L’année 2020, et sa crise sanitaire, est encore scrutée à la loupe par les services statistiques de l’Etat. La Dares vient ainsi de diffuser une courte étude dévoilant les résultats de son enquête sur la négociation collective d’entreprise. Sans grande surprise, les négociations ont fortement pâti du contexte de crise. Cela se ressent tant au niveau du nombre d’entreprises et de salariés concernés par les négociations collectives que par les thèmes abordés à ces occasions.
Les indicateurs sont en repli dans leur globalité d’après l’étude de la Dares (reproduite en fin d’article). Cependant, en regardant dans le détail, quelques types d’entreprises se détachent du lot et affichent une capacité de négociation collective en hausse comme nous allons le voir. Parmi les thèmes abordés, on remarque que la protection sociale est très loin derrière les sujets directement concernés par la crise sanitaire (tels que le temps de travail et la rémunération). La tendance observée en 2020 est intéressante à connaître car celle de 2021 n’en est probablement pas très éloignée.
Moins de 17% des entreprises ont négocié un accord en 2020
Seulement 16,6% des entreprises qui emploient au moins 10 salariés ont lancé au moins une négociation collective en 2020. Cette baisse de 0,6 point par rapport à 2019 casse la dynamique de négociation qui avait démarré en 2016. Plus une entreprise compte de salariés, plus elle a été ouverte à une négociation collective (les entreprises d’au moins 500 salariés sont 93,8% à avoir ouvert une négociation tandis que celle qui comptent entre 50 et 99 salariés ne sont que 37,2% à l’avoir fait). Presque toutes les tranches d’entreprises, quelle que soit leur taille, ont été moins nombreuses à négocier qu’en 2019 : seules les entreprises de 50 à 99 salariés restent stables (une très légère hausse des négociations de 0,2% est même remarquée).
L’un des autres enseignements de l’étude concerne le lien entre l’ouverture des négociations et l’existence d’instances représentatives du personnel (IRP). Les entreprises qui n’ont aucune IRP ne sont que 1,6% à avoir ouvert des négociations. La statistique passe à 87,6% pour les entreprises qui ont un délégué syndical. Or, la Dares signale dans une étude parallèle que la part d’entreprises d’au moins 10 salariés à disposer d’IRP baisse à 41,4% en 2020 (-0,5 point par rapport à 2019). Cette corrélation pourrait entrainer davantage la baisse de la négociation collective d’entreprise à l’avenir.
Si la part des entreprises qui ouvrent une négociation collective diminue en 2020, le nombre des salariés qu’elles regroupent baisse encore plus vite. Avec une baisse du nombre de salariés concernés par une négociation de 0,9 point entre 2019 et 2020, seulement 61,7% des salariés employés dans une entreprise d’au moins 10 salariés étaient concernés en 2020.
Une négociation collective qui aboutit moins fréquemment sur des thèmes resserrés
La baisse de la négociation collective d’entreprise s’accompagne d’une baisse du taux de réussite des discussions. La Dares signale une perte de 5,1 points entre 2019 et 2020. Ainsi, ce sont seulement 81,2% des accords négociés qui sont véritablement signés. Cette baisse de la réussite des négociations s’observe quelle que soit la taille des entreprises. Si l’on regarde dans les grands secteurs d’activité, on remarque que c’est dans l’hébergement et restauration (notamment les HCR) que la chute est la plus spectaculaire avec -21,6 points : seulement 72,9% des accords discutés en 2020 ont donné lieu à une signature dans ce secteur (contre 94,5% un an auparavant). A contrario, le secteur de la construction affiche une hausse de son taux de signature de 7,7 points, à 89,4%.
Outre les difficultés à s’entendre lors des négociations, la Dares relève un resserrement des thèmes abordés en 2020 dans les entreprises. Trois thèmes se détachent particulièrement : les salaires et primes, le temps de travail, puis l’épargne salariale. En 2020, 9,4% des entreprises employant 49,4% des salariés français ont négocié sur les salaires et primes. Puis 6,1% des entreprises ont discuté temps de travail pour 25,2% des salariés, tandis que 5,3% des entreprises ont parlé épargne salariale au bénéfice de 28,8% des salariés. Le sujet de la protection sociale est écarté par le contexte de crise : il ne concernait que 2,2% des entreprises et 13,6% des salariés en 2020.
Précisions que l’ouverture d’une négociation collective d’entreprise ne signifie pas qu’un accord est nécessairement signé. Ainsi, seulement 6,2% des entreprises ont finalement signé un accord sur les salaires et primes (pour 31,8% des salariés français). Puis 4,5% des entreprises ont signé un accord sur le temps de travail (pour 20,5% des salariés). Enfin, 4,4% des entreprises se sont accordées sur l’épargne salariale en interne au bénéfice de 26,2% des salariés.
L’année 2020 a donc largement imposé le sujet des salaires aux entreprises qui ont ouvert des négociations. Une tendance qui devrait se retrouver encore en cette année 2022, la crise sanitaire ayant laissé place à une crise économique.