L’hilarant rapport Villeroy de Galhau sur le financement des entreprises

Le rapport Villeroy de Galhau sur financement de l’investissement des entreprises remis hier au Premier Ministre a encore suscité une belle hilarité.  

Evidemment, le personnage en lui-même prêtait à l’exercice attendu. Ce polytechnicien et énarque (de la même promotion que Moscovici et Philippe Wahl, directeur général de la Poste), inspecteur général des Finances et grand strauss-kahnien devant l’éternel (il fut son directeur de cabinet à Bercy) a bénéficié d’une belle mesure d’évacuation sanitaire en avril 2015. Il était alors directeur général délégué de la BNP, frappée d’une modique amende de 10 milliards de dollars pour avoir violé l’embargo sur l’Iran. Le Premier Ministre a eu la bonne idée de lui confier une mission sur l’investissement des entreprises: quoi de mieux qu’un banquier pour évoquer ce sujet? Ce n’est pas comme si les entreprises se plaignaient massivement du cynisme de leur banquier lorsqu’il s’agit de les aider à investir. 

Cette petite provocation très vallsienne cachait évidemment un autre motif, connu de tous: il fallait refaire une petite virginité à Messire Villeroy avant son parachutage à la tête de la Banque de France où il remplacera avantageusement Christian Noyer atteint par la limite d’âge et en fin naturelle de mandat.  

Ce petit rappel n’est pas inutile pour comprendre les raisons qui ont poussé Villeroy de Galhau à écrire un texte qui ressemble plus à une longue liste de remerciements au début d’un rapport de stage d’élève de l’ENA qu’à une étude sérieuse sur la question du financement des entreprises. Avec un brin de malice, on reprendra ici chacune de ses propositions pour illustrer le propos.  

Proposition n°1: Améliorer l’accès des TPE au crédit, notamment de trésorerie 

Villeroy de Galhau remercie ici sa mère patrie la banque pour les bons et loyaux services qu’elle lui a rendus. Il écrit (page 33): “En volume, la France est le pays européen où les financements (bancaires et obligataires) des sociétés non financières ont le plus crû depuis la crise.” La Fédération Française des Banques ne pouvait pas rêver d’avoir un cheval de Troie mieux infiltré dans la place! 

Proposition n°2: Développer le financement long du BFR 

Là encore, le futur gouverneur de la Banque de France explique que les entreprises n’ont rien compris à ce que leurs banquiers leur disaient (page 39): “La question des garanties bancaires est en effet clé, et elle nous est apparue parfois mal posée. Le sujet n’est pas tant les garanties personnelles demandées au dirigeant. Même si elles sont parfois excessives (…)”. On aimerait voir Villeroy hypothéquer son château à la demande de son banquier pour voir si la question est “parfois mal posée”. 

Proposition n°3: Favoriser l’investissement en actions de l’assurance-vie, par le succès d’Euro-croissance 

Cette fois, Villeroy envoie un joli mot de remerciement à Moscovici, son camarade de promotion inventeur de l’Eurocroissance. Cette formule qui prétend concilier avantages de l’assurance-vie et investissement en actions est une construction purement théorique dont la crise chinoise vient de balayer les derniers espoirs, mais ça fait toujours du bien de faire un petit compliment aux amis. 

Proposition n°4: Recréer une instance internationale d’évaluation des effets des règles prudentielles bancaires 

Encore un beau cadeau aux banques françaises qui s’estiment pénalisées par les règles de Bâle III. Villeroy parle ici en futur gouverneur de la Banque de France et nous livre l’un des axes centraux de son action: assouplir les règles prudentielles appliquées aux banques en obtenant à terme une norme Bâle IV plus favorable. 

Proposition n°5: pour un continuum des instruments de dette, promouvoir une titrisation sécurisée, les placements privés et des plateformes de prêts directs 

Ce charabia reprend la marotte absurde de Christian Noyer consistant à relancer la titrisation. Ce mécanisme, à l’origine de la crise de 2008, est simple à comprendre: une banque accorde un prêt à une entreprise, puis elle charge une autre entreprise financière de recouvrer ce prêt moyennant un rachat de portefeuilles. Ce système conduit donc les banques à accorder des prêts en accordant une attention très limitée à la solvabilité de son client: elle ne supporte en effet plus le risque de défaut. 

Encore une proposition qui vient du lobby bancaire et que la Banque de France endossera une fois Villeroy de Galhau nommé. 

Proposition n° 6 : Réviser Solvabilité 2 en faveur des investissements à risque 

Cette proposition constitue cette fois un petit cadeau aux assureurs qui sont effrayés par le volume de fonds propres nécessaires pour investir en bourse. 

Proposition n°7 : développer l’investissement en fonds propres transfrontières, par des mécanismes innovants 

Il s’git cette fois d’une adresse à Jean-Claude Juncker et à la Commission. Le mécanisme vise en effet à faciliter la mise en place du plan Juncker en matière d’investissement des PME. 

Proposition n°8 : soutenir des actifs européens en faveur des infrastructures de long terme et de la transition énergétique 

Cette mesure devrait faciliter l’affichage écologique du gouvernement à l’horizon de la COP21. Nul doute que le Président de la République, qui parie sur cette conférence pour redorer son blason parmi les écologistes, aura apprécié la mention. 

Proposition n°9 : mandater trois task-forces dédiées à trois chantiers structurels de convergence : droit des faillites ; informations sur les PME et scoring de crédit ; protection des consommateurs 

Cette proposition très européenne vise à donner du contenu à la “convergence structurelle” en matière financière souhaitée par François Hollande. Là encore, merci à la main qui donne à manger. 

Proposition n°10 : renforcer la supervision européenne des marchés 

Et un ultime cadeau aux banquiers français, qui trouvent que l’Union Européenne ne se fait pas assez entendre à Bâle pour protéger leurs intérêts, alors que les Anglais et les Allemands y sont entendus. Une fois de plus, la technostructure française imagine que l’intégration européenne lui permettra de peser plus efficacement. 

Villeroy a donc bien travaillé, et chacun est reparti avec son petit (ou gros) cadeau. On ne pouvait évidemment pas manquer la déclaration faîtière de l’intéressé, qui illustre assez bien la pensée strauss-kahnienne au pouvoir: “Nous n’avons pas besoin de grand soir fiscal en France, nous n’avons pas besoin de changement de traités en Europe, il faut que nous nous mobilisions collectivement avec les autres Etats membres pour mieux utiliser ces ressources”. 

Contre vents et marées, la technostructure continue sa stratégie europhile et immobiliste de l’autruche. 

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