Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFE-CGC.
Disposant d’un lourd dossier à charge, les élus du comité social et économique de GE Energy Products France, dont la CFE-CGC, saisissent la justice pour faire cesser le pillage de leur entreprise.
Action pénale spectaculaire à Belfort. Mardi 31 mai, les représentants du CSE de General Electric Energy Products France (GEEPF), accompagnés par leur avocate Me Eva Joly (cabinet Baro Alto), ont annoncé leur résolution de porter plainte contre X pour blanchiment de fraude fiscale aggravé, abus de confiance, faux et usage de faux et recel aggravé.
Cette décision d’intenter une procédure a été approuvée à l’unanimité par le CSE de GEEPF du 20 mai 2022. Il a également donné mandat à Philippe Petitcolin, délégué syndical et coordinateur national CFE-CGC GE, et à Alexis Sesmat, élu Sud, pour le représenter en justice.
L’action est grave mais elle n’est pas sans précédent. Comme vient de le révéler le magazine Capital, McDonald’s France s’est fait épingler par le fisc français à la suite d’une action similaire lancée par les syndicats en 2015. Elle a débouché sur la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), un dispositif créé en 2018 qui entérine un arrangement avec l’administration et qui clôt les poursuites engagées. Selon Capital, l’ardoise pour le roi du fast-food se monte à 500 millions d’euros d’amende et 600 millions d’euros de redressement fiscal et de pénalités, soit 1,1 milliard d’euros en tout.
Après de nombreuses alertes sans prise en compte, le CSE n’a d’autre choix que de saisir la juridiction pénale (Philippe Petitcolin, CFE-CGC)
Dans le cas de General Electric, Philippe Petitcolin constate qu’« après de nombreuses alertes et réunions du CSE depuis 2018, sans aucune prise en compte de nos dirigeants, sur le fait que la politique fiscale de GE menace la pérennité de GEEPF, le CSE n’a plus d’autres choix, à son grand regret, que de saisir la juridiction pénale ».
L’affaire s’est cristallisée suite au déclenchement d’un droit d’alerte économique qui a permis au CSE de GE Energy Products France de documenter des faits particulièrement graves. L’expertise a révélé que des conditions commerciales (« prix de transfert ») avec d’autres filiales de General Electric étaient contraires aux normes de l’OCDE et causaient un dommage économique à GEEPF de l’ordre de 500 millions à 1 milliard d’euros sur 5 ans. Ces faits se sont concrétisés des manières suivantes :
• Premièrement, la vente de pièces de rechange à une filiale suisse, rémunérée selon une méthode décidée unilatéralement par le groupe GE et ne tenant pas compte de la substance économique de GEEPF.
• Deuxièmement, le versement d’une redevance de technologie basée sur des critères totalement dépassés, ayant conduit à léser GEEPF durant des années.
• Troisièmement, le versement d’une redevance de marque se faisant sur le fondement d’une méthode à la fois non réglementaire et conçue pour capter le maximum de richesse de la filiale belfortaine.
UNE FILIALE ALLÈGREMENT SIPHONNÉE
Autant d’agissements réalisés « au seul bénéfice de la multinationale américaine et faisant subir à GEEPF les conséquences financières de ces versements excessifs », résume le CSE dans sa déclaration du 20 mai 2022. Avec pour conséquence que le déficit artificiel de GEEPF ainsi engendré permet à General Electric de justifier les restructurations, délocalisations d’activité, modération salariale et autre absence d’investissements dans cette filiale allégrement siphonnée. Sans parler du manque à gagner pour les finances publiques et au détriment des services publics et du modèle social français.
« Seuls les CSE sont armés pour analyser la complexité des flux financiers intra-groupe, par l’accès à l’information et l’expertise économique et financière dont ils disposent. Seuls les syndicalistes peuvent agir concrètement et prendre de tels dossiers d’optimisation fiscale à bras-le-corps », explique encore Philippe Petitcolin.
Après Google (CJIP de près d’un milliard d’euros en 2019) et McDonald’s, bientôt General Electric sur le podium des conventions judiciaires ?