Quand la FNMF luttait contre la sécurité sociale

La célébration des 70 ans de la sécurité sociale donne libre cours à une réécriture en bonne et due forme de l’histoire française. François Hollande y a consciencieusement apporté sa pierre mardi… à la Mutualité française, en prononçant un discours où il a fait l’éloge de la “Carte Vitale à vie”. Comme il est d’usage, le Président a commencé son discours en affirmant que la mutualité est à l’origine de la sécurité sociale. L’occasion était trop belle pour ne pas rappeler quelques éléments d’histoire: la mutualité est évidemment une forme de protection sociale antagoniste à la sécurité sociale. 

Etat ou liberté mutualiste de choix, deux modèles ennemis

Le débat sur la forme française de protection sociale est ouvert dès la Révolution Française et l’interdiction des sociétés de secours mutuel par la loi Le Chapelier. On a trop souvent oublié que si, dès 1791, les corporations sont abolies au profit d’une législation d’Etat qui donnera naissance au Code du Travail, le principe assurantiel est aussi, à l’occasion, rattaché à l’Etat. Les mutuelles affinitaires sont alors suspectes et rigoureusement interdites.  

L’Etat-Providence contre la liberté de s’assurer: le débat est ancien! et va hanter tout le dix-neuvième siècle. C’est finalement Napoléon III qui tranche le débat par la loi du 26 mars 1852, dont le principe est assez simple: la mutuelle oui, le syndicat non! Durablement, le Second Empire bâtit un modèle social où la mutualité se construit à l’écart des organisations syndicales et où elle propose des couvertures assurantielles fondées sur la liberté d’adhésion. 

La mutualité et le modèle social de 1930

Contrairement aux fantasmes distillés par le prêt-à-penser officiel, la France d’avant 1945 est loin d’être le désert de la protection sociale que la sécurité sociale étatique arrache à l’obscurité. Les lois de 1928 et 1930 posent un principe simple: obligation de s’assurer en prévoyance, mais liberté de choix de l’assureur. Un long débat a précédé ce choix, tenu autour de la commission parlementaire Grinda qui, au début des années 20, se demande s’il faut étendre au territoire français ou non la sécurité sociale qui existe en Alsace-Moselle. 

A l’époque, le débat est tranché en toute connaissance de cause. Grinda plaide pour une sécurité sociale gouvernée paritairement, avec une conviction qui dominera en 1945: la gestion de la sécurité sociale est la meilleure façon de dissoudre le syndicalisme révolutionnaire. C’est en confiant des mandats de gestion aux syndicalistes les plus remuants que la conflictualité sociale diminuera. 

Le choix collectif de l’époque est de préserver la liberté de choix des salariés au risque de maintenir une forte conflictualité sociale. On l’a oublié, mais la France fut à une époque un pays attaché à la liberté individuelle! 

Grâce à ce choix, la mutualité connaît un développement rapide: elle maîtrise les métiers de la protection sociale et se pose donc aisément comme l’acteur majeur de la protection sociale libre dans les années 30. 

Quand la mutualité s’opposait à la Sécurité Sociale

Lorsque Pétain prend le pouvoir en 1940, son équipe, dont l’un des collaborateurs s’appelle Pierre Laroque (qui conseille le ministre du Travail jusqu’en décembre 1940), plaide pour la mise en place d’une sécurité sociale étatique. Pour la FNMF, ce projet est une catastrophe, puisqu’il risque de ruiner les efforts de commercialisation et de développement déployés avant la Guerre. Avec l’aide la Caisse des Dépôts et Consignations, qui gèrent les fonds de la retraite par capitalisation mise en place en 1930, la FNMF va se livrer à un important jeu d’influence pour que Vichy renonce au projet de sécurité sociale qui sera finalement mis en oeuvre en 1945.  

Si Vichy cède finalement aux sirènes de la mutualité, c’est par ralliement à un argument de fond: une sécurité sociale universelle, obligatoire, sans liberté de choix de l’assureur prépare la société française à une logique collectiviste dangereuse. Vichy limitera finalement son oeuvre à la mise en place de l’assurance vieillesse des travailleurs salariés, que la Libération reprend intacte en 1944 sous le nom de CNAVTS.  

Ce n’est qu’en 1945 que la FNMF se rallie au principe de la sécurité sociale. A cette époque, l’assurance maladie ne rembourse que 40% des frais de santé… 

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