La dernière ligne droite de la loi santé à l’Assemblée nationale

C’est le vendredi 27 novembre 2015 que les députés ont terminé l’examen de la loi santé. Alors que les députés n’avaient examiné que les premiers articles du textes, ils ont débattu de 15h à 2h du matin pour arriver au bout du projet de loi. L’occasion pour le Gouvernement de rétablir le projet de loi tel qu’il était avant son passage au Sénat. Voici les principales informations qu’il faut retenir de ces derniers débats alors que le texte doit être voté aujourd’hui à l’Assemblée nationale. 

 

Interdiction du vapotage dans plusieurs lieux définis

Le vapotage est désormais interdit dans certains lieux d’après l’article 5 undecies de la loi : mais les députés, par la voix de M. Lurton ou de M. Richard, ont supprimé l’obligation de prévoir des lieux réservés au vapotage notamment dans les entreprises. 

 

Les salles de “shoot” seront bien expérimentées

L’article 8 du projet de loi santé détaille la politique de réduction des risques de l’Etat à destination des usagers de drogue. M. Goujon s’oppose, ainsi que son groupe, à cet article en ce qu’il lève “le tabou de l’interdiction d’injection de drogue par voie intraveineuse pour exempter les personnels de toute poursuite pénale”. L’article 9 met en place l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque dans certaines grandes villes. Le même M. Goujon ne manque pas de renouveler son opposition et rappelle “que le budget annuel d’une seule de ces salles permettrait d’ouvrir quinze lits en addictologie ou de financer le fonctionnement de communautés thérapeutiques à la française”. Il appelle à la suppression de l’article qui, s’il était adopté, serait “un désastre sanitaire et sécuritaire”. Malgré cette forte opposition, l’article 9 est adopté sans être amendé. 

 

Des communautés professionnelles territoriales de santé

L’article 12 bis du projet de loi relatif à la santé demande aux professionnels de santé de se réunir en communautés pour élaborer un projet commun et signer un contrat territorial de santé avec l’ARS pour financer ce projet. Certains députés souhaitent s’assurer que les professionnels de santé seront bien à l’initiative et ne seront pas soumis aux décisions de l’ARS sur ce sujet. Or, explique Mme Laclais, ce n’est qu’en cas de carence que l’ARS solliciterait les professionnels de santé pour créer des communautés. 

 

La généralisation du tiers payant maintenue

Sur la question du tiers payant généralisé, les prises de paroles se succèdent et sont nombreuses car c’est une mesure qui divise. 

M. Lurton affirme que cette disposition sera “la plus grave erreur commise par [la] majorité”. M. Jacquat demande à nouveau à ce qu’une concertation soit menée sur le sujet avec les médecins avant toute généralisation du tiers payant. Enfin, Mme Arribagé déclare que l’article 18 relatif à la généralisation du tiers payant est “emblématique de l’esprit de ce projet de loi : entêtement, absence de prise en considération des revendications des personnels de santé, refus du dialogue, méconnaissance ou désintérêt de la réalité quotidienne des médecins”. 

Mais face à cette opposition au texte, M. Sebaoun répond que “ce mode de paiement simple est plébiscité par sept Français sur dix” et que “les professionnels de santé ne sont pas tous opposés au tiers payant. Ils ont exprimé leur crainte d’une lourdeur administrative accrue, et Mme la ministre s’est engagée à ce que ce ne soit pas le cas”. 

Pourtant, d’autres députés, comme M. Robinet, rétorquent que “la seule chose que demandent les médecins est [que le tiers payant] soit facultatif, et non obligatoire”. 

M. Bapt lui rétorque que le tiers payant ne remet “nullement en cause l’indépendance du médecin”, contrairement à ce qui était insinué au cours des débats. 

Cinq amendements de suppression sont finalement mis au vote mais aucun n’est adopté. M. Robinet rappelle alors à Mme Touraine que pour la prochaine conférence sur la santé, les médecins “souhaitent simplement revenir sur la question du tiers payant généralisé” dans le cadre d’un dialogue constructif. 

Après le rejet de nombreux amendements déposés pour limiter la portée de l’article 18 du projet de loi santé, les députés ont finalement adopté ce texte prévoyant la généralisation du tiers payant. 

 

Facilitation de l’accès à l’assistance médicale à la procréation

Dans le projet de loi relatif à la modernisation du système de santé, l’article 20 ter étend l’autorisation d’absence pour se rendre aux examens médicaux obligatoires pendant la grossesse aux couples engagés dans un parcours d’assistance médicale à la procréation. En plus de cela, Mme Khirouni fait adopter un amendement qui précise que le régime des autorisations d’absence accordées au conjoint “s’entend pour chaque protocole du parcours d’assistance médicale à la procréation”. 

