L’essentiel de l’avis du CESE sur les dispositifs médicaux

Le 27 janvier 2015, le CESE, réuni en séance plénière, a voté à l’unanimité l’avis sur la place des dispositifs médicaux dans la stratégie nationale de santé. Cet avis propose notamment de favoriser le développement économique d’une filière d’avenir, en l’insérant dans des dispositifs contrôlés de solvabilisation accrue de la demande. 

Un secteur d’avenir à réguler

C’est le 23 septembre 2014 que le bureau du CESE a décidé, de lui-même, de confier à la section des Affaires sociales et de la santé la préparation d’un avis sur la question des dispositifs médicaux. Cette autosaisine s’inscrivait explicitement dans le cadre de la stratégie nationale de santé, rendue publique un an plus tôt, le 23 septembre 2013, et qui mettait notamment l’accent sur la manière de faire face à la “transition épidémiologique”, autrement dit au vieillissement de la population et à l’accroissement des maladies chroniques. 

Les dispositifs médicaux regroupent des biens très différents les uns des autres, des pansements aux implants dentaires en passant par les lunettes, les lits médicalisés ou les coeurs artificiels. Ils constituent un marché, en essor permanent, de 23 milliards d’euros – contre 27 milliards d’euros pour les médicaments. Afin d’éviter de nouveaux scandales comme celui des prothèses mammaires PIP, la progression du secteur appelle une consolidation des pratiques. 

Le bureau du CESE proposait d’une part de réfléchir à la sécurité et la qualité des produits. Cet aspect impliquait d’ailleurs de repenser la formation des soignants et des malades en matière d’utilisation des dispositifs. D’autre part, afin de favoriser le développement économique de la filière, le bureau du CESE insistait sur la nécessité de repenser la question du financement des dispositifs médicaux : financement des innovations et accès des malades aux produits.  

Deux rapporteurs ont été chargés du dossier. Thierry Beaudet est conseiller au CESE au titre du groupe de la Mutualitéle. Il est président de la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (MGEN) et vice-président de la Fédération Nationale de la Mutualité Française. Edouard Couty est une personnalité associée au CESE. Conseiller maître honoraire à la Cour des Comptes, il est président de la Fédération Hospitalière de France pour la région Rhône-Alpes. 

Le consensus d’enrobage sur la qualité, la sécurité et la formation

La première moitié de l’avis aborde les aspects liés à la qualité et à la sécurité des dispositifs médicaux, déclinés par “800000 à 2000000 références produits”. Les auteurs soulignent d’abord que la mise sur le marché des dispositifs médicaux est régie par un cadre règlementaire européen. Or, selon eux, ce dernier n’offre pas encore une garantie suffisante en termes de prise en compte des risques. Les exigences nationales sur la sécurité demeurent trop différentes et la communication est loin d’être parfaite entre les pays. 

Un problème similaire se pose concernant le suivi des dispositifs médicaux. Après qu’un produit a été mis sur le marché, les fabricants doivent théoriquement s’assurer de son suivi, en consignant les observations, notamment les problèmes, liés à son utilisation et en l’améliorant. Dans les faits, les deux rapporteurs déplorent un suivi inégal selon les cas – pays et entreprises. La “traçabilité” des dispositifs médicaux est moins assurée que celle des médicaments – elle-même parfois douteuse, comme en témoigne le cas du Médiator… 

Enfin, l’avis insiste sur l’importance de la formation au bon usage des dispositifs. Dans le cas des soignants, cette formation est trop souvent assurée uniquement par des représentants des fabricants. Le rôle de la formation initiale et de la formation continue n’est pas assez important, alors que les institutions (universités, sociétés savantes, ordres…) existent. Dans le cas des malades, l’avis rappelle qu’un bon dispositif est avant tout un dispositif correctement utilisé. Le malade doit être un “acteur” informé et bien formé en vue d’un traitement réussi. 

Ces quelques observations donnent lieu à quatre préconisations, visant à améliorer la qualité et la sécurité des dispositifs médicaux et la formation à leur usage. A la lecture des avis exprimés par les différents groupes qui composent le CESE (syndicats, patronat, associations, etc.), il apparaît que ces quatre préconisations font l’unanimité. Elles constituent un enrobage consensuel peu coûteux qui sert de mise en bouche à l’évocation du vrai problème soulevé par les dispositifs médicaux : celui de leur financement. 

Le plat de résistance : la question du financement

En 2013, le marché français des dispositifs médicaux était estimé à 23 milliards d’euros. Les dispositifs non remboursables représentent 9,6 milliards d’euros. Concernant les 13,4 milliards d’euros des dispositifs remboursables, la sécurité sociale prend en charge 5,8 milliards d’euros et les 7,6 milliards d’euros restant sont à la fois à la charge des complémentaires santé et des ménages. En d’autres termes, au total, les ménages assument à eux seuls la majeure partie des dépenses liées aux dispositifs médicaux. 

Ce constat pose principalement le problème de l’accès à ces dispositifs. Les ménages aux revenus modestes doivent souvent renoncer à certains soins mal remboursés (optiques, dentaires par exemple). L’utilisation croissante des nano-technologies renforce ce phénomène car elle se traduit tendanciellement par une hausse du coût des dispositifs. A condition de s’assurer de l’utilité des dispositifs, les rapporteurs insistent sur le rôle que les complémentaires santé peuvent assumer dans la solvabilisation de la demande. 

Une demande plus solvable permettrait de consolider la filière industrielle nationale. Le marché français est dynamique : il est le quatrième marché mondial. Mais les 1100 entreprises françaises, qui sont à 94 % des PME et emploient 65000 salariés, ne suffisent pas à satisfaire la demande. Résultat : la France est importatrice nette, à hauteur de 8 milliards d’euros. Articuler le financement de l’innovation (par le CICE notamment) et le financement de la demande pourrait renfocer une filière à haute valeur ajoutée, créatrice d’emplois bien rémunérés. 

En partant de ces analyses, les rapporteurs effectuent douze préconisations pour améliorer le financement des dispositifs médicaux. A côté des propositions auxquelles on pouvait s’attendre – mieux évaluer les services rendus, mieux évaluer les gains espérés du “virage ambulatoire”, mieux articuler recherche fondamentale et appliquée… – d’autres, relatives au rôle des complémentaires santé, semblent plus originales. La préconisation 12 retient ici notre attention. 

Complémentaire santé, régulation du secteur et mutualisation du risque

Elle insiste notamment sur la nécessité de fixer des “prix limites” de vente, auxquels seraient adossés les montants remboursés aux assurés. Selon les rapporteurs, les complémentaires santé devraient être associées aux “démarches de tarification”, afin de leur permettre de promouvoir les intérêts des assurés. Dans le même temps, l’avis adopté par le CESE appelle à favoriser l’accès généralisé à une complémentaire santé, pour l’ensemble des salariés. Sur cette base, une “mutualisation la plus large possible” est souhaitée.  

Certains groupes qui composent le CESE ont profité de cette douzième préconisation pour remettre les clauses de désignation sur la table. L’artisanat et la CFDT ont rappelé l’importance, selon eux, de “l’accord de branche” en vue d’assurer une bonne protection sociale complémentaire des salariés. Quand on sait le rôle du CESE dans la construction du consensus socio-politique français, ces déclarations montrent bien que, dans les esprits qui participent à l’élaboration des lois, les clauses de désignation sont loin d’être enterrées. 

 

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