Dans une interview publiée hier soir dans les Echos, Frédéric Souillot, le secrétaire général de Force Ouvrière (FO) a, entre autres choses, appelé les partenaires sociaux à se saisir pleinement, et à court terme, des enjeux de “protection sociale collective”.

Si, dans une conjoncture économique et sociale fragile, l’appel de FO en faveur d’un renforcement de la protection sociale ne manque pas d’intérêt, encore faut-il préciser que ses perspectives demeurent incertaines.
Une conjoncture en cours de dégradation
Pour le secrétaire général de Force Ouvrière, la conjoncture économique et sociale française connaît un processus de dégradation – qui est en passe de se durcir. “Le produit intérieur brut a reculé à la fin du quatrième trimestre 2024 pour la première fois en dix ans” souligne-t-il d’abord. Les conséquences de ce recul économique en matière d’emploi vont alors, d’après lui, commencer à se faire sentir dans les prochaines semaines : “Les plans sociaux annoncés ne sont pas encore mis en œuvre. Ils ne le seront qu’une fois qu’ils auront été négociés, à partir de juin. Et il faudra y ajouter toutes les conséquences chez les sous-traitants, cotraitants et dans les petites entreprises”. Afin d’appuyer son argumentation, le patron de FO rappelle que les accords d’activité partielle de longue durée (APLD) – renommés accord “APLD rebond” – refont parler d’eux dans les branches d’activité, comme récemment dans la métallurgie.
La protection sociale comme champ de négociation paritaire
Partant de ce constat d’une fragilisation à la portée encore inconnue du tissu économique et du marché du travail, le dirigeant de FO appelle les partenaires sociaux à s’emparer des questions liées à la “protection sociale collective”. Les régimes de protection sociale ont souvent été structurés, il est vrai, comme autant d’amortisseurs aux mutations économiques. “Mettons les interlocuteurs sociaux autour de la table pour négocier sur la protection sociale collective qui est un véritable choix de société et sur laquelle ils ont toute légitimité” propose-t-il. Si Frédéric Souillot ne donne guère de précision quant aux champs de la protection sociale qui pourraient être mis en débat, il est toutefois tentant de penser qu’il a notamment en tête ceux qui font l’interface entre emploi et non emploi : assurance chômage, prévoyance, fins de carrière, retraite, en particulier.
Une méthode à préciser
S’agissant de ce que pourrait être la méthode de ce grand cycle de négociation paritaire, le patron de FO ne donne guère de précision. Il se contente de prendre pour contre-exemple la méthode qui a été retenue pour la discussion sur les retraites. “Ce n’est pas une négociation. Il faut se souvenir que la veille au soir de la première réunion sur les retraites, nous avons reçu un courrier du Premier ministre nous disant en substance : « Discuter de tout, mais surtout, il faut que vous gardiez l’équilibre financier. » Soit on nous laisse négocier, soit non” tonne-t-il. Il ajoute que le gouvernement devrait accorder du temps aux partenaires sociaux afin qu’ils mènent à bien leurs échanges : “Nous appelons le gouvernement à nous saisir de ce sujet, non pas dans l’urgence, mais pour construire un compromis social à long terme”. Enfin, il indique que les discussions devraient aussi porter sur la “gouvernance” et le “financement” des régimes.
Le problème du financement d’une protection sociale renforcée
Cet enjeu du financement d’une protection sociale renforcée n’est d’ailleurs pas anodin. Frédéric Souillot le reconnaît lui-même, rappelant que sur les retraites, le MEDEF refuse catégoriquement de revenir sur le dernier report de l’âge – c’est-à-dire laisser filer la dépense – ou que l’U2P veut repenser la structure du financement de la protection sociale à périmètre égal et non sans égratigner les retraités. Le patronat français, ces derniers mois, s’est montré plutôt ferme à plusieurs reprises sur le fait que les marges de manœuvre budgétaire pour la protection sociale étaient, de son point de vue, très limitées, sinon inexistantes. Aussi, et quoi qu’il en soit, sur le fond, du bien-fondé de l’appel du secrétaire général de FO, ses perspectives apparaissent, en l’état, quelque peu incertaines.