Lutte contre le blanchiment : Abeille Vie cueillie par l’ACPR

L’ACPR vient de publier une sanction tout juste prise à l’encontre de la société Abeille Vie (AEMA Groupe) pour des faits contrôlés lorsque l’assureur était encore sous pavillon britannique et s’appelait Aviva Vie. Abeille Vie écope d’un blâme, d’une sanction pécuniaire de 3,5 M€ ainsi que de la publication nominative de la décision pendant 5 ans. Cette décision découle d’une méconnaissance des règles relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT).

Le contrôle ACPR sur place a eu lieu entre juin 2020 et juin 2021. La société Abeille Vie (anciennement Aviva Vie) comptait alors 1,1 million de clients qui étaient presque tous des personnes physiques résidant en France. L’ACPR signale dès la présentation du dossier que la prise de contrôle d’Aviva Vie par AEMA Groupe en septembre 2021 n’a pas changé le fonctionnement de l’assureur. Retrouvez la décision complète en fin d’article.

Une méconnaissance de la clientèle avérée

L’ACPR reproche à Aviva Vie de ne pas assez bien connaître sa clientèle pour être suffisamment efficace dans la LCB-FT. L’Autorité constate ainsi que la procédure permettant de suivre la situation financière, patrimoniale et professionnelle des clients n’est pas au point. Plusieurs dossiers n’étaient pas à jour lors du contrôle sur place. Les contrôles internes du respect de la procédure sont insuffisamment contraignants et malgré les alertes lancées par le GIE AFER dont faisait partie Aviva Vie, aucune mesure corrective n’a été prise.

Une vigilance insuffisante d’Abeille Vie

Abeille Vie est aussi mise en cause pour ses délais de traitements excessifs des alertes. Cela a conduit à détecter bien trop tardivement des personnes politiquement exposées (PPE). Par exemple, sur 47 alertes déclenchées en un mois, une seule a été traitée ce même mois, d’autres n’ont été traitées que 5 mois plus tard. Par ailleurs, certaines PPE n’ont même pas été détectées malgré la procédure mise en place par l’assureur.

L’ACPR déplore aussi des mesures de vigilance complémentaires insuffisantes. Plusieurs dossiers de PPE montrent que l’assureur n’est pas en mesure d’expliquer sa décision de nouer ou maintenir des relations d’affaires. Dans d’autres dossiers de PPE, Abeille Vie (alors Aviva Vie) a trop tardé avant de prendre une décision tandis que dans certains autres dossiers les justificatifs relatifs à l’origine du patrimoine et des fonds impliqués dans l’opération n’ont même pas été recherchés.

Il ressort également de la décision que les mesures de vigilance renforcée mises en œuvre sont clairement défaillantes. La procédure elle-même a conduit à exclure du champ de la vigilance renforcée certains clients. Abeille Vie procède ainsi par contrat pris séparément et non par client, ce qui mène à ignorer des clients qui ont plusieurs contrats. De plus, des dysfonctionnements informatiques ont provoqué des erreurs dans le signalement de certains dossiers pourtant essentiels.

Des opérations mal surveillées et un examen renforcé insuffisamment respecté

Plusieurs défaillances sont détectées par l’ACPR dans le contrôle des opérations mises en place par Aviva Vie. Le mécanisme de suivi automatisé est, selon l’Autorité, incomplet et défaillant dans son fonctionnement. L’outil ne permet pas de bien contrôler toutes les opérations qui seraient effectuées par un même client lorsqu’ils ont recours à des intermédiaires différents. De plus, des défaillances du système d’alerte sont remarquées, bien que parfois mineures (7 défaillances de calcul sur 6 000 alertes).

Le dossier monté par l’ACPR reproche à Abeille Vie de ne pas avoir fait d’examen renforcé sur plusieurs dossiers qui auraient dû être surveillés de près. Sur les 15 dossiers détectés, 14 sont retenus par la décision finale.

Des manquements à l’obligation de déclaration à Tracfin

Abeille Vie est sanctionnée par l’ACPR pour plusieurs manquements à l’obligation de déclaration à Tracfin. L’Autorité estime que l’assureur n’a pas respecté systématiquement son obligation de déclaration de soupçon. Certaines sommes ou opérations présentes dans une dizaine de dossiers auraient dû être transmises à Tracfin. Or sur les 10 dossiers examinés 7 contiennent des manquements avérés.

S’agissant de l’obligation de déclaration de soupçon complémentaire, Abeille Vie est sanctionnée sur 7 dossiers. En outre, l’ACPR relève 12 déclarations de soupçons tardives entre le fait générateur et la déclaration à Tracfin.

Un contrôle interne défaillant chez Abeille Vie

L’ACPR note qu’aucun contrôle permanent des activités de LCB-FT externalisées auprès du GIE AFER n’a été diligenté par l’assureur depuis mars 2018. L’Autorité relève qu’un tel contrôle aurait permis de constater des défaillances. La réponse d’Abeille Vie se traduit par la mise en place de contrôles périodiques sur des thématiques ponctuelles, ce qui ne répond pas aux attentes de l’ACPR.

C’est donc pour toutes ces raisons qu’un blâme, une sanction pécuniaire de 3,5 M€ et une publication nominative de la décision pour 5 ans sont prononcés par l’Autorité.

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