Le MEDEF est-il instrumentalisé (volontairement) par Emmanuel Macron pour proposer des réformes majeures dans le droit du travail et, singulièrement, dans le droit du contrat de travail? A la lecture du document envoyé par le MEDEF aux organisations syndicales la semaine dernièe, la question peut se poser de plus en plus clairement…
Des revendications sans véritable surprise
La semaine dernière, le MEDEF a écrit aux organisations syndicales pour préparer le bilan, conjoint avec le gouvernement, des différents accords sur la modernisation du marché du travail (accords de 2008 et 2013). Ce lundi, une rencontre a lieu au MEDEF avec les organisations syndicales pour évoquer ensemble cette réunion du 3 avril où le gouvernement espère que pourrait être actée une nouvelle négociation interprofessionnelle sur une énième réforme du marché du travail.
A cette fin, le MEDEF a proposé plusieurs mesures qui devraient susciter des réactions variées parmi les organisations syndicales. Parmi ces propoitions, on notera le désormais traditionnel CDI à durée déterminée (le contrat de mission bien connu dans certains secteurs), la barémisation des indemnités de licenciement aux prud’hommes ou encore la dérogation à la durée du travail par accord d’entreprise. Enfin, le MEDEF voudrait simplifier les accords de maintien dans l’emploi, qui permettent de déroger pour une durée de deux ans aux clauses substantielles des contrats de travail dans l’entreprise.
Alors que la négociation sur la modernisation du dialogue social, qui recouvre un certain nombre de ces propositions, a capoté en janvier, il est assez surprenant que le MEDEF revienne à la charge avec des propositions qui devraient hérisser le poil de nombreux syndicalistes. La démarche mérite un petit décryptage.
L’accord de maintien dans l’emploi: une obsession macronienne
Un premier indice sur les sources de l’audace du MEDEF est donné par un point de rappel: dans sa version initiale, il était fortement question que la loi Macron comportât des dispositions sur les accords de maintien dans l’emploi. Ceux-ci, formule peu pratiquée depuis leur apparition dans l’ANI de 2013 sur la sécurisation de l’emploi, n’ont guère suscité d’engouement. On peut même se demander s’ils ont jamais correspondu à une revendication patronale sérieuse.
Pour des raisons connues de lui seul, Emmanuel Macron s’est entiché de la formule, malgré le peu d’intérêt qu’elle suscite et, de longue date, il cherche à améliorer sa rédaction pour pousser les entreprises à s’en saisir. Le MEDEF a-t-il remis la sauce sur le sujet parce qu’il est en service commandé et que cette complaisance envers le ministre est une contrepartie lâchée pour attirer son attention sur des propositions qui intéressent véritablement le MEDEF?
Rien ne l’exclut…
Les exigences allemandes sur une réforme du marché du travail
Au-delà de ces caprices, il est de plus en plus évident, depuis plusieurs semaines, que l’Allemagne et la Commission Européenne exigent de nouvelles réformes pour flexibiliser le marché du travail en contrepartie de leur relative indulgence sur les déficits français galopants. Ici se joue une partie très serrée qui doit se terminer en juin. A cette date, soit la France aura procédé aux réformes attendues, soit elle sera, sous une forme ou sous une autre, soumise à l’amende.
Le gouvernement s’active pour éviter le pire. D’une part, il fait tout pour minorer les déficits annoncés et limiter les dégâts. D’autre part, il n’hésite plus à susciter des idées de réformes partout où il passe (sauf dans la fonction publique qui ressemble de plus en plus à une forteresse inexpugnable). Emmanuel Macron a-t-il dû beaucoup pousser le MEDEF pour obtenir des propositions tonitruantes sur la réforme du marché du travail? Probablement pas.
Quel véhicule législatif pour ces propositions?
Le bon sens voudrait que le MEDEF ouvre une négociation en bonne et due forme sur le sujet, comme le prévoit la l’article 1 du Code du Travail. Dans l’hypothèse où cette étape serait opportunément transgressée, il resterait à savoir si le sujet serait porté par le ministre Rebsamen dans le cadre de sa loi Travail, ou par Emmanuel Macron dans une version 2 de sa loi passée au 49-3. Dans les deux cas, l’issue est loin d’être évidente pour le gouvernement, puisque la cartouche du 49-3 grillée, il faudra une majorité parlementaire pour adopter le texte.
A l’issue de cataclysmiques élections départementales, l’affaire semble loin d’être gagnée…