La loi santé est examinée depuis hier en commission des affaires sociales avant d’être présentée dans l’hémicycle le 31 mars 2015. Près de 1000 amendements ont déjà été déposés et au moins 64 d’entre eux ont été adoptés (contre plus de 150 retirés, tombés, ou rejetés). Ce projet de loi a pour objectif de redéfinir la politique de santé : vaste programme. Le texte est donc relativement large concernant les domaines auxquels il touche. Ainsi, plusieurs acteurs disposent d’intérêts relativement différents, et ils le font savoir.
Les professions médicales opposées au tiers-payant généralisé
Au premier plan se trouvent les professions médicales. Depuis l’annonce du projet et de la généralisation du tiers-payant, les acteurs du secteur médical se mobilisent pour contrer cette mesure.
La CSMF (confédération des syndicats médicaux français) a d’ailleurs décidé, la veille de la grande manifestation du 15 mars 2015, de quitter les groupe de travail au Ministère de la santé.
Cette mobilisation généralisée ne fait pas trembler la ministre Marisol Touraine qui a d’ailleurs lancé l’examen du texte en procédure accélérée le 16 mars 2015. L’un des portes-parole des députés socialistes, Hugues Fourage a, dans le même temps, déclaré que les médecins défendent “une vision corporatiste et conservatrice“. Voilà de quoi apaiser les débats.
Du côté des mécontents du secteur médical se trouvent également les professionnels qui exercent en milieu hospitalier public : les réductions de budget qui se profilent ne sont pas pour les rassurer. Ils craignent que leurs conditions d’exercice ne s’en retrouvent encore plus dégradées et soupçonnent le démantèlement progressif du Service public hospitalier. Ce à quoi rétorque la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) : “à l’heure de déficits publics abyssaux, un service public qui ne rend pas le meilleur service au meilleur coût ne rend pas service au public“.
Les entreprises de tabac en plein lobbying
Le projet de loi santé comprend désormais une partie relative à la neutralité des paquets de cigarettes. C’est un amendement déposé par le Gouvernement (l’amendement AS 1408) qui crée un article précisant que “les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. Un décret en Conseil d’État fixe leurs conditions de neutralité et d’uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d’inscription des marques et dénominations commerciales sur ces supports“. L’article prévoit une entrée en vigueur pour le 20 mai 2016.
Comme le précise cet article paru dans le journal Le Monde, plusieurs grands groupes du secteur du tabac ont lancé une croisade contre l’amendement. Ils considèrent que cela va notamment favoriser le développement du marché parallèle (car les paquets seront plus faciles à reproduire) et pensent même intenter des actions en justice.
Des progrès salués et des limites reconnues
Plusieurs voix s’élèvent pour constater que le projet de loi santé permet des avancées notoires.
Fabrice Molliex, chargé des relations institutionnelles pour le Secours Catholique estime que la généralisation du tiers-payant est le point principal du projet de loi. Cette généralisation permettra aux personnes qui se situent juste au dessus du seuil permettant de bénéficier de la CMU-C ou de l’AME de se soigner sans avancer de frais.
De son côté, Stéphane Junique, vice-président de la Mutualité Française, soutient la volonté du texte d’agir par la prévention et l’éducation thérapeutique. Il considère également que la généralisation du tiers-payant est positive et salue les mesures relatives au service territorial de santé au public (article 12 du projet de loi).
Toutefois, ces louanges ne vont pas sans critiques : M. Molliex pense que le projet ne va pas assez loin dans la facilitation de l’accès aux soins, il déplore aussi qu’aucune mesure ne fasse référence à la nutrition qui a pourtant un impact sur la santé. M. Junique soutient quant à lui que le projet pourrait aller plus loin dans plusieurs domaines, notamment concernant l’ouverture des données de santé : il prône une réécriture de l’article 47 du projet de loi pour confier la direction du nouveau système national des données de santé (SDNS) à un organisme indépendant et non à la CNAM qui est elle-même productrice de données de santé.