Déserts médicaux : ces 2 visions de la régulation de l’installation des médecins

Cela fait maintenant une semaine que les médecins libéraux et internes en médecine ont lancé leur mouvement de grève pour protester contre la proposition de loi Garot. La loi doit encore être adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale d’ici demain, avant de rejoindre le Palais du Luxembourg. C’est justement là, au Sénat, que débute aujourd’hui l’examen d’une autre proposition de loi, portée par Philippe Mouiller, dont les modalités de lutte contre les déserts médicaux se rapprochent davantage des récentes prises de positions de François Bayrou.

Les débats tenus aujourd’hui au Palais Bourbon devraient être assez peu mouvementés car c’est au début du mois d’avril que le véritable point d’achoppement a été réintroduit par les députés dans la proposition de loi Garot. Le contrôle du lieu d’installation des médecins libéraux pour lutter contre les déserts médicaux ne sera pas remis sur la table avant les futurs échanges au Sénat. On peut d’ailleurs anticiper la façon dont le texte évoluera compte tenu des prises de position des sénateurs pour une solution moins contraignante (mais contraignante malgré tout !). Rien ne dit cependant que les professionnels de santé concernés en seront satisfaits pour autant.

La lutte contre les déserts médicaux prise en tenaille entre l’activité libérale et l’accès aux soins

Les deux propositions de loi posent un principe de contrôle de l’installation des médecins pour favoriser l’installation dans les déserts médicaux.

Une loi qui opte pour le “tout coercitif”

La première, loi Garot, fixe un principe de contrôle par l’Agence régionale de santé (ARS) dès lorsqu’un médecin veut s’installer. S’il veut s’installer dans un désert médical, l’autorisation est délivrée de droit. En revanche s’il veut s’installer dans une zone qui n’est pas un désert médical, il faut que le nouvel arrivant remplace un professionnel sur le départ. Si ce n’est pas le cas, le médecin n’aura pas l’autorisation de s’installer. C’est cette vision très restrictive qui provoque l’ire des professionnels concernés.

D’autres mesures qui reposent davantage sur le sens des responsabilités des médecins

La seconde, loi Mouiller, propose un même principe de contrôle par l’ARS mais ce contrôle prend des formes plus diverses. En effet, le texte distingue le contrôle de l’installation des médecins généralistes, d’une part, et des médecins spécialistes, d’autre part.

S’agissant des médecins généralistes, la proposition de loi du sénateur Mouiller précise que l’ARS n’intervient que dans le cas de “l’installation d’un médecin généraliste dans une zone dans laquelle le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé“. C’est seulement pour l’installation en zone surdotée en professionnels de santé qu’un contrôle a lieu. Dans ce cas, l’autorisation d’installation est soumise à l’engagement du médecin d’exercer à temps partiel dans un désert médical. Et le respect de cet engagement est vérifié a posteriori et si le professionnel manque à sa parole, son autorisation d’installation pourra lui être retirée. La loi se base donc ici sur la responsabilité et la bonne volonté des médecins, c’est justement ce qu’ils réclament.

Puis du côté des médecins spécialistes le contrôle visant à lutter contre les déserts médicaux est plus serré et ressemble à la loi Garot. Pour s’installer en zone déjà bien dotée en professions médicales, le spécialiste doit ainsi remplacer un autre médecin de la même spécialité qui cesse son activité sur la zone. Sans ce remplacement, l’ARS ne peut délivrer d’autorisation que dans deux cas : si le spécialiste s’engage à exercer à temps partiel dans les déserts médicaux (comme pour les généralistes), ou si le directeur général de l’ARS estime que l’installation doit être autorisée pour maintenir l’accès aux soins dans le territoire.

La vision sénatoriale diffère encore de celle du gouvernement pour résorber les déserts médicaux

Si l’on peut penser que la proposition de loi Garot et sa vision très coercitive de l’installation des médecins a peu de chance d’aboutir, celle du sénateur Mouiller pourrait avoir plus de chances de s’attirer les faveurs du gouvernement et des parlementaires qui le soutiennent. Rappelons que François Bayrou propose de créer un mécanisme qui obligerait les médecins à exercer “jusqu’à 2 jours par mois” à des consultations dans les déserts médicaux les plus en difficulté dès lors qu’ils sont installés dans des zones qui ne sont pas sous-dotées en professionnels de santé.

Or, ce principe de consultation obligatoire et contraignante est une ligne rouge pour les représentants des médecins. Dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, Philippe Mouiller explique justement que le principe du caractère libéral de la médecine française et de la liberté de choix des patients n’est pas absolu et doit être concilié avec les contraintes actuelles. C’est ce compromis entre la responsabilité des médecins et les enjeux d’accès aux soins qu’il souhaite atteindre. Cela explique l’utilisation de l’engagement des médecins comme pierre angulaire de son texte.

A l’image de ce que propose le gouvernement, la loi Mouiller vise également à répondre aux préoccupations des médecins concernant la simplification administrative, les questions de rémunération et le sujet de l’efficacité de la coordination des soins. Les débats doivent encore avoir lieu et le cheminement du gouvernement n’est pas encore terminé sur le sujet. On pourrait toutefois imaginer que la vision sénatoriale se rapproche un peu plus de ce qu’attendent les professionnels que celle du gouvernement.

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