Les différentes fractions de l’opposition au camp présidentiel – que l’on n’ose plus qualifier de “majorité présidentielle” – ayant, de très peu, échoué à renverser hier le gouvernement et à invalider son projet de réforme des retraites par le vote d’une motion de censure “transpartisane”, ce projet est par conséquent adopté.
Au lendemain de ce triste spectacle, on en retiendra que c’est à coups de matraque, au sens figuré comme au sens propre, que cette usine à gaz que constitue la réforme des retraites a été imposée par l’exécutif au corps social.
Sur le fond, un embrouillage en règle pour les retraites
Le projet de réforme tel qu’il a été validé hier comporte, certes, plusieurs mesures phares de dégradation des droits des salariés. Après plusieurs semaines de débat public concernant ce projet, plus grand monde ne les ignore : report de l’âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans, à l’horizon 2030 ; hausse d’ici à 2027 de 42 à 43 annuités de la durée de cotisation permettant de prétendre à une pension à taux plein ; enfin, suppression, par la mise en œuvre de la “clause du grand-père”, de la plupart des régimes spéciaux subsistants à ce jour. Annoncées par Emmanuel Macron au cours de sa campagne électorale pour la dernière élection présidentielle, ces mesures sont censées permettre de réaliser entre 13 et 18 milliards d’euros d’économies budgétaires d’ici à 2030.
Si cette fourchette d’évaluation de l’impact financier est si peu précise, c’est notamment parce qu’au-delà de ces quelques grandes mesures, le texte de la réforme des retraites contient bien d’autres mesures, dont certaines, importantes, en font une véritable usine à gaz, aux productions incertaines. Parmi ces mesures, on citera celle sur les petites pensions, dont on se souvient qu’elle a donné lieu à en embrouillamini de premier ordre, celles sur les carrières longues, la prise en compte de la pénibilité et l’incapacité permanente, que seuls les spécialistes du genre pourront comprendre, ou encore celles sur l’emploi des seniors, qui déploient des trésors d’inventivité pour créer de nouvelles contraintes pour les entreprises qui n’auront sans nul doute aucun effet positif pour les travailleurs concernés.
Au total, cette réforme des retraites est bien à l’image du “macronisme” : un “en même temps” pas très lisible, mais dont le Français moyen ressort nécessairement perdant.
Sur la forme, un mépris des règles démocratiques
La composition de cette mauvaise soupe témoigne par ailleurs des conditions pour le moins discutables dans lesquelles elle a été élaborée. En effet, si le contenu de la réforme s’avère si hétéroclite, c’est aussi parce que sa discussion parlementaire a, en réalité, consisté non pas en une délibération éclairée sanctionnée par un vote en bonne et due forme mais en un médiocre bricolage de politique politicienne, opéré dans le cadre d’une commission mixte paritaire par les partis soutenant le gouvernement et par les “Républicains”, et validé par des députés mis sous pression maximale. Le choix gouvernemental du 49.3 a d’une part resserré les rangs, qui commençaient à se rompre, de son soutien parlementaire pourtant godillot, tandis que des dirigeants des “Républicains” menaçaient de représailles les députés de leur parti tentés de voter la fameuse motion de censure transpartisane. Ainsi échouait-elle à neuf voix près – neuf !
Ces coups de matraque politiques qui ont permis la validation du projet de réforme des retraites se sont ajoutés à d’autres, bien moins symboliques – hélas pour ceux qui les ont reçus. Ne pouvant que constater que non seulement le gouvernement avait tout à fait ignoré la mobilisation sociale pacifique des dernières semaines engagée contre son projet de réforme mais qu’en outre, il affichait clairement son mépris des règles démocratiques les plus élémentaires, de nombreux Français ont spontanément décidé de se rassembler un peu partout en France, et de se retrouver aussi longtemps qu’il le faudrait, afin de répondre à la virulence gouvernementale sur le même ton. Saisi par cette nouvelle forme de mobilisation citoyenne, l’exécutif a décidé de n’y répondre que par les coups de matraque, bien physiques ceux-ci, donnant de la France l’image déplorable d’un pays dirigé par un régime autoritaire.
N’ayant qu’une potion fort peu ragoûtante à proposer au peuple, le macronisme n’a trouvé que les matraques pour lui imposer de la boire.
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