Mais que cachent les comptes invérifiables de la sécurité sociale ?

La Cour des Comptes vient d’annoncer qu’elle ne pouvait ni ne voulait certifier les comptes de la sécurité sociale, compte tenu des désordres qui règnent dans ceux-ci. Cette non-certification concerne aussi la sécurité sociale des indépendants créée en 2018 pour succéder au RSI. Cette décision “générale” illustre parfaitement le naufrage des comptes publics aujourd’hui, bousculés par la crise et par les mesures d’urgence que le gouvernement a dû prendre pour résister au tsunami du confinement. Dans la pratique, personne ne sait si les 38 milliards officiels de déficit public sont le reflet de la réalité. Le déficit pourrait être largement supérieur à ce montant, mais personne n’est capable de le vérifier.

Le rapport de non-certification des comptes de la sécurité sociale rendu par la Cour des Comptes vaut son pesant de cacahuètes. Pour la Cour, en effet, les anomalies de gestion sont si importantes, dans l’ensemble des branches, qu’il est impossible de savoir si les comptes affichés sont ou non sincères. L’aveu souligne dans quelle mauvaise passe les administrations publiques se trouvent désormais, après plusieurs mois de mesures d’urgence parfois totalement improvisées. 

Toutes les branches sont concernées par ce désastre. 

Non-certification de l’URSSAF

Première non-certification, celle de l’URSSAF, en grande partie à cause de l’improvisation du gouvernement sur les comptes des indépendants. 

Des incertitudes majeures et des désaccords affectent les comptes : risque d’insuffisance significative des produits de prélèvements sociaux des travailleurs indépendants ; manque de justification des dépréciations des créances sur les cotisants qui se sont constituées en 2020 ; absence d’exhaustivité des montants comptabilisés d’exonérations et d’aides au paiement en faveur des entreprises affectées par des mesures de fermeture administrative.

Traduction : il a fallu improviser pour appliquer les « aides » aux indépendants, notamment des réductions de cotisations selon des règles que personne n’a réellement pris le temps d’étudier. Ces choix en urgence expliquent que le régime, qui était excédentaire en 2019, est devenu déficitaire en 2020. 

2 milliards de remboursement maladie en trop

Autre non-certification : celle de la branche maladie et accidents du travail, où les calculs de prestation sont régulièrement erronés.

Le dispositif de contrôle interne présente des faiblesses structurelles portant notamment sur la justification des droits aux prestations d’assurance maladie et le paiement à bon droit des frais de santé et des indemnités journalières. En 2020, ces faiblesses se sont accentuées.
Le montant estimé des erreurs affectant les règlements de frais de santé atteint 1,9 Md€ (2,4 % de leur montant), essentiellement au détriment de l’assurance maladie.
Plusieurs risques financiers ne sont toutefois pas mesurés (assurés en surnombre, erreurs de facturation des établissements de santé publics et privés non lucratifs, fraudes).

Autrement dit, un assuré sur 50 fait l’objet d’une erreur de calcul. Mais il est possible que la fraude soir très supérieure à ce montant.

10% des prestations de la CAF sont erronées

Les comptes de la CAF sont probablement les plus inquiétants. C’est dans la branche famille que les erreurs de prestation sont les plus coûteuses et les plus répandues. 

Les erreurs liées aux données déclarées par les allocataires prises en compte pour attribuer les prestations ont de nouveau augmenté et atteint 7 Md€ pour 2020 (9,4 % des prestations). Elles équivalent à près d’un quart des sommes versées pour la prime d’activité et d’un cinquième pour le RSA. Le montant des erreurs définitives, principalement en faveur des allocataires, faute d’avoir été détectées par les CAF, n’est pas encore connu à ce stade mais pourrait s’accroître.
Pour leur part, les erreurs liées aux opérations internes effectuées par les CAF ont continué à s’inscrire à un niveau élevé (1 Md€, soit 1,4 % du montant des prestations).

Le coût global des erreurs (compte non tenu de la fraude) aux prestations famille s’élève donc au moins à 8 milliards €…

15% d’erreurs dans le calcul des retraites

La branche vieillesse fait, elle aussi, l’objet d’un constat accablant. Les erreurs dans le calcul des prestations y sont très nombreuses. 

En 2020, 1 prestation de retraite sur 6 attribuée en 2020 à d’anciens salariés est affectée d’une erreur financière (contre 1 sur 9 en 2016) et l’impact de ces erreurs atteint 1,9 % du montant des prestations nouvelles (contre 0,9 %). On peut anticiper que les erreurs affectant les retraites attribuées en 2020 auront un impact cumulatif de 1,6 Md€ jusqu’au décès des pensionnés.

2% des retraites seraient donc versés injustement !

La sécurité sociale, un modèle dépassé

La Cour note une flambée des erreurs en 2020, explicable par la faible agilité du système quasi-soviétique de protection sociale à la française. Avec ses trop nombreuses et trop complexes règles, ce système ne parvient plus à s’adapter à l’évolution de la société. 

Voilà autant d’arguments qui plaident en faveur de son grand remplacement par un revenu universel qui laisserait chacun libre de souscrire aux contrats privés d’assurance de son choix. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Découvrez nos analyses et capsules vidéos
Lancer la vidéo

PLFSS 2026 : rejet du socle solidaire et responsable par la ministre Amélie de Montchalin

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #1 : le régime santé de la CCN Syntec

Lancer la vidéo

Webinaire Tripalio #2 : Le point sur les catégories objectives dans les CCN

Lancer la vidéo

Le pouls des CCN #5 : l'actualité des CCN Syntec, chimie, sécurité sociale

Vous pourriez aussi aimer
plfss
Lire plus

PLFSS 2026 : allô, allô, quelles nouvelles ?

C'est aujourd'hui que l'Assemblée Nationale doit se prononcer sur la partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 consacrée aux recettes - soit : sa seule partie demeurant digne d'intérêt, la partie sur les dépenses ayant été vidée de sa substance. ...
Lire plus

La double authentification arrive sur Tripalio le 5 janvier 2026 pour une sécurité renforcée

Pour protéger les données et sécuriser l'accès de tous nos utilisateurs à nos informations stratégiques, à notre base de données CCN et à nos outils de conformité juridique, nous faisons évoluer la connexion au site Tripalio à partir du 5 janvier 2026. Dès le début de l'année 2026, un mécanisme simple de double authentification par mail vous permettra de vous connecter à Tripalio. ...

Avis d’extension d’un avenant dans la CCN des remontées mécaniques et domaines skiables

Le ministre du travail et des solidarités envisage d’étendre, par avis publié le 5 décembre 2025, les dispositions de l'avenant du 26 novembre 2025 à l'accord du 27 octobre 2025 relatif à la mise en place d'un dispositif d'activité partielle de longue durée rebond - APLD-R, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des remontées mécaniques et domaines skiables du 15 mai 1968 (...

Avis d’extension d’un avenant dans la CCN des fleuristes, de la vente et des services des animaux familiers

Le ministre du travail et des solidarités envisage d’étendre, par avis publié le 5 décembre 2025, les dispositions de l'avenant n° 2 du 24 octobre 2025 à l'accord du 13 juin 2022 relatif aux frais de santé, conclu dans le cadre de la convention collective nationale des fleuristes, de la vente et des services des animaux familiers du 29 septembre 2020 (...

Avis d’extension d’un accord dans la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie

Le ministre du travail et des solidarités envisage d’étendre, par avis publié le 5 décembre 2025, les dispositions de l'accord du 20 octobre 2025 relatif aux classifications professionnelles, conclu dans la convention collective nationale de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997 (...