L’Institut des données de santé a rendu son rapport au parlement, en date du 25 septembre 2015, sur les accès aux données de santé. Rappelons que l’IDS est un Groupement d’Intérêt Public réunissant des acteurs publics et privés de la santé. Sa mission principale est de favoriser l’accès direct et permanent aux bases contenant des données de santé tout en donnant l’impulsion nécessaire à la création de nouvelles bases accessibles.
Le rapport rendu a pour objectif d’évaluer l’évolution de l’accès aux données de santé en France, mais c’est surtout l’occasion pour les membres de l’Institut de marquer leur différence avec l’attitude globale des pouvoirs publics qui sont toujours aussi réticents à proposer un accès plus ouvert aux données de santé.
L’IDS résolument favorable à un open data en santé
Le rapport permet de constater que depuis 2011, l’IDS émet des voeux destinés à promouvoir une plus grande accessibilité aux données de santé. Ces voeux, “pieux” diront certains, n’ont pour la plupart pas été suivis d’effet étant donné que le comité d’orientation et de pilotage de l’information interrégimes (COPIIR) ne s’est pas réuni depuis le 18 avril 2013.
L’IDS a notamment pour mission de donner son approbation à l’accès temporaire aux bases de données de santé ou à des extractions ciblées de données. La CNIL est ensuite chargée de délivrer son autorisation suite à l’approbation de l’IDS. Ces accès et extractions demeurent toutefois encore interdits pour les organismes de recherches à but lucratif.
Dans son rapport, l’Institut souligne l’augmentation de l’utilisation des données de santé à des fins de recherches en santé publique et estime que cette utilisation grandissante ne doit pas être freinée par de nouvelles mesures qui tendraient à démembrer une procédure qui semble être en place, même si elle reste compliquée et longue à aboutir. Cette mention vise directement l’article 47 du projet de loi santé qui vise à créer un système national des données de santé (SNDS) qui rassemblerait toutes les bases de données en une seule.
Le Comité d’Experts de l’IDS, présidé par Didier Sicard, constate avec chagrin que les données de santé restent encore bien trop sous-utilisées pour mener des études et des recherches. Sans surprise, les deux raisons exposées sont d’abord que la demande publique n’a pas de ressources pour financer des études et des recherches ; ensuite que les organismes à but lucratif ont interdiction d’accéder aux données de santé, même à des fins de santé publique alors qu’ils sont très demandeurs. Les partisans d’un open data effectif en santé le clament depuis longtemps, les procédures actuelles pour accéder aux données de santé sont trop longues et restrictives.
L’IDS semble être bien seul face aux pouvoirs publics et le président du Comité d’Experts, s’élève contre le manque de volonté flagrant du gouvernement.
Les pouvoirs publics repliés sur le trésor des données de santé
Dans le cadre de son audition, M. Sicard, président du Comité d’Experts de l’IDS, a fait part de ses nombreuses réserves à l’égard de l’article 47 du projet de loi santé relatif à l’open data en santé. Il rappelle notamment que la lenteur du système français est un frein au développement de la recherche en santé. Un exemple simple suffit à illustrer son propos : le laps de temps très long qui peut être constaté entre le vote d’une loi et sa mise en oeuvre représente un danger pour la pérennité de la recherche qui nécessite d’accéder aux données de santé. Dans le cadre du projet de loi relatif à la modernisation du système de santé, la recherche “ne peut pas se permettre d’attendre” estime M. Sicard. Ce dernier craint que la mise en place du système dicté par l’article 47 de la loi ait pour conséquence initiale d’empêcher tout accès aux données de santé. Mais M. Babusiaux, président de l’IDS, le rassure plus loin dans le rapport en confirmant que le gouvernement a prévu que les autorisations déjà accordées ne prendraient pas fin avec le vote de la loi. Toutefois, cela ne sera pas suffisant car d’ici la mise en place du nouveau système, le gouvernement n’a rien prévu pour approuver de nouvelles demandes d’accès aux données de santé : toute nouvelle recherche sera ainsi privée d’accès aux données nécessaires.
L’irrecevabilité du risque d’atteinte à la vie privée
Dans le même temps, le président du Comité d’Experts de l’IDS note le manque flagrant de volonté des pouvoirs publics de réformer l’accès aux données de santé : cela représente pourtant un enjeu crucial tant pour la santé des individus que pour la santé des finances de l’Etat. D’après M. Sicard, les craintes répétées d’une atteinte à la vie privée des personnes sont exprimées de manière excessive afin de provoquer un blocage de principe à des discussions saines sur l’ouverture des données de santé. Les opposants à l’accès ouvert aux donnée santé brandissent systématiquement le spectre de l’insécurité des données de santé et du risque de ré-identification. Mais se sont-ils demandés si les données de santé étaient en sécurité dans les mains des pouvoirs publics ? Le système actuel est-il exempt de toute faille ? Non ! Il est certain que le risque zéro n’existe pas. Le président du Comité d’Experts de l’IDS souligne d’ailleurs que la CNIL permet déjà d’assurer une protection nécessaire par son contrôle et par les sanctions qui peuvent être infligées aux contrevenants. Il rappelle également que le risque de non utilisation des données de santé est bien plus grand pour la santé publique que celui de la ré-identification éventuelle indirecte des personnes productrices de données de santé.
Le désintérêt à peine caché de l’Etat concernant les autres données
Alors que les pouvoirs publics sont cramponnés à la conservation des données de santé, M. Sicard, dénonce leur absence totale d’intérêt concernant la collecte des données sur internet par les opérateurs privés. En effet la gestion des réseaux sociaux et des objets connectés permettent actuellement aux opérateurs privés de collecter des masses de données personnelles considérables, parmi lesquelles se trouvent des données de santé ! Il n’existe aucune garantie de protection de la vie privée des personnes productrices de ces données, elles ne sont pas traçables et il n’existe aucune information sur l’utilisation qui peut en être faite par ceux qui les collectent.
Pourtant, les pouvoirs publics semblent muets sur la question et préfèrent s’attacher à garder la main mise sur les bases de données en santé. L’open data dans ce secteur ne semble pas être pour demain.
Article initialement paru sur Décider et entreprendre.