 

Un nouveau service public hospitalier

L’article 26 du projet de loi santé donne une nouvelle définition du service public hospitalier (SPH). Sur cet article, M. Jacquat déplore qu’en dépit de la réécriture de l’article en commission, les établissements privés soient toujours exclus de fait du SPH en raison de l’interdiction de pratiquer des dépassements d’honoraires pour y être associé. Plusieurs amendements sont donc proposés pour inclure les établissements privés dans la notion de SPH, mais aucun n’est retenu. 

Mme Laclais soutient tout de même un amendement adopté qui permet aux établissements de santé privés d’assurer la permanence des soins. Mais des députés s’obstinent, à l’image de M. Tian qui estime que “les patients doivent avoir les mêmes droits à l’hôpital et dans une clinique privée, c’est tout ! Que l’on choisisse le privé ou le public, on doit avoir les mêmes droits !”. Comme beaucoup d’autres articles, malgré les protestations de nombreux députés, l’article 26 du projet de loi santé est adopté. 

 

Les cliniques privées sous l’œil de la Cour des comptes

L’article 27 ter du projet de loi santé permet à la Cour des comptes de contrôler directement les cliniques privées. Plusieurs voix s’élèvent contre cet article, dont celle de M. Lurton qui estime que cet article est contraire au droit des sociétés et qu’il est inutile car les comptes certifiés des cliniques sont déjà transmis aux greffes des tribunaux de commerce. Mais malgré les diverses oppositions au texte, il est adopté. 

 

Elargissement des conditions d’autorisation de recherche sur l’embryon

L’article 37 de la loi santé élargit les conditions d’autorisation de la recherche sur l’embryon. M. Tian et le groupe Les Républicains dans son ensemble s’en inquiètent car aucun débat public encadré n’a eu lieu, et le comité consultatif national d’éthique n’a même pas été invité à se prononcer sur la question. Malgré ces craintes, l’article 37 est adopté. 

 

Création de l’action de groupe en matière de santé

Dans le projet de loi santé, l’article 45 prévoit la création de l’action de groupe en santé. Mme Delaunay propose d’inclure dans les bénéficiaires de l’action de groupe les familles des victimes du tabac. Cette proposition est adoptée. 

M. Bapt fait part de ses craintes quant à l’interprétation juridique de la notion de “dommage corporel” qui peut, si elle est interprétée strictement, réduire significativement la portée de l’action de groupe en santé. Mais Mme Geoffroy explique que cette notion s’entend au sens large dans le texte : elle contient l’atteinte à l’intégrité psychique. L’article 45 est finalement adopté et l’action de groupe en santé est donc créée. 

 

Instauration du droit à l’oubli pour les malades du cancer

L’article 46 bis du projet de loi santé permet aux anciens malades du cancer de ne plus faire mention de cette maladie dans leurs antécédents médicaux dès lors qu’ils voudront contracter un prêt immobilier ou un crédit à la consommation. M. Richard, s’il soutient cette initiative, se dit opposé au fait de l’inscrire dans la loi car il déséquilibre le caractère conventionnel initial de la disposition. Mme Geoffreoy soutient l’amendement n°814 qui introduit une grille de référence concernant tous les cancers afin d’avoir la liste des délais de guérison. Cette grille serait actualisée en fonction des progrès médicaux et serait rendue publique. L’amendement est adopté. 

 

Renforcement de la présomption du consentement au don d’organe

Le projet de loi santé renforce, à l’article 46 ter, la présomption de consentement au don d’organe en précisant que seule l’inscription au registre national du refus permet de rendre effectif le droit d’opposition de chacun au prélèvement de ses organes après sont décès. Cet article est adopté. 

 

L’accès soi-disant ouvert aux données de santé

L’article 47 de la loi santé prône la création des conditions d’un accès ouvert aux données de santé. Pourtant, M. Tian dénonce un article qui verrouille autant qu’il le peut l’open data en santé alors que l’objectif affiché est l’ouverture. L’article est adopté sans grandes discussions alors que son impact risque d’être négatif sur l’accès aux données de santé comme l’a déjà souligné BI&T. D’autres acteurs sont sceptiques sur la volonté réelle du Gouvernement d’ouvrir l’accès aux données de santé : l’Institut des données de santé a notamment remis un rapport dans lequel il analyse les attitudes des pouvoirs publics ainsi que la recevabilité de l’éternel argument de la protection de la vie privée. 

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