Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat : FO
Le syndicat FO des employés et cadres du commerce du Val d’Oise a assigné en référé la société d’ameublement Ikea en vue, notamment, de l’enjoindre d’accorder à chacun de ses salariés les repos légaux obligatoires et de respecter les durées de travail conventionnelles.
Une demande de dommages et intérêts à verser à titre de provision à FO en réparation du préjudice subi consécutif aux infractions constatées est également demandée.
Le premier épisode judiciaire a consisté à faire admettre que l’action de FO était recevable. La cour d’appel avait estimé l’action de FO irrecevable dans la mesure où, notamment, FO n’établissait ni la réalité des violations à la législation relative au temps de travail ni ne démontrait en quoi les constatations effectuées par certains salariés constituaient une atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
Ce raisonnement a, fort heureusement, été cassé par la Cour de cassation (Cass. soc., 9-7-15, n°14-11752).
La Cour de cassation a rappelé que « l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration du bien-fondé de l’action et que le syndicat se prévalait de la méconnaissance par l’employeur des dispositions d’un accord collectif ».
Par ailleurs, la violation d’une règle d’ordre social destinée à protéger les salariés suffit à rendre l’action recevable. Il importe peu que seuls quelques salariés soient concernés par la violation.
L’action en justice étant recevable, l’affaire a donc été renvoyée devant la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 12-5-16, n°15/07723).
Pour démontrer les nombreuses infractions au temps de travail, FO s’appuie sur une étude réalisée à partir des états de badgeage dans le magasin de Franconville obtenus par les délégués du personnel au titre de leurs prérogatives prévues par l’article L 3171-2 du code du travail.
Cette étude porte sur un panel de 84 personnes qui représentent 18 % de l’effectif du magasin.
La cour d’appel constate ainsi « la réalité de nombreuses infractions relative au temps de travail ». Ces « manquements constituent un trouble manifestement illicite et peuvent laisser craindre la répétition imminente de nouvelles infractions ».
Les juges du fond refusent cependant d’ordonner les mesures sollicitées par FO « qui consistent à voir rappeler à l’employeur l’ensemble des dispositions applicables, à l’enjoindre de les respecter dans tous les magasins de la société, à l’égard de l’ensemble des salariés et à assortir cette injonction d’une astreinte ». Selon la cour d’appel, ces mesures « s’analysent, par leur caractère général et non limité à l’établissement dans lequel un nombre de manquements a été constaté, en un rappel à la loi, allié à une mesure de contrainte disproportionnée au regard de l’objectif visé. A défaut d’identification précise du trouble allégué ou du dommage imminent, de démonstration de manquements déterminés, intentionnels, nombreux et/ou persistants, l’injonction sollicitée (…) n’est pas une mesure de remise en état ni une mesure conservatoire », susceptible d’être prescrite par le juge des référés.
Pour faire droit à la demande de provision formulée par FO, la cour d’appel estime que : « Il résulte nécessairement de la violation des règles relatives au temps de travail un préjudice pour le syndicat. L’étude réalisée n’a porté que sur un panel de 85 salariés, mais elle permet de retenir, par projection, qu’un plus grand nombre de salariés ont été privés du bénéficie des règles d’ordre public et des règles conventionnelles applicables ».
Néanmoins, pour minorer le montant des dommages et intérêts versés, la cour d’appel constate que « la société Ikea a modifié depuis 2014 son logiciel de planification, qui intègre désormais les règles relatives à la durée du travail et empêche que des plannings soient réalisés en violation de ces règles. Ainsi, les salariés pourront-ils demander en directe leur temps de travail. Des efforts de formation des collaborateurs et managers ont été parallèlement déployés ».
Cette victoire obtenue après de longues années de combat, rappelle que la défense de l’intérêt collectif de la profession trouve pleinement écho devant le juge.