Contentieux prud’homal : incidence du caractère déterminé ou indéterminé de la demande

Devant le juge du travail, la connaissance du droit procédural s’impose. En effet, la nature de la demande initiale, sa qualification et son montant, auront une incidence sur la voie de recours envisagée, une fois la première décision rendue. Telle ou telle voie de recours sera recevable ou non, selon que la demande dont étaient saisis les juges de première instance, était déterminée ou indéterminée. 

 

Quant il faut choisir entre l’appel et le pourvoi en cassation

« Le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d’appel » (Art. 40 du code de procédure civile). De sorte qu’un pourvoi en cassation serait irrecevable si aucun appel contre la première décision de justice n’était interjeté. Telle est la règle, lorsqu’il s’agit de déterminer si un jugement est rendu en premier ou en dernier ressort et que la demande est dite « indéterminée ». 

Le critère décisif est celui de l’objet de la demande, ni le fondement juridique ni les moyens invoqués n’ayant d’incidence (Cass. soc., 25 mai 1989, n° 86-43.535.Cass. soc., 12 nov. 1987, n° 85-42.064 et n° 85-42.231). Ainsi, l’absence de chiffrage permet de caractériser l’indétermination d’une demande. A l’inverse, une demande tendant à l’allocation d’une somme d’argent dont le montant est précisé, suffit à lui conférer le caractère de demande déterminée (Cass. soc., 17 juin 2015, n° : 14-11.333). Attention toutefois, certaines décisions peuvent à la fois être rendues suite à une demande déterminée, et être insusceptibles d’appel. C’est le fameux mécanisme du taux de ressort, déterminé par les règles propres à chaque juridiction, et qui déroge au principe du double degré de juridiction. Etant précisé que les juges doivent relever d’office les fins de non-recevoir d’ordre public lorsqu’elles résultent de l’absence d’ouverture d’une voie de recours, notamment dans le cas où un jugement n’est pas susceptible d’appel (1er alinéa de l’article 125 du code de procédure civile ; v. pour un exemple : Cass. soc., 15 janv. 2014, n° : 12-25.404 ;12-25.405 ; 12-25.408 ; 12-25.409). 

En Droit du travail, les conseils de prud’hommes statuent en dernier ressort (Art. R. 1462-1 C. trav.), lorsque la valeur totale des prétentions d’aucune des parties ne dépasse 4.000 euros, ou lorsque la demande tend à la remise, même sous astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer, à moins que le jugement ne soit en premier ressort en raison du montant des autres demandes. Autrement dit, la juridiction peut statuer en dernier ressort si la demande dont elle est saisie est inférieure ou égale à 4.000 euros (Art. D. 1462-3 du même code). Dans une telle hypothèse, il en résulterait pour la personne qui envisage d’exercer un recours contre le jugement, l’obligation de former un pourvoi en cassation. Peu importe à cet égard que la juridiction ait inexactement qualifié sa décision (Cass. soc., 25 juin 2014, n° : 12-29.436, inédit ; Cass. soc., 11 juill. 2012, n° : 11-19.224). 

 

Des exemples pratiques

Une demande tendant à la récupération de deux jours de congés, présente un caractère indéterminé, dès lors l’employeur ne peut se pourvoir en cassation directement, il serait déclaré irrecevable (Cass. soc., 25 juin 2015, n° : 13-13.646, inédit). De même, une demande tendant à ce que soit jugée applicable une disposition de nature contractuelle attributive d’un indice gouvernant la rémunération, est une demande indéterminée (Cass. soc., 25 juin 2014, n° : 12-29.436, inédit). 

Jugé également que la demande qui tend à obtenir la rectification des bulletins de paie, afin qu’y soient portées les heures de délégation réclamées au titre d’un mandat de représentant syndical dont l’existence était contestée par l’employeur, ne peut être assimilée à la simple demande de remise de bulletin de paie visée à l’article R. 1462-1 du code du travail et présente un caractère indéterminé (Cass. soc., 10 nov. 2010, n° : 09-41.915, inédit). En revanche, ni la demande de bulletins de paie rectifiés en fonction de la demande chiffrée soumise à la juridiction, ni le moyen sur lequel repose cette dernière demande n’ont pour effet de rendre son montant indéterminé (Cass. soc., 6 mars 2012, n° : 10-28.436, inédit ; « lorsqu’elle constitue la conséquence nécessaire d’une demande en paiement chiffrée, la demande tendant à la rectification de bulletins de paie est sans incidence sur l’ouverture des voies de recours ; que la cour d’appel, qui a constaté que tel était l’objet de la demande de rectification dont elle était saisie et que le montant total des demandes était inférieur au taux du dernier ressort, a exactement décidé que la demande n’était pas à ce titre susceptible d’appel : Cass. soc., 23 mars 2011, n° : 09-70.827, FP-P+B, Sté Autoroute du Sud de la France (ASF) c/ Authesserre et a.). 

Une ordonnance de la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Auxerre ordonnant la remise sous astreinte à un ancien salarié, de la copie des demandes de pauses, de RTT et de congés payés pour la période de janvier 2007 à décembre 2010, était inexactement qualifiée en dernier ressort, et partant, susceptible d’appel, puisque de tels documents ne constituent pas des pièces que l’employeur est tenu de délivrer (Cass. soc., 19 juin 2013, n° : 11-24.026, inédit)

La demande d’attribution de 12 jours de congés supplémentaires, même si elle représente la somme de 459,84 euros, est indéterminée au sens de l’article 40 du Code de procédure civile, et doit être qualifiée en premier ressort (Cass. soc., 12 sept. 2012, n° : 11-20.386). 

Le jugement du conseil de prud’hommes rendu sur des demandes du salarié qui, tendant à l’octroi d’une indemnité complémentaire d’un montant de 3 999,12 euros et des dommages-intérêts à hauteur de 500 euros, doit être qualifié en premier ressort étant susceptible d’appel (Cass. soc., 14 déc. 2011, n° : 10-16.356). 

 

Principaux textes de référence :  

Article 40 du Code de procédure civile 

Article R. 1462-1 et R. 1462-2 du Code du travail 

Article D. 1462-3 du Code du travail 

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