Alors que la France s’enfonce chaque jour un peu plus dans la crise sociale et politique ouverte à la suite de l’imposition à la nation, par le gouvernement, d’une réforme des retraites dont pas grand monde ne veut pourtant, les confédérations syndicales de salariés viennent de s’adresser au Conseil Constitutionnel afin d’obtenir gain de cause dans leur lutte contre ce texte.
Si les syndicats ne manquent pas d’arguments à faire valoir auprès du Conseil, c’est pourtant de manière relativement sereine que l’exécutif semble appréhender l’examen de la constitutionnalité de son projet de réforme des retraites.
Contre la réforme des retraites, l’appel au Conseil Constitutionnel
Dans un communiqué de presse qu’elle a publié hier, Force Ouvrière a annoncé que les confédérations syndicales de salariés, unies en intersyndicale, venaient de faire parvenir un courrier au Conseil Constitutionnel afin d’expliquer en quoi, la réforme des retraites “est contraire à la Constitution”. Pour l’intersyndicale, il s’agit de faire feu de tout bois : “Conjointement aux différentes actions et mobilisations qui se poursuivent dans tous les secteurs professionnels du pays, l’intersyndicale se saisit des armes juridiques à sa disposition pour s’opposer à la réforme des retraites” écrit ainsi FO.
Ce faisant, les syndicats se font eux aussi les interprètes d’une partition que l’on entend jouer ici ou là ces derniers temps : celle selon laquelle le Conseil Constitutionnel serait tout à fait fondé à censurer largement ou totalement la réforme des retraites. N’a-t-elle pas, il est vrai, été adoptée comme simple rectificatif au PLFSS 2023, alors qu’elle constitue un texte de grande importance ? Son mode d’adoption, par ailleurs, pourrait être considéré comme emportant quelques éléments problématiques. Comme l’ont récemment relevé des universitaires comme Michel Offerlé ou Dominique Rousseau, les arguments, en somme, ne manquent pas, qui pourraient permettre de justifier l’invalidation de la loi par le Conseil Constitutionnel.
La relative sérénité de l’exécutif
Si l’interpellation syndicale de ce dernier ne manque donc pas de pertinence, encore faut-il toutefois préciser qu’elle ne semble pas vraiment susciter d’inquiétude du côté de l’exécutif. On rappellera, d’ailleurs, qu’Elisabeth Borne elle-même a saisi le Conseil Constitutionnel afin qu’il se prononce sur la réforme des retraites. En affirmant, devant des représentants de son camp qu’il a récemment réunis à l’Elysée, que la “France Insoumise” allait tenter de “délégitimer le Conseil Constitutionnel”, Emmanuel Macron a en outre sous-entendu que l’examen de la constitutionnalité de la loi ne saurait occasionner de difficulté particulière de son point de vue.
Affichant sa conviction que l’enjeu de la réforme des retraites était derrière lui, le gouvernement serait, si l’on en croit le Figaro, sur le point de déposer un projet de loi destiné à renouer le dialogue” avec le pays, sur des thèmes notamment sociaux. Avec la présentation de ce nouveau projet de loi, l’exécutif mise sans nul doute sur un retour des organisations syndicales modérées à la table des négociations sociales. L’agenda des prochaines semaines peut le servir : le Conseil Constitutionnel étant censé rendre sa décision d’ici trois semaines, l’exécutif fait probablement le pari d’un essoufflement du mouvement social contre la réforme des retraites durant ce laps de temps.
On l’aura donc compris : si les syndicats ont quelque chose à attendre du Conseil Constitutionnel, c’est dans le maintien de la mobilisation qu’ils seraient bien inspirés de le revendiquer.