La Cour des comptes adopte une fois de plus un regard sévère sur les comptes de la sécurité sociale

La Cour des comptes publiait, il y a une douzaine de jours, son rapport de certification des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2023. La Cour accepte de certifier les comptes dans une certaine limite. En effet, elle exprime de nombreuses réserves et refuse même de certifier les comptes d’une branche entière du régime général (rapport complet disponible en fin d’article).

Les comptes de la sécurité sociale 2023 conduisent la Cour des comptes à formuler 39 observations dans son rapport. Elle constate “seulement” 6 anomalies comptables significatives (elles étaient 11 en 2022). En revanche le nombre de cas où les éléments probants sont insuffisants reste stable à 43.

Au total, ce sont 695,5 Md€ (dont 505,1 Md€ pour les branches du régime général au sein desquelles la branche famille représente 55,5 Md€) de produits qui sont certifiés par la Cour. Les charges à certifier en 2023 représentent quant à elles 567,5 Md€ (dont 515,7 Md€ s’agissant du régime général).

La branche famille une fois de plus déclarée “non-certifiable” par la Cour des comptes

Pour la 2e année consécutive la Cour refuse de certifier les comptes de la branche famille. En 2022 la Cour indiquait qu’elle “ne disposait pas de perspectives d’amélioration des constats réitérés en matière d’incidence financière résiduelle après contrôle interne“. Bien qu’elle reconnaisse que des améliorations ont eu lieu en 2023, elle estime toujours qu’il ne lui est pas possible de certifier les comptes de cette branche.

Le rapport explique notamment que la capacité de détection des erreurs par les caisses d’allocations familiales (Caf) reste bien trop insuffisante du fait du manque de fiabilité des déclarations des allocataires. Le risque résiduel lié aux données déclarées à 24 mois reste élevé : à 7,4%. Cela représente tout de même 5,5 Md€ d’indus et de rappels non détectés. En clair, le mécanisme de contrôle interne de la branche famille est encore tâtonnant. Et pour cause, celui-ci est encore en cours de construction et devrait être complet en 2025.

En outre, les fraudes aux prestations familiales sont également légion avec un montant estimé à 3,9 Md€, soit 4,9% des prestations versées par la branche famille. Cette fraude a augmenté par rapport à sa dernière évaluation faite en 2021 où elle atteignait 3,6% des prestations à 2,81 Md€.

Malgré ce nouveau refus de certifier les comptes de la branche famille, le ministère du travail, de la santé et des solidarités retient un point positif. Il salue le fait que la Cour ne va pas “jusqu’à émettre une opinion négative comme en 2022 [et] prend ainsi en compte les progrès réalisés et les travaux entrepris depuis, pour fiabiliser les données déclarées par les allocataires“.

Les anomalies significatives relevées dans les branches maladie, accidents du travail et autonomie

En dehors de la branche famille de la sécurité sociale qui est mise à l’écart, la Cour des comptes relève plusieurs anomalies dites significatives dans 3 branches de la sécurité sociale.

Du côté de la branche maladie, la Cour note la persistance d’une dette de 800 M€ envers les hôpitaux publics vieille