Un syndicat représentatif doit-il pouvoir siéger dans une instance instituée sans accord collectif?

La chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée, dans un arrêt du 18 janvier 2017, sur la possibilité pour un syndicat représentatif de siéger de droit dans une instance, même si cette instance n’a pas été instituée par un accord collectif. 

 

Les faits soumis à la chambre sociale de la Cour de cassation

En l’espèce, un accord national professionnel sur l’organisation de l’emploi des maîtres des établissements d’enseignement catholique a été conclu le 12 mars 1987. Cet accord prévoit la création dans chaque académie d’une commission académique de l’emploi, composée de représentants des maîtres et des chefs d’établissement. Les représentants des maîtres disposent de neuf sièges répartis entre les organisations syndicales représentatives de droit ou dans la profession au niveau national et signataires de l’accord. 

Le syndicat SUNDEP solidaires a demandé à siéger dans la commission académique de Toulouse au titre de sa représentativité au niveau de l’académie de Toulouse. Cette demande lui ayant été refusé, le syndicat a saisi la juridiction prud’homale. 

L’affaire est arrivée devant la cour d’appel de Toulouse qui souligne que l’accord de 1987 n’est pas un accord collectif au sens du Code du travail. La cour d’appel ajoute que les commissions académiques de l’emploi n’ont pas été instituées par la loi mais par l’enseignement catholique, que ce ne sont pas des institutions représentatives du personnel (IRP) et n’ont pas vocation à être régies par le Code du travail. 

La cour d’appel a alors rejeté la demande du syndicat SUNDEP de siéger au sein de la commission académique de l’emploi au motif que cette commission n’a pas été instituée par accord collectif. 

Face à cette décision, le syndicat SUNDEP s’est pourvu en cassation. 

 

Un syndicat représentatif peut siéger dans une instance, même hors accord collectif

La chambre sociale de la Cour de cassation a une interprétation totalement opposée à celle de la cour d’appel. 

Elle souligne que les commissions académiques de l’emploi ont des prérogatives dans l’organisation du mouvement annuel du personnel. Selon la chambre sociale de la Cour de cassation, l’accord national de 1987, bien qu’il ne s’agisse pas d’un accord collectif, ne peut priver une organisation syndicale représentative au niveau de l’académie, de la possibilité de siéger dans la commission académique correspondante. 

Il semblerait que la chambre sociale de la Cour de cassation se soit posée la question de la constitutionnalité même du refus de siéger opposé au syndicat. 

En effet, elle a rendu sa décision au visa d’un seul article : l’article 8 du préambule de la constitution qui énonce que « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. » 

Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation retient qu’en refusant à un syndicat représentatif la possibilité de siéger dans une instance (même non instituée par accord collectif), la cour d’appel a eu une interprétation contraire à la Constitution. 

 

Le texte de l’arrêt

Retrouvez, ci-après, le texte de l’arrêt. 

Arrêt n° 110 du 18 janvier 2017 (15-20.549) – Cour de cassation – Chambre socialeDemandeur(s) : le syndicat Solidaires Syndicat unitaire démocratique des personnels de l’ enseignement et de la formation privés (SUNDEP) 

Défendeur(s) : le syndicat SNPEFP-CGT région Midi-Pyrénées, et autres 

Sur le moyen unique : 

Vu l’alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un accord national professionnel sur l’organisation de l’emploi des maîtres des établissements catholiques d’enseignement du second degré sous contrat d’association a été conclu le 12 mars 1987, et modifié la dernière fois le 12 novembre 2009, entre les chefs d’établissement, représentés par les organisations syndicales représentatives de la profession, les maîtres représentés par les organisations nationales représentatives de droit ou dans la profession et le secrétariat général de l’enseignement catholique ; qu’il précise les droits et obligations de chacun des acteurs pour l’organisation de l’emploi des maîtres de ces établissements, et vise notamment à mettre en oeuvre les priorités d’accès aux services vacants ; qu’il prévoit à cet effet la création dans chaque académie d’une commission académique de l’emploi, composée de représentants des maîtres et des chefs d’établissement, les représentants des maîtres disposant de neuf sièges, répartis entre les organisations syndicales représentatives de droit ou dans la profession au niveau national, et signataires de l’accord ; que, se prévalant de sa représentativité au niveau de l’académie de Toulouse, le syndicat SUNDEP solidaires a demandé à siéger dans la commission académique de l’emploi de Toulouse, ce qui lui a été refusé ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale à cet effet ; 

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que l’accord de 1987 n’a pas été signé entre l’Etat, employeur des maîtres, et les organisations syndicales de salariés, qu’il ne s’agit pas d’un accord collectif au sens du code du travail, que le principe d’égalité ne s’applique pas, qu’il résulte de l’article L. 442-5 du code de l’éducation que les dispositions du droit du travail ne s’appliquent qu’aux élections des délégués du personnel et aux élections au CHSCT et au comité d’entreprise, que les commissions administratives de l’emploi qui n’ont pas été mises en place par la loi mais ont été créées par l’enseignement catholique et lui sont propres, ne sont pas des institutions représentatives du personnel et n’ont pas vocation à être régies par le code du travail, et que le principe de concordance n’a pas lieu à s’appliquer ; 

Attendu cependant que, quelle que soit sa qualification, un accord national conclu entre les maîtres et les chefs d’établissement des établissements catholiques de l’enseignement du second degré qui institue, au niveau de chaque académie, des commissions disposant de prérogatives dans l’organisation du mouvement annuel du personnel, composées de représentants désignés par les organisations syndicales en fonction de leur représentativité, ne peut priver une organisation syndicale, représentative au niveau d’une académie, de la possibilité de siéger dans la commission académique correspondante ; 

Qu’en statuant comme elle a fait, alors qu’il résultait de ses constatations d’une part que les commissions académiques de l’emploi préparaient, au niveau de chaque académie, les projets de mouvements des maîtres, avant qu’ils soient soumis à la commission consultative mixte académique, d’autre part que le syndicat SUNDEP Solidaires était représentatif au niveau de l’académie de Toulouse, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; 

PAR CES MOTIFS : 

 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 avril 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ; 

 

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