L’ouverture des données de santé : ce que prévoit le texte adopté par les députés

C’est le 14 avril 2015 que le projet de loi relatif à la modernisation du système de santé présenté par la ministre Marisol Touraine a été adopté en première lecture par les députés. 

Comme BI&T l’a déjà soulevé dans cet article, l’un des enjeux de cette future loi est l’ouverture des bases de données en santé détenues par l’administration. La volonté affichée du gouvernement est de “créer les conditions d’un accès ouvert aux données de santé” mais la réalité du texte voté semble bien éloignée du but affiché. 

 

La prudence du gouvernement sur l’accès ouvert aux données de santé

Cette question de l’accès aux données personnelles de santé, traitée dans la loi de modernisation du système de santé, soulève autant d’envies, de la part des chercheurs, des entreprises du secteur sanitaire, des citoyens ; que de craintes de la part des défenseurs du droit au respect de la vie privée. 

Jusqu’à aujourd’hui, ce sont plutôt les seconds qui ont su faire valoir leurs arguments car si la tendance est à l’ouverture des bases de données détenues par l’administration (création du portail data.gouv.fr ou de la base de données publiques “transparence santé“), l’accessibilité à ces données est encore relativement moyenne, voire faible. 

La difficulté réside dans le contenu des données qui sont amenées à être mise en libre accès par la loi santé qui vient d’être votée en première lecture. L’enjeu pour le gouvernement est de répondre à toutes les attentes, c’est-à-dire de permettre à tous d’accéder aux données contenues dans les différents systèmes de l’administration, tout en préservant le droit au respect de la vie privée. Les défenseurs de ce droit demandent à l’Etat de garantir que les données ouvertes ne permettront, en aucune mesure, de retrouver l’individu concerné par ces données. 

Cette garantie est bien difficile à délivrer car le risque zéro n’existe pas, même s’il peut être approché. 

C’est pour cela que le gouvernement tente, par ce projet de loi, de fournir les garanties nécessaires à ce que l’usage qui sera fait des données rendues accessibles, sera notamment dénué de risques d’atteinte à la vie privée des individus, entre autres par une réidentification. 

 

Les députés prévoient une ouverture maîtrisée des données de santé dans la loi santé

Le texte finalement voté le 14 avril 2015 comporte un article 47 entièrement consacré à la création des conditions d’un accès ouvert aux données de santé. 

Cet article 47 comporte plusieurs volets. 

 

Création d’un nouvel organe : le système national des données de santé (SNDS)

Le SNDS créé par la loi de modernisation du système de santé rassemble l’ensemble des données de santé qui proviennent des séjours hospitaliers (base PMSI), des soins de ville (base SNIIRAM), les données relatives aux décès, les données issues de l’activité des maisons départementales des personnes handicapées, ainsi qu’un échantillon représentatif des données de remboursement par bénéficiaire transmises par des organismes d’assurance maladie complémentaire et défini en concertation avec leurs représentants. 

C’est la CNAMTS qui est désignée responsable du traitement et qui aura pour mission de rassembler les données susmentionnées. 

L’objet du SNDS est de mettre à disposition des données de santé pour contribuer : 

– à l’information sur la santé ainsi que sur l’offre de soins, la prise en charge médico-sociale et leur qualité ; 

– à la définition, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de santé et de protection sociale ; 

– à la connaissance des dépenses de santé, des dépenses de l’assurance maladie et des dépenses médico-sociales ; 

– à l’information des professionnels, des structures et des établissements de santé ou médico-sociaux sur leur activité ; 

– à la surveillance, à la veille et à la sécurité sanitaires ; 

– à la recherche, aux études, à l’évaluation et à l’innovation dans les domaines de la santé et de la prise en charge médico-sociale. 

 

La loi santé prévoit un accès aux données de santé à deux vitesses

Les données qui seront ouvertes à tous prendront la forme de statistiques agrégées ou de données individuelles constituées de telle sorte que l’identification, directe ou indirecte, des personnes concernées y est impossible. Ces données seront mises à disposition gratuitement. L’accès gratuit est une intention louable, reste à savoir si les données concernées par cette ouverture totale seront assez précises et complètes. 

 

L’accès à des données plus fines (comportant un risque de réidentification) est ainsi prévu uniquement pour les personnes suivantes : les citoyens, les usagers du système de santé, les professionnels de santé, les établissements de santé et leurs organisations représentatives ainsi que les organismes participant au financement de la couverture contre le risque maladie ou réalisant des recherches, des études ou des évaluations à des fins de santé publique, les services de l’État, les institutions publiques compétentes en matière de santé et les organismes de presse. 

Sont donc exclus de cet accès à des données plus précises tous les organismes privés, mais une exception est prévue. 

En effet, pour accéder aux données à caractère personnel du SNDS, il faudra obtenir une autorisation préalable délivrée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), comme c’est le cas aujourd’hui pour accéder au SNIIRAM par exemple. Dans le cas de recherches ou d’études, les organismes privés pourront demander un accès aux données à condition de démontrer que les modalités de mise en œuvre du traitement rendent impossible toute utilisation des données pour l’une des finalités suivantes : 

– La promotion des produits mentionnés au II de l’article L. 5311-1 en direction des professionnels de santé ou d’établissements de santé ; 

– L’exclusion de garanties des contrats d’assurance et la modification de cotisations ou de primes d’assurance d’un individu ou d’un groupe d’individus présentant un même risque. 

Les organismes privés pourront également recourir à un laboratoire de recherche ou à un bureau d’étude, publics ou privés, pour réaliser le traitement à leur place. 

Une fois l’autorisation obtenue, l’accès sera soumis à une contrepartie financière, sauf s’il s’agit de recherches, d’études ou d’évaluations demandées par l’autorité publique ; ou de recherches réalisées exclusivement pour les besoins de services publics administratifs. 

 

L’institut national des données de santé (INDS), garant de la qualité des données selon la loi santé

La loi prévoit la création de l’INDS qui sera un groupement d’intérêt public constitué entre l’État, des organismes assurant une représentation des malades et des usagers du système de santé, des producteurs de données de santé et des utilisateurs publics et privés de données de santé, y compris des organismes de recherche en santé. 

Cet institut aura notamment pour mission de s’assurer de la qualité des données qui seront ouvertes. Il pourra également rendre des avis à la demande de la CNIL sur le caractère d’intérêt public que présente une recherche, une étude ou une évaluation. 

L’INDS devra aussi contribuer à l’expression des besoins en matière de données anonymes et de résultats statistiques, en vue de leur mise à la disposition du public. 

 

Le respect de la vie privée garanti par la loi de modernisation du système de santé

La loi rappelle que les traitements de données ne doivent pas avoir pour finalité l’identification directe ou indirecte des personnes concernées. Toutes les précautions légales sont prises pour assurer la confidentialité des données et leur anonymat. 

Le texte de loi prévoit que les personnes responsables des traitements sont soumises au secret professionnel et l’accès aux données “s’effectue dans des conditions assurant la confidentialité et l’intégrité des données et la traçabilité des accès et des autres traitements”. 

Les données entièrement ouvertes au public seront traitées pour que l’identification, directe ou indirecte, des personnes concernées soit impossible. 

Les données proposées par le SNDS ne contiendront ni les noms et prénoms des personnes, ni leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, ni leur adresse. Les numéros d’identification des professionnels de santé seront conservés et gérés séparément des autres données

 

 

Il ressort de la loi de modernisation du système de santé que l’accès ouvert aux données de santé est encore loin d’aboutir, ce pour plusieurs raisons : 

– seules les données anonymes ou agrégées pourront être accessibles à tous gratuitement, or le processus de mise en forme des données sera incontestablement long, et aucun délai d’application de la loi n’est prévu dans le texte ; 

– toute la mise en œuvre de l’ouverture des données est soumise au bon pilotage de la CNAMTS, ce qui peut être sujet à discussion ; 

– la confirmation d’un régime d’accès à deux vitesses ne répond pas aux revendications, notamment des acteurs privés, qui devront systématiquement passer par une autorisation préalable, souvent longue à obtenir, pour pouvoir mener des recherches ou des études. 

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