Après avoir publié une réflexion sur le Big data et les craintes qu’il suscite, BI&T vous propose d’aborder la question non moins épineuse de l’Open data. Ce mouvement d’ouverture des données est fondé sur le principe de la libre réutilisation des données collectées pour le bien commun. La grande majorité de ces données sont détenues par les administrations des Etats : archives administratives, données scientifiques, données géographiques etc… L’Open data est un mouvement de plus en plus suivi en pointe duquel se situent notamment les Etats-Unis. La France a été un temps pointée du doigt pour sa réticence à ouvrir ses bases de données. Toutefois, même si la situation a grandement évolué en faveur de l’Open data, la France reste sur la défensive.
Pourquoi vouloir le développement de l’Open data ?
L’ouverture des bases de données est fortement revendiquée depuis le début des années 2000, notamment avec la Déclaration internationale sur le libre accès aux archives de Budapest des 1er et 2 décembre 2001 diffusée le 14 février 2002, ou la Déclaration de Berlin du 22 octobre 2003 sur le libre accès à la connaissance en sciences exactes, sciences de la vie, sciences humaines et sociales.
Le mouvement de l’Open data découle de la volonté citoyenne d’accéder aux données détenues par les administrations des Etats. Plusieurs bénéfices découlant de cette opportunité ont été nettement identifiés : la liberté d’accès à cette manne d’informations profiterait aussi bien à la recherche scientifiques qu’aux entreprises. De plus, l’accès aux données serait également ouvert aux citoyens afin de favoriser le développement d’une nouvelle démocratie participative.
Mais l’argument principal en faveur de l’Open data demeure la transparence de l’Etat concernant les données qu’il collecte et qu’il conserve. C’est ce dernier point qui semble le plus important. et qui, pour certains, pousse la France à retarder au maximum l’ouverture de ses bases de données.
Les raisons du retard de la France dans l’ouverture de ses données
L’Etat français a tardé à activer les différents leviers destinés à l’application de l’Open data. Aujourd’hui, des avancées concrètes sont constatées mais le plus important reste à faire, surtout en ce qui concerne les données personnelles.
La raison principale de la frilosité de la France reste officiellement la problématique de la sécurité des données qui ont vocation à être ouvertes. En effet, les données collectées sont bien souvent des données personnelles. L’Etat argue donc du fait que l’intégrité des données personnelles n’est pas garantie en cas d’ouverture des bases de données.
Les détracteurs de ce raisonnement estiment plutôt que l’Etat retarde l’ouverture des bases de données car il craint que sa façon de gérer les bases de données ne soit critiquée.
Il n’est pas impossible que les deux hypothèses se complètent. Il est évidemment primordial de protéger la vie privée des individus et de faire en sorte que les données qui les concernent ne permettent pas de les identifier. Dans le même temps, les bases de données sont actuellement très difficiles d’accès avec des procédures longues et compliquées à respecter.
Il est certain qu’un équilibre entre protection de la vie privée et libre accès aux données doit être trouvé, ce que la France a enfin commencé à rechercher.
La lente mise en œuvre de l’Open data
Depuis 2011 et la création du portail gratuit “data.gouv.fr” regroupant des données publiques, de plus en plus de données sont accessibles librement. Sous l’égide de la mission Etalab, le portail a vocation à favoriser la transparence sur le fonctionnement de l’Etat. Cette plateforme n’a cessé de s’enrichir depuis son lancement mais reste axée sur les informations publiques.
Les données personnelles demeurent exclues pour le moment, mais des évolutions sont à prévoir. Plusieurs rapports et études ont été commandés par le gouvernement afin de permettre l’ouverture des bases de données liées aux individus, les derniers en date sont :
– le Rapport d’information au Sénat du 16 avril 2014 intitulé La protection des données personnelles dans l’open data : une exigence et une opportunité, remis par les sénateurs Gaëtan Gorce et François Pille ;
– le Rapport de la Commission open data en santé remis à Marisol Touraine le 9 juillet 2014 par Philippe Burnel et Franck Von Lennep.
Le premier fait état de la protection actuelle des données personnelles qui ne garantit pas à 100% que les données, même anonymes, ne permettent pas de réidentifier les individus. Dans ce cas la vie privée des personnes ne serait plus adéquatement protégée. Le rapport propose donc un renforcement des protections pour les données personnelles qui ont vocation à être ouvertes au public en les anonymisant de manière systématique et sure.
Le second s’attache au cas particulier des données de santé qui sont des données personnelles dites “sensibles”. Leur statut nécessite une attention particulière et les pistes proposées sont favorables à la segmentation des données selon le critère du risque de réidentification avec une ouverture adaptée à chaque type de données de santé.
Cette volonté prégnante de protéger les données personnelles par la garantie de leur anonymat est tout à fait louable. Cependant, chacun des rapports considère que des protections supplémentaires doivent être créées, que de nouvelles procédures doivent être mises en place pour garantir l’effectivité et la sécurité d’un Open data concernant les données personnelles.
La conclusion est claire : si les réflexions des différents rapports sont suivies par le gouvernement, un temps certain risque encore de s’écouler pour que toutes les données détenues par l’administration soient accessibles. En d’autres termes, l’Etat semble préférer empêcher les individus d’accéder aux informations qui les concernent au nom de leur protection : mais ce raisonnement est de moins en moins bien perçu par les partisans de l’Open data et l’on pourrait presque en arriver à penser (à tort ou à raison ?) que l’Etat se prévaut de ce mécanisme pour assurer que toutes les données qu’il détient sont bien protégées en conformité avec les normes en vigueur.