Vers un front commun CGPME – CGT ?

Les deux dernières séances de la négociation paritaire interprofessionnelle sur le dialogue social sont prévues les 15 et 16 janvier. A ce stade, les désaccords demeurent nombreux entre le patronat et les syndicats, mais aussi à l’intérieur de chaque entité. Le positionnement de la CGPME est à cet égard révélateur de la tentation de radicalisation d’une partie du patronat français. 

Une conception traditionnelle de l’entreprise 

Afin de moderniser le dialogue social, les responsables du MEDEF ont tenté de troquer la fusion des différentes instances de représentation du personnel contre une représentation des salariés dès le seuil des 11 salariés. Aux yeux de leurs homologues de la CGPME, cette proposition est inacceptable. Ils refusent d’entendre parler d’une présence syndicale systématique dans les entreprises de moins de 50 salariés – qui constituent plus de 98,5 % des entreprises françaises. Les représentants des PME endossent ainsi le costume des patrons radicaux : pour eux, l’entreprise est le lieu de la lutte des classes et ils refusent donc d’y laisser s’exprimer les intérêts du camp d’en face. 

Les prises de position de la CGPME renvoient à une conception de l’entreprise comme étant la chose de son patron. Ayant investi sa personne, son capital et son honneur dans son affaire, le patron estime légitime d’en assumer seul la direction. Dans ce schéma, prévoir la présence de syndicats, ou plus généralement de salariés, dans le processus de décision est une grave erreur car elle revient à donner du pouvoir à des acteurs n’ayant pas engagé leur responsabilité dans l’entreprise. En retour, cette définition des rapports de production convient à certains syndicats, comme la CGT ou la CGT-FO, pour qui le dialogue social est toujours entaché de la suspicion de collaboration de classes. 

Une course à la radicalité 

Au risque de donner le sentiment de n’avoir que des refus à proposer, les négociateurs de la CGPME semblent également refuser l’idée défendue par l’UPA d’une représentation territoriale des salariés et des employeurs. Des commissions paritaires se réuniraient ainsi au niveau départemental ou régional afin d’évoquer d’évoquer des sujets liés au marché du travail. Cette idée séduit les syndicats de salariés. Bien qu’ils affirment qu’ils voudraient pouvoir être présents dans toutes les entreprises françaises, ils sont bien conscients de la faiblesse de leur implantation dans les petites structures. Il est évidemment impensable pour l’aile dure du patronat de servir ainsi la soupe aux syndicats ! 

Pour la CGPME, le défaut originel du principe territorial et paritaire défendu par l’artisanat, c’est tout simplement qu’il vient créer de nouveaux espaces de négociation éloignés du contrôle des employeurs, et dont profiteraient nécessairement les syndicats réformistes. Qui plus est, ces espaces de négociation rapporteraient même de l’argent aux syndicats. Ainsi, Jean-François Roubaud s’est toujours opposé à l’extension à l’ensemble des TPE/PME de l’accord, dit du “0,15 %”, qui existe pour l’artisanat depuis l’accord de décembre de 2001 sur le financement du dialogue social dans ce secteur. Il faut bien constater que sa doctrine n’a pas évolué depuis. 

Manoeuvres patronales 

L’insistance avec laquelle la CGPME met en scène sa propre radicalité finit par poser des questions sur les fondements de sa démarche. Dans un premier temps, il est possible d’analyser l’attitude de ses responsables en rappelant qu’en 2017, la représentativité des différentes confédérations patronales sera mesurée parmi les chefs d’entreprise. L’UPA est bien connue des artisans, elle est assurée de réaliser de bons scores parmi eux. Le MEDEF, quant à lui, jouit d’un capital de notoriété dans le milieu patronal, qu’il doit notamment au fait qu’il est régulièrement convoqué par les médias en tant que représentant naturel du patronat. Dans ce contexte, la CGPME a tout intérêt à faire feu de tout bois si elle prétend rivaliser avec ces deux écuries concurrentes. 

Ce premier élément d’analyse en appelle un autre. La CGPME doit principalement son existence aux investissements conjoints de la métallurgie et du bâtiment. Pour ces derniers, elle est un moyen de consolider leur place au sein du syndicalisme patronal. L’UIMM conserve avec elle un moyen de contrecarrer les fédérations de services, à l’influence grandissante au sein du MEDEF. La FFB, de son côté, peut utiliser le syndicats des TPE/PME afin de chasser sur les terres de la CAPEB, le syndicat des artisans du bâtiment. La radicalité affichée par les dirigeants de la CGPME est donc aussi un outil au service de la puissance des grandes fédérations du patronat français. 

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