La SNCF bientôt tuée par sa protection sociale…

La SNCF ne survivra pas à l’ouverture de la concurrence… à cause du coût exorbitant de son régime spécial. Pour comprendre ce dossier aride, rien ne vaut une petite traversée statistique à travers les méandres du dossier. 

Quelques chiffres-clés

Pour bien comprendre le problème de la SNCF, il faut avoir en tête les chiffres-clés du groupe: 

Source: SNCF

Certains n’avaient peut-être pas compris que la SNCF a un chiffre d’affaires légèrement supérieur à 30 milliards€, mais dont un tiers est réalisé à l’étranger. Autrement dit, le chiffre d’affaires de la SNCF en France est de 20 milliards€, pour 5 millions de voyageurs par jour dans les trains. 

Combien coûte la retraite des cheminots?

Maintenant, comparons cette situation financière brillante au compte de charges du régime de retraites de la SNCF: 

Source: CPRPSNCF

Les retraites de l’entreprise ferroviaire coûtent chaque année 7,5 milliards d’euros, soit environ 35% du chiffre d’affaires réalisé en France. Cela ne signifie pas que ces retraites sont financées par la SNCF directement. Cela signifie seulement que la charge globale des cheminots en France constitue un poids immense à supporter, qui mérite d’être mûrement réfléchi par la collectivité. 

Voici maintenant comment cette dépense est financée: 

Source: CPRPSNCF

Sans entrer dans des détails excessifs, on notera ici que la SNCF verse chaque année 2 milliards d’euros pour la retraite de ses collaborateurs, soit 10% de son chiffre d’affaires. Autrement dit, lorsque la SNCF facture un billet à 100 euros, 10 euros tombent directement dans la poche de retraités qui ne paient même pas leur billet de train! 

Comme cette somme est très insuffisante pour équilibrer les 5,3 milliards de retraite versés chaque année aux anciens cheminots, la SNCF appelle… les contribuables à la rescousse. Ceux-ci versent donc une contribution publique d’équilibre de 3,3 milliards d’euros. 

Autrement dit, quand la SNCF facture 100 euros à un client (soit le prix d’un Paris-Lyon aller-simple en 2è classe), 10 euros vont dans la poche des retraités, et la SNCF s’abstient de dire que 15 euros d’impôts sont rajoutés en toute discrétion pour financer les mêmes retraités. C’est pourtant la réalité: les salariés qui subissent les grèves répétées de la SNCF paient presque deux fois plus les retraites de la SNCF que l’entreprise elle-même. 

Comment les cheminots rackettent les contribuables

Lorsque Nicolas Sarkozy avait entrepris de réformer le régime spécial de la SNCF, il avait renoncé à toucher à certains avantages dont bénéficient les cheminots, notamment la faculté de partir de façon anticipée à la retraite. Dans la pratique, ces avantages sont si coûteux qu’ils sont essentiellement financés par les contribuables qui n’ont pas droit aux mêmes avantages. 

Dans le grand arbitrage obtenu en 2008, les cheminots ont en effet le privilège d’acquitter une cotisation retraite équivalente à celle des salariés du secteur privé (8,20%), qui devrait culminer à 11,95% en 2026, pour un système de retraite plus favorable que celui du public, et beaucoup plus favorable que celui du privé. 

Selon un étude interne, 30% de la subvention d’équilibre payée par le contribuable sont absorbés dans le financement de ces avantages spécifiques. 

Ce qu’ignorent les contribuables qui s’entassent sur les quais de gare le jour où les syndicats de la SNCF sont en grève, c’est précisément cela: les cheminots prennent les clients en otage d’un combat dont l’objectif est de continuer indéfiniment à racketter le client et à le faire payer pour des avantages spécifiques financés au-delà du prix du billet de train. Les efforts pour les uns, les avantages pour les autres. 

On comprend mieux, rétrospectivement, pourquoi la CGT a toujours applaudi des deux mains à la création d’un régime général de sécurité sociale pour les blaireaux qui prennent le train, mais a toujours refusé d’y fondre ceux qui les conduisent. 

Comment la protection sociale va tuer la SNCF

Le problème de cette petite magouille (totalement légale) tient à son coût si exorbitant que la SNCF ne peut plus le supporter. 

En effet, les cheminots ont obtenu un taux de cotisation salariale très modéré, en revanche l’entreprise paie plein pot, avec un taux de près de 40% sur la masse salariale. D’où le versement d’une somme proche de 2 milliards d’euros chaque année. 

Dans la perspective d’une ouverture du rail à la concurrence, cette somme écrase la compétitivité de l’entreprise et constitue une aubaine pour les compagnies étrangères concurrentes qui ne sont pas plombées par une couverture sociale aussi délirante, mal gérée, et populiste que les retraites de la SNCF. À brève échéance, la concurrence sur le rail devrait donc mettre la SNCF et ses cheminots si revendicatifs dans une position extrêmement compliquée. 

Une tentation serait… de faire payer encore plus le contribuable. Mais cette option soulève une difficulté dans la mesure la réglementation européenne interdit ce genre d’aide d’Etat. Bref, sans un traitement social de choc, la France perdra, dans les dix ans, son opérateur national de chemin de fer. 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

C2S : les règles de non-activité et de ressources sont révisées

Un décret du 28 juin 2025, publié au Journal officiel du 29 juin, vient préciser les modalités d’application de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale concernant l’accès à la complémentaire santé solidaire (C2S). Le texte modifie plusieurs articles du code de la sécurité sociale (CSS). Le décret introduit un nouvel article...

CNSA : les règles de composition et de fonctionnement du conseil sont modifiées

Un décret du 28 juin 2025, publié au Journal officiel du 29 juin, modifie plusieurs articles du code de la sécurité sociale (CSS) afin d’ajuster la composition et le fonctionnement du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le texte vise à synchroniser les mandats, harmoniser les règles de délibération et prévenir les conflits d’intérêts, dans la perspective du renouvellement partiel du conseil prévu au 1er février 2026. Le décret...

Dotation 2025 des CESP : plus de 39  M€ alloués par l’assurance maladie

Deux arrêtés publiés au Journal officiel du 29 juin 2025 précisent les dotations des régimes obligatoires d’assurance maladie consacrées aux contrats d’engagement de service public (CESP) pour l’année 2025. Un premier arrêté daté du 26 juin 2025 fixe la dotation versée au Centre national de gestion (CNG). Ainsi, la part de dotation destinée spécifiquement au financement des CESP s’élève à 29 404 800 euros pour l’année 2025. ...

Un nouveau représentant des départements entre au conseil de la CNSA

Un arrêté publié au Journal officiel du 28 juin, modifie la composition du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Maël de Calan est nommé membre titulaire du conseil au titre des représentants des conseils départementaux. Il a été désigné par l’Association des départements de France (ADF). Il remplace à ce poste Stéphane Haussoulier. ...

Le nouveau modèle papier de l’arrêt de travail est maintenant obligatoire

Pour lutter contre les arrêts de travail frauduleux un décret généralise l'obligation d'utiliser le nouveau formulaire papier lorsque l'arrêt n'est pas déclaré en ligne. Le décret paru au Journal officiel du 29 juin 2025 précise que l'assuré placé en arrêt de travail (ou dont l'arrêt est prolongé) qui veut envoyer son justificatif au format papier doit désormais transmettre la version originale signée d'un formulaire spécifique. Ce nouveau formulaire est...