Le contrôle d’alcoolémie sur le lieu de travail doit être prévu et affiché

Cette publication provient du site du syndicat CFDT.

Un contrôle d’alcoolémie réalisé sur les lieux de travail, sur le fondement d’un règlement intérieur peut être utilisé à l’encontre d’un salarié au soutien d’un licenciement. L’employeur doit toutefois rapporter la preuve de l’affichage du règlement intérieur dans des lieux accessibles aux salariés. CA Rennes, 14.01.15, n°14/00618 

 

  • Les faits

Au moment de prendre son poste, le salarié, un chauffeur livreur, n’a pas pu faire démarrer le véhicule de l’entreprise. Celui-ci est en effet équipé d’un éthylotest antidémarrage qui a constaté un taux d’alcoolémie supérieur à la norme autorisée. Le salarié a immédiatement été invité à effectuer un deuxième contrôle d’alcoolémie, qui s’est lui aussi révélé positif. Il a alors été licencié pour faute grave. 

L’état d’ébriété dans lequel se serait trouvé le salarié aurait contraint l’employeur à immobiliser le véhicule, à faire appel à un autre collègue pour lui confier les livraisons. Il considère également que cet état d’ébriété est inadmissible pour un chauffeur, le mettant lui-même en danger, ainsi que les usagers de la route. Considérant son licenciement injustifié, le salarié a décidé de saisir le conseil de prud’hommes afin de contester le bien-fondé de son licenciement. 

Les juges ont considéré que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse, mais ont toutefois déqualifié la faute grave en faute simple. Le mandataire liquidateur de l’entreprise (placée en liquidation au cours de la procédure de licenciement) a décidé d’interjeter appel de ce jugement. Il avance notamment l’argument selon lequel le contrôle d’alcoolémie réalisé par l’entreprise est licite et donc utilisable contre le salarié, car il était prévu par le règlement intérieur et que les modalités de contrôle permettaient la contestation. 

À l’inverse, le salarié qui a formé un appel incident, considère que le règlement intérieur, prévoyant les contrôles éthylotest, ne lui était pas opposable car, n’étant pas affiché, il n’en avait pas eu connaissance. La Cour d’appel, saisie du litige, a alors dû répondre à la question de savoir dans quelle mesure un employeur peut fonder un licenciement sur un contrôle d’alcoolémie prévu par un règlement intérieur. 

  • Rappel des règles de licéité des dispositions d’un règlement intérieur prévoyant un contrôle d’alcoolémie sur les lieux de travail

La Cour d’appel rappelle que les dispositions d’un règlement intérieur permettant d’établir l’état d’ébriété d’un salarié sur son lieu de travail en recourant à un contrôle de son alcoolémie sont licites, aux conditions suivantes : 

– les modalités de ce contrôle d’alcoolémie doivent en permettre la contestation, 

– un tel état d’ébriété, eu égard à la nature du travail confié, doit être de nature à exposer les personnes et les biens à un danger, de sorte qu’il peut constituer une faute grave. 

La cour d’appel ne fait ici que rappeler la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur ces deux conditions. 

  • Conditions d’opposabilité aux salariés des dispositions du règlement intérieur

La cour d’appel souligne ensuite que le règlement intérieur doit avoir été « affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche », conformément à l’article R.1321-1 du code du travail. C’est à l’employeur, nous dit la cour d’appel, de prouver que le règlement intérieur a bien été affiché selon les exigences rappelées ci-dessus. 

À défaut de pouvoir rapporter cette preuve, le contrôle d’alcoolémie réalisé est inopposable aux salariés. 

  • Impossibilité d’utiliser un contrôle d’alcoolémie inopposable au salarié

L’employeur ayant été dans l’incapacité de prouver que le règlement intérieur avait été affiché conformément aux dispositions de l’article R.1321-1 du Code du travail, la cour d’appel en a déduit qu’il ne pouvait pas se prévaloir du contrôle d’alcoolémie auquel il a soumis le salarié. Il lui restait encore la possibilité de prouver, par d’autres moyens, l’état d’ébriété dans lequel le salarié se serait trouvé : et là encore, il n’y est pas parvenu. 

La cour d’appel en a donc déduit que : « faute pour l’employeur d’établir l’état d’ébriété du salarié sur son lieu de travail après avoir recouru à un contrôle de son alcoolémie dans des conditions licites », le licenciement du salarié pour faute grave ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse. 

Cet arrêt d’appel, qui ne fait que rappeler les règles existantes, présente néanmoins deux intérêts. 

Lorsqu’il s’agit, par le biais du règlement intérieur, de porter atteinte aux libertés des salariés, l’employeur se doit d’être particulièrement vigilant quant au respect des règles formelles qui conditionnent son opposabilité (consultations des institutions représentatives du personnel, publicité du règlement, affichage, etc.). À défaut, il ne peut utiliser le contenu du règlement intérieur. 

– Cela permet également de rappeler les règles relatives aux modes de preuve pouvant être utilisé à l’encontre d’un salarié : lorsque la preuve a été obtenue par des procédés illicites, elle ne peut être utilisée pour fonder un licenciement, peu importe que les faits invoqués soient réels ou encore particulièrement graves. 

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