaînement de la réforme des retraites qui a mis la France à feu et à sang” concluait-il.

Quand Thierry Marx prend sa plume

C’est dans cette chaude ambiance que Thierry Marx et Jean-Virgile Crance ont décidé de prendre leur plume afin de faire savoir à l’ACPR tout le mal qu’il pensait des développements du dossier protection sociale complémentaire des HCR. Après avoir rappelé à l’autorité de contrôle qu’elle avait déjà été alertée par “au moins un” des adhérents de l’UMIH et du GNC en septembre 2022, les deux présidents annoncent l’objet général de leur “signalement urgent” : “nous nous trouvons contraints, à notre tour, de vous signaler de nouveaux éléments qui nous paraissent pouvoir caractériser de possibles manquements aux obligations définies par la règlementation dont vous assurez la surveillance”. Ils développent deux points dans leur missive – missive que nous avons pu consulter.

D’une part, Thierry Marx et Jean-Virgile Crance rappellent que, dès fin juin 2022, Klesia et Malakoff Humanis ont basculé sur le contrat frais de santé issu de l’accord du 28 juin 2022. Or, expliquent les deux présidents, “les entreprises adhérentes à nos deux organisations patronales, et toutes celles qui ne sont pas adhérentes du SNRTC et du GNI, ne sont […] absolument pas liées par les termes de l’accord du 28 juin 2022”, devant, jugent-ils, “mettre en place, au profit de leurs salariés, des contrats conformes à l’accord du 6 octobre 2010 (étendu et qui demeure donc applicable à toutes les entreprises)”. Les deux présidents en déduisent que les entreprises qu’ils représentent et qui sont demeurées dans le périmètre de la mutualisation frais de santé ne se voient pas appliquer les bons contrats d’assurance, “ce qui potentiellement crée pour ces dernières des difficultés majeures à l’égard de leurs salariés et des Urssaf”.

D’autre part, MM. Marx et Crance soulèvent la question de la légitimité de la “convention de référencement” que les deux assureurs auraient récemment “proposé au GNI et au SNRTC ainsi qu’aux organisations syndicales représentatives du secteur HCR, de signer” et qui leur “permettrait d’intervenir auprès de l’ensemble des entreprises de la branche comme des « assureurs référencés » dans le cadre des régimes Prévoyance et Frais de santé”. Affirmant notamment que l’UMIH et le GNC n’ont pas été invités à participer à l’élaboration de cette convention, ils s’étonnent dès lors : “ce projet de convention aurait vocation à s’appliquer à « l’ensemble des entreprises et des salariés de la branche » et on comprend mal comment les institutions de prévoyance pourraient se présenter « référencées » auprès de nos adhérents qui seraient soumis à ce régime conventionnel sans que nos organisations, majoritaires dans la branche, aient accepté ce référencement”. Leur questionnement ne manque pas d’intérêt.

Quoi qu’il en soit, et au nom des valeurs du “paritarisme, [de] la transparence et [du] principe de mise en concurrence encadrée des assureurs et gestionnaires”, l’ACPR va donc avoir le plaisir de se pencher de près, en ce début de mois de juillet, sur le dossier santé et prévoyance des HCR. Il n’est d’ailleurs pas exclu que le dernier communiqué du fonds social santé et prévoyance des HCR soit versé à ce dossier que l’ACPR va devoir étudier.

Un fonds social à la gouvernance souple

Dans le cadre de ce communiqué, et comme nous l’évoquons par ailleurs plus en détail dans nos colonnes ce jour, Klesia et Malakoff Humanis proposent une aide financière aux salariés des HCR qui, à la suite des dernières émeutes urbaines, se trouveraient “contraints d’être placés en chômage partiel ou obligés de se reloger”. Cette “aide solidaire” destinée à “faire face aux premières urgences” atteint “1000 euros par salarié”, auxquels s’ajoutent “500 euros par enfant à charge”.

En elle-même, l’initiative est évidemment positive, puisqu’elle permet d’accompagner des salariés qui ont été les victimes collatérales d’une affaire à laquelle ils étaient étrangers. En outre, les assureurs mettent en avant son inspiration paritaire, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre global de “l’offre santé et prévoyance HCR qu’ils proposent et qui s’appuie sur le dernier accord santé signé par les organisations syndicales de salariés de la branche et le GHR” – ce dernier fait d’ailleurs état sur son site internet de l’aide d’urgence

Il n’en demeure pas moins que l’annonce faite par les deux assureurs protection sociale de référence des HCR invite à poser la question de la gouvernance du fonds social santé et prévoyance de la branche. En effet, la rédaction du communiqué semble indiquer que ce sont les assureurs seuls, et non les partenaires sociaux, qui ont décidé de la mise en place de cette aide exceptionnelle, puisque cette rédaction distingue d’une part “l’origine”, paritaire, des mutualisations santé et prévoyance des HCR et, d’autre part, leur évolution ultérieure, dans le cadre de laquelle ce sont les deux assureurs qui “ont choisi de maintenir cette solidarité” dans leur offre. Ainsi fonctionne désormais le paritarisme de cette branche.

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