Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (PLFSS 2024) est publié depuis hier et a déjà fait l’objet de nombreux commentaires. Outre le fait qu’il ne propose pas (encore) beaucoup de mesures qui citent directement les organismes complémentaires d’assurance maladie (Ocam), on remarque que le budget de la sécurité sociale devrait encore creuser son déficit pendant les 4 prochaines années. Les prévisions sont pourtant jugées optimistes par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Ce n’est plus un secret, la dette des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait se creuser sans discontinuer pendant les 4 prochaines années malgré le solde positif du FSV. Ce dernier restera à +0,8 Md€ en 2024 et 2025 avant d’atteindre +1,6 Md€ en 2026 et +2,8 Md€ en 2027. Le solde global de la sécurité sociale se portera malgré cela à -11,2 Md€ en 2024 pour tomber à 17,5 Md€ en 2027. Ces prévisions plutôt négatives du PLFSS 2024 sont présentées alors même que les éléments macroéconomiques retenus par le gouvernement sont jugés optimistes et fragiles par le HCFP. Il faudra donc s’attendre à la correction désormais habituelle des trajectoires prévues lors de futures lois rectificatives.
Ce manque relatif de maîtrise des finances publiques n’empêche pas le déploiement de nombreuses mesures qu’il est important de connaître avant les débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Débats qui se clôtureront vraisemblablement par des 49.3.
Une situation financière optimiste et néanmoins dégradée dans le PLFSS 2024
Pour établir le PLFSS 2024, le gouvernement s’appuie sur plusieurs hypothèses de recettes fiscales et de dépenses macroéconomiques qui le conduisent à prévoir une croissance du PIB de 1,4% en 2024 (après une prévision de 1% en 2023). Le projet de loi se base aussi sur une inflation annuelle (hors tabac) qui retomberait à 2,5% en 2024 après une prévision de 4,8% en 2023. De son côté, l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) augmenterait de 3,2% (hors crise) pour atteindre 254,7 Md€ contre 246,7 Md€ en 2023. Cette revalorisation de l’Ondam en 2024 est déjà supérieure à ce que le gouvernement vient de faire inscrire dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Si l’on inclut les dépenses de la crise sanitaire, l’Ondam atteindra au moins 254,9 Md€ en 2024, en hausse de 2,9% par rapport à 2023.
Le gouvernement explique parvenir à limiter la hausse prévisible de l’Ondam hors crise sanitaire à 3,2% grâce à des “mesures d’économies, portant à la fois sur les soins de ville, les produits de santé et les établissements sanitaires et médico‑sociaux, d’un montant total de 3,5 milliards d’euros, auxquelles s’ajoutent les actions de maîtrise médicalisée et de lutte contre la fraude déjà intégrées au tendanciel“.
Une vision optimiste qui laisse des doutes au HCFP
Dans son avis, le HCFP ne cache pas ses doutes (ce ne serait pas la première fois) quant à la faible probabilité que les prévisions du PLFSS se réalisent. En effet, il indique que la prévision de croissance du PIB en 2024 “est supérieure à l’ensemble des prévisions disponibles” et “se situe dans la fourchette haute des prévisions” des différents instituts auditionnés. En clair, le gouvernement risque fort d’être rattrapé par son optimisme et la croissance du PIB sera probablement plus faible que les 1,4% attendus. La prévision d’inflation à 2,6% en 2024 est toutefois indiquée comme plausible par le HCFP, à ceci près que l’évolution du prix du pétrole pourrait finalement la pousser davantage.
Par ailleurs, le HCFP estime que la prévision de croissance de l’Ondam de 3,2% est optimiste du fait de la quantité d’économies nécessaire qui “paraît plus difficile à réaliser dans un contexte de tensions, notamment dans le secteur hospitalier et sur l’offre de médicaments“. En effet, pour limiter la hausse de l’Ondam, les dépenses liées aux soins de ville devront nettement ralentir et les économies de 3,5 Md€ attendues devront être vérifiées en pratique.
Les premières mesures du PLFSS 2024 à avoir à l’œil
Le PLFSS 2024 (disponible en intégralité en fin d’article) contient plusieurs modifications qui évolueront probablement lors des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat. Notons d’emblée que la question de la hausse des franchises médicales en pharmacie ou chez le médecin mise en avant par le gouvernement ces dernières semaines ne figure pas dans le texte et devrait probablement être intégrée par des amendements.
Parmi elles, on trouve à l’article 19 la prise en charge désormais systématique par l’assurance maladie des protections périodiques réutilisables pour les assurées de moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS). Le remboursement du ticket modérateur par les Ocam (hors CSS) sur cette prestation nouvelle est, pour le moment, exclue du cadre des contrats responsables et solidaires (voir point n° 17 de l’article 19 du PLFSS 2024). Cela pourra évidemment changer dans les semaines à venir.
Le bénéfice de la CSS devrait aussi être facilité par la mise en œuvre de l’article 21 du projet de loi. Celui-ci devrait permettre de simplifier l’attribution de la CSS aux bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé (AAH), de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l’allocation du contrat d’engagement jeune (CEJ).
Une autre mesure mérite le détour avec le déploiement poussé du transport sanitaire partagé afin de faire des économies (34 M€ d’économies en 2022 selon le gouvernement). Désormais, l’article 30 du PLFSS 2024 prévoit que si un assuré refuse de prendre un transport sanitaire partagé malgré la disponibilité d’une offre, alors son transport sanitaire “particulier”, plus cher, sera pris en charge au niveau du tarif du transport partagé.
On remarque aussi l’arrivée de la possibilité pour les pharmaciens de réaliser des tests pour orienter, voire traiter, les patients. C’est l’article 25 du PLFSS 2024 qui pose dette nouvelle faculté qui ne vaudra que pour les cas d’angine et de cystite aiguë et qui sera strictement encadrée. Il ne fait aucun doute que cette prestation devra être prise en charge en partie par les Ocam.
Le PLFSS 2024 vise aussi à réduire drastiquement le nombre d’arrêts de travail en systématisant les contrôles des médecins prescripteurs. L’article 27 du projet de loi supprime ni plus ni moins l’avis préalable de la commission des pénalités financières avant une mise sous objectif ou une mise sous accord préalable (MSO / MSAP) d’un médecin. Par ailleurs, le versement des indemnités journalières pourra être suspendu dès le rapport du médecin contrôleur envoyé par un employeur si le rapport conclut au caractère injustifié de l’arrêt. L’article 28 du projet de loi porte aussi sur les arrêts de travail en limitant les possibilités de prescription lors d’une téléconsultation.
Enfin, une mesure de l’ANI AT-MP du 15 mai 2023 est transposée dans la loi à l’article 39 du PLFSS 2024. Bien que minime, la modification apportée par la loi garantit une indemnisation des préjudices économique et extra-professionnel de la victime.