Le paritarisme face à l’étatisation des relations sociales : le cas du régime des intermittents du spectacle

Les dernières évolutions du dossier du régime chômage des intermittents du spectacle rappellent curieusement celles des régimes de retraite complémentaire. Ces similitudes témoignent de la volonté des pouvoirs publics de reprendre en main les relations sociales et les institutions paritaires. 

Expansions étatiques en territoires conventionnels 

L’adoption par les partenaires sociaux, puis la mise en oeuvre, de la dernière convention Unédic s’étaient accompagnées de vives protestations du côté des intermittents du spectacle. Des menaces planaient sur les représentations artistiques estivales et des annulations avaient effectivement eu lieu par la suite. 

Afin de calmer les esprits, et dans le même temps qu’il donnait son feu vert à la convention Unédic, le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé que le nouveau délai de carence prévu par cette convention ne s’appliquerait pas dans les faits, l’Etat prenant en charge le surcoût lié au maintien de l’ancien système. De plus, il avait créé une mission de concertation confiée à un député, une personnalité du monde de la culture et un haut fonctionnaire. Autrement dit, à peine appliquée, la convention Unédic voyait sa légitimité questionnée par l’Etat. 

Les conclusions que les trois experts ont rendues au Premier ministre le mercredi 7 janvier confirment que les responsables publics sont tentés d’intervenir franchement dans la gestion du régime des intermittents. Entre autres propositions, le rapport veut en effet maintenir le dispositif dans le giron conventionnel interprofessionnel tout en inscrivant “le principe du régime spécifique dans la loi pour écarter toute menace de sa disparition”. Les pouvoirs publics marquent ainsi une certaine défiance à l’égard de la majorité de gestion de l’Unédic. 

Plus encore, en se prononçant implicitement pour un retour aux 507 heures sur 12 mois, la mission de conciliation s’attaque frontalement à la CFDT et au MEDEF. D’une part parce que ces derniers refusent de revenir à la situation d’avant 2003. D’autre part, et surtout, parce qu’ils estiment que le choix de ce paramètre ne regarde que les partenaires sociaux. 

Désordres paritaires 

La CFDT a aussitôt dénoncé, sur la forme et sur le fond, ces interventions étatiques dans l’un des sanctuaires du partenariat social. La CGT en revanche n’a pas encore réagi mais, selon toute logique, elle ne devrait guère critiquer la volonté de l’Etat de ménager le régime des intermittents. 

La Porte de Montreuil était très défavorable à la convention de mars 2014 et a pris une part active aux mouvements de protestation estivaux. Elle a par ailleurs intenté plusieurs actions en justice afin d’invalider l’accord Unédic, sans succès. Depuis le début, la CGT joue donc contre le principe de la régulation paritaire du régime des intermittents en tentant d’obliger l’Etat à intervenir sur la question. Dans ce domaine, sa réussite est totale. 

En d’autres termes, c’est bien le désordre dans les relations paritaires qui nourrit les prétentions des pouvoirs publics au contrôle grandissant des politiques sociales conventionnelles. De surcroît, la situation financière peu réjouissante des régimes sociaux gérés par les partenaires sociaux – et celui des intermittents est à cet égard un parfait exemple – peut conduire les responsables syndicaux ou patronaux à juger préférable de s’en désengager, au profit de l’Etat. 

La réaction des organisations patronales au rapport des trois experts sera d’ailleurs instructive. Il y a fort à parier qu’elles émettront des critiques semblables à celles de la CFDT, en réaffirmant en même temps leur proposition de créer une caisse autonome pour les intermittents. Cette dernière revendication n’est rien d’autre qu’une manière comme une autre de se débarasser du problème et de le transférer à l’Etat. 

 

 

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