L’UIMM n’aime pas la concurrence libre et parfaite et le fait savoir!
Hier, Mutex organisait un colloque sur la prévoyance, qui a donné l’occasion aux habitués de ce genre d’exercice de répéter leur litanie à la manière de ces vieilles bretonnes qui radotent sur le chemin du pardon. Jacques Barthélémy a réexpliqué que les désignations étaient un outil de solidarité, Philippe Pihet a redit que la concurrence faisait augmenter les prix et Dominique Libault est venu dire qu’il s’était contenté d’écrire ce que le gouvernement souhaitait lire.
Mais c’est étrangement l’intervention de Laurent Rabaté qui a surpris. Ce magistrat de la Cour des Comptes passé à l’UIMM, où il exerce les fonctions de directeur de la protection sociale, et accessoirement chef de file de la délégation MEDEF à la CNAV, s’est cru obligé de s’excuser chaque fois qu’il s’agissait de soutenir devant l’auditoire les bienfaits de la concurrence. Il a même prononcé cette phrase très significative: “A l’UIMM, nous ne sommes pas favorables à une concurrence éparpillée entre trop d’acteurs, nous sommes pour une concurrence entre quelques-uns seulement”.
C’est pour cette raison que l’UIMM a fait le choix de labelliser quelques acteurs dans le domaine om M. Rabaté sévit, celui de la protection sociale.
La concurrence comme jardin à la française
On retrouve bien dans cet aveu l’expression de la doctrine structurante de la technostructure française dont M. Rabaté et issu: celle du jardin à la française. La société française doit être ordonnée comme un jardin de Le Nôtre, et surtout pas comme un jardin anglais. La technostructure éprouve une horreur profonde, quasi-phobique, pour le foisonnement et la spontanéité naturelle. Il lui faut de l’ordre, de la géométrie, de la réflexion. Réordonnez-moi, dans la concurrence comme ailleurs (l’ailleurs étant la protection sociale, l’économie, la pensée, ou toute activité relevant de l’oeuvre collective), cet écheveau improbable qui s’offre à mes yeux!
Le marché oui! mais débarrassé de ces scories qui gênent l’oeil.
On se souvient ici que le Comité des Forges, à l’origine de l’UIMM, ne fut pas créé par Eugène Schneider en 1864 pour une autre raison: réguler la concurrence, plutôt que lui laisser son libre jeu.
Une position gênante pour le MEDEF
M. Rabaté a donc eu la bonne idée de dire tout haut les intentions que tout le monde prête au MEDEF en cachette: non, le MEDEF n’aime pas une concurrence trop forte, et non le MEDEF n’aime pas ces petits acteurs, toutes ces TPE, tous ces indépendants qui vulgaires, qui sont autant d’oiseaux sur le dos des éléphants du capitalisme français. On a enfin trouvé quelqu’un pour cet aveu: les grandes entreprises jugent que les entrepreneurs sont “éparpillés” et n’hésitent jamais à recourir à la réglementation pour les “ordonner” comme on verse de l’eau de Javel dans un bac à douche couvert de moisi.
Dans une période marquée par la concurrence féroce entre CGPME et MEDEF, cet aveu-là venait à point nommé et nous rappelle que M. Rabaté fut aussi conseiller régional du Centre dans la majorité de son président, Michel Sapin. On ne pouvait imaginer de propos plus finement politique que celui-là!
Les entrepreneurs doivent-ils financer le fonds paritaire?
Tous les acteurs “éparpillés” de cette concurrence n’ont qu’une question à se poser: doivent-ils encore abonder le fonds paritaire obligatoire qui sert à financer le MEDEF par une cotisation sur les salaires? Car on savait depuis longtemps que les adeptes du jardin à la française remplissent les couloirs du MEDEF avec le plus profond mépris pour ces prolétaires patronaux que sont les entrepreneurs. Mais pousser la provocation jusqu’à leur demander de nourrir les bouches qui les stigmatisent… c’est peut-être un peu trop.
Le recours devant le Conseil Constitutionnel rôde…