Un neurochirurgien du CHRU de Tours a été reconnu coupable d’avoir eu un comportement inapproprié envers une patiente après lui avoir fait un toucher rectal sans consentement et lui avoir envoyé des messages à caractère sexuels. Pour autant, le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins ne relève « aucune faute déontologique.«
Alors que le débat sur l’autorisation ou non des relations entre patient et médecin s’est apaisé jusqu’à sortir de la sphère médiatique, voilà qui pourrait durablement le relancer.
Une femme raconte avoir subi plusieurs violences de la part d’un neurochirurgien du CHRU de Tours. Et si les faits ont bien été avérés par le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins (CDOM), le praticien s’en est sorti à bon compte puisqu’aucune « faute déontologique » n’a été relevée.
Attouchements, sms à caractère sexuels, photos pornos
Comme le rapportent nos confrères d’Egora.fr, les faits remontent à septembre 2016. A cette époque, madame C.A. consulte un neurochirurgien à la suite d’un accident médical. Lors d’une consultation, le praticien lui pratique un toucher rectal sans l’en avoir informé préalablement et sans avoir recueilli son consentement.
A la suite de cet entretien, le praticien envoie à sa patiente des messages de plus en plus connotés et inappropriés. « Je me caresse en pensant à toi » ; « Une bonne levrette tu aimes ? » Il finira par lui envoyer des photos de lui nu, allongé sur sa table d’auscultation, le sexe en érection.
Pas de faute déontologique pour le CDOM
Mme C.A. alerte le CDOM dans les semaines qui suivent en joignant à ses mails des copies des sms et des photos envoyées par le praticien. Après avoir reçu le médecin pour des explications, le Conseil Départemental rend, le 23 mars 2017, un verdict surprenant : « nous ne relevons pas de faute déontologique de la part de notre confrère concernant le déroulement de votre expertise. »
La patiente se tourne alors vers l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail qui l’incite à formuler une nouvelle plainte auprès du Conseil de l’Ordre des médecins. Entendue par le Conseil, Mme C.A. dément l’idée d’une relation entre adultes consentants.
La plainte est cette fois transmise à la chambre disciplinaire de première instance. Aucune date d’audience n’a encore été fixée. D’après le conseil régional de l’ordre des médecins, il s’agit de la première citation à comparaître faite au médecin concerné. S’il est cette fois reconnu coupable, il risque jusqu’à la radiation. Une plainte au pénal a aussi été formulée.
Interdire ou non toute conduite sexuelle entre médecin et patient ?
Cette affaire vient relancer le débat sur les relations entre médecin et patient qui agitait la sphère médiatique il y a encore quelques mois. En mars dernier, un collectif de médecin avait lancé une pétition pour inscrire l’interdit sexuel dans le code de déontologie des médecins. Une requête qui n’avait jamais vu le jour.
Comme l’explique Le Monde, « en 2016, trente-cinq sanctions – dont six radiations – ont été prononcées par les chambres disciplinaires de première instance pour des manquements déontologiques liés à des actes à connotation sexuelle. Au niveau de la chambre disciplinaire nationale, qui traite les appels, quinze sanctions ont été prononcées en 2016 pour ce motif, dont quatre radiations.«
Plusieurs plaignants dénoncent d’ailleurs la phase de conciliation entre médecin et patient qui aboutit souvent au retrait de la plainte du fait d’un certain « corporatisme » entre praticiens.
Seulement, est-il possible de purement et simplement interdire toute relation entre médecin et patient ? La question semble ne pas être si simple à trancher. D’abord parce que l’Ordre estime qu’intégrer une loi en ce sens viendrait à « s’introduire dans la vie privée de personnes libres et consentantes« . Et qu’il est difficile de prouver si le praticien a usé de sa situation pour obtenir des faveurs.
De même, il existe aussi des cas hors de France qui viennent avérer le fait qu’une relation « normale » entre adultes consentants est possible, même s’il s’agit au départ, d’une relation médecin-patient. Au Québec, le Dr Munier, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, rappelait que « quand on a affaire à deux adultes consentants, que l’asymétrie n’apparaît pas entre le médecin et son patient et que ce dernier ne présente pas de vulnérabilité particulière, on ne voit pas pourquoi il y aurait interdiction. »