Entrée dans sa dernière ligne droite, la négociation paritaire sur l’avenir des retraites – menée par le MEDEF et la CPME, côté patronal, et la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC, côté syndical – a connu hier un développement pour le moins spectaculaire.

Alors que, jusqu’à présent, les organisations syndicales de salariés faisaient du retour partiel sur le récent recul à 64 ans de l’âge de la retraite une revendication primordiale, elles l’ont finalement abandonné.
L’abandon syndical de la revendication du retour sur la retraite à 64 ans
C’est peu dire que les déclarations publiques formulées hier par les confédérations salariales toujours présentes autour de la table des négociations paritaires sur les retraites ont constitué une volte-face spectaculaire sur la question de l’âge de la retraite. Alors qu’elles n’avaient cessé de se montrer inflexibles sur la nécessité d’un retour, au moins partiel, sur le recul à 64 ans de l’âge de la retraite, introduit par la dernière réforme des retraites voulu par le Président de la République, elles ont, comme plusieurs titres de la presse nationale s’en font l’écho, brutalement changé d’avis sur ce point. “Même si on n’a rien sur l’âge, on est capable d’y aller”, a ainsi déclaré Christelle Thieffinne, pour la CFE-CGC, tandis que pour la CFDT, Yvan Ricordeau a appelé à prendre acte du refus patronal catégorique d’accepter un quelconque “bougé sur les 64 ans”. Ainsi la revendication syndicale d’une remise en cause de la principale mesure de la réforme de 2023 se trouvait-elle enterrée en quelques heures à peine.
Les syndicats sous pression maximale
A la décharge des syndicats, il faut bien reconnaître que ce n’est pas vraiment de la plus sereine des manières qui soit qu’ils ont abordé les dernières réunions, décisives, de la négociation paritaire sur les retraites – outre celle qui a eu lieu hier, une autre doit avoir lieu cet après-midi et une ultime séance est prévue pour mardi prochain, 17 juin. Au début de la semaine, en effet, les principaux enseignements du rapport annuel du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) ont fuité dans la presse : portant sur une dégradation continue et notable des comptes de la retraite, ils accréditaient l’idée de la nécessité de nouveaux reculs de l’âge de départ. Puis, et comme Yvan Ricordeau y a fait référence, dans la foulée de cette diffusion du COR au fort écho médiatique, le MEDEF a très clairement réaffirmé qu’il était, de son point de vue, hors de question de s’engager dans des échanges pouvant donner lieu à une remise en cause de la retraite à 64 ans. Les syndicats, autrement dit, se trouvaient mis sous une pression maximale.
Le choix syndical de la possibilité d’un compromis paritaire sur les retraites
Cette pression n’explique toutefois pas, à elle seule, le retournement de situation constaté hier. Malgré elle, les trois confédérations salariales représentées à la négociation auraient, certes, tout à fait pu rester fidèles à leur ligne originelle et continuer de revendiquer un retour sur les 64 ans. Elles auraient, de la sorte, privilégié la défense de ligne syndicale unitaire d’opposition à la dernière réforme des retraites. Ce choix se serait néanmoins opéré au prix d’une très probable mise en échec de la négociation paritaire. Or, cette mise en échec aurait posé la question de la légitimité des partenaires sociaux à s’exprimer sur la question des retraites. Elle aurait même tout à fait pu justifier, par la suite, une reprise en main étatique large et forte – impliquant, pourquoi pas, l’AGIRC-ARRCO – de l’ensemble de la politique des retraites. Cette éventualité explique sans doute, en partie, que les trois confédérations salariales ont fini par céder sur la question de l’âge de la retraite. Cette option était la seule qui puisse permettre l’esquisse d’un compromis paritaire sur les retraites.
La question des contreparties à la retraite à 64 ans
En concédant au patronat un maintien de la retraite à 64 ans dans un éventuel accord paritaire sur les retraites, les trois confédérations salariales considèrent d’ailleurs qu’elles sont en droit d’attendre des contreparties non négligeables à cet abandon revendicatif. C’est, très probablement, là, la troisième raison de leur changement frappant d’attitude. “Nous étions déjà exigeants. Donc là, on va l’être d’autant plus”, a par exemple affirmé la représentante de la CFE-CGC. Les syndicats pourraient être tentés d’obtenir des mesures en matière de prise en charge de la pénibilité, de compensation des inégalités de carrière entre les hommes et les femmes, voire d’assouplissement de l’âge – aujourd’hui fixé à 67 ans – de départ à la retraite à taux plein sans cumul du nombre nécessaire de trimestres de cotisation, ou même de rehaussement du niveau du financement des régimes.