L’adoption de la loi Macron aux forceps (après le recours au 49-3 et le rejet d’une motion de censure) n’est pas un bon signe pour le gouvernement. Ce texte complexe n’en est qu’au début de sa navette parlementaire, et la contestations syndicale commence à monter dangereusement.
Le début du tunnel pour le gouvernement
En utilisant le 49-3 sur la loi Macron, après plusieurs longues journées de discussions en séance publique, il est probable que Manuel Valls ait commis une maladresse technique qui risque de lui rester comme une douloureuse épine dans le pied. Après avoir largement occupé l’Assemblée, le gouvernement fait en effet adopter son texte phare en imposant la question de confiance et le fait majoritaire. Mais il ne bouleverse pas la navette parlementaire. Le texte doit encore être discuté au Sénat, où la droite est majoritaire. Ensuite, le texte reviendra devant l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot. Pour cette nouvelle lecture à l’Assemblée, le gouvernement utilisera-t-il à nouveau le 49-3?
La réforme constitutionnelle de 2009 lui en offre la possibilité. Le 49-3 ne peut en effet être utilisé qu’une seule fois par session sur un texte autre qu’une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, mais cette seule fois peut justifier un recours répété pour le même texte.
Dans l’hyopthèse où Manuel Valls utiliserait à nouveau le 49-3 devant l’Assemblée Nationale, il commettrait un terrible aveu: il ne dispose plus de véritable majorité parlementaire, et seul le vote bloqué et la menace de renvoyer les députés devant leurs électeurs permet encore de gouverner. On voit mal comment cette tension politique pourait durer…
Les cantonales: un cataclysme en préparation?
Pour les députés de la majorité, la situation est de plus en plus délicate à gérer. Les résultats aux élections cantonales devraient d’ailleurs accroître cette tension. Selon toute vraisemblance, le parti majoritaire à l’Assemblée devrait subir une défaite substantielle, voire très lourde. Elle permettra de rappeler aux députés qu’une dissolution de l’Assemblée constituerait un pari extrêmement dangereux. Si le Front National confirme sa percée au niveau local, la dissolution prendra de plus en plus des allures d’aventure.
Dans le même temps, beaucoup de députés ont le sentiment que la politique menée par l’actuel gouvernement ne correspond pas exactement aux thèmes sur lesquelles ils furent eux-mêmes élus en juin 2012. S’ils n’ont guère envie de mettre le gouvernement en minorité, le soutenir relève néanmoisn de la gageure.
Au soir des cantonales, tout laisse à penser que la crise implicite ouverte par le recours au 49 3 sur la loi Macron se transformera en rupture explicite au sein de la majorité actuelle.
Le stress test du mois d’avril
Sur ces entrefaits, FO et la CGT ont annoncé un mouvement social le 9 avril. Pour le gouvernement, cette journée constituera un véritable stress test.
La loi Macron fait l’objet de nombreuses contestations de la part des syndicats, FO et la CGT en tête. La lecture de la presse syndicale montre que, dans la pratique, la mayonnaise prend sur le terrain. Le développement du travail du dimanche est mal vécu, et la loi est vécue par des franges substantielles des syndicats comme une provocation libérale dans un monde en crise. Ce jugement n’est d’ailleurs pas forcément fondé, mais Emmanuel Macron n’a probablement pas pris le temps d’expliquer sa vision aux organisations syndicales. Cet oubli dans sa démarche de préparation du terrain risque bien de lui coûter cher.
Rien n’exclut en effet que, après une défaite électorale, ce gouvernement affaibli par le débat sur la loi Macron ne soit en butte à une profonde contestation sociale, dont l’acuité pourrait être aussi brutale qu’imprévisible. Dans le contexte européen où des mouvements comme Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne prospèrent, un déclencheur comme la loi Macron constitue un facteur de risque.
Il faudra donc suivre avec attention ce dossier, qui est à ce stade resté confiné aux professions réglementées et aux allées du pouvoir, mais qui pourrait déborder compte tenu du contexte dans lequel il se déroule.
Bref, les débats sur la loi Macron n’ont pas fini d’empoisonner la vie du gouvernement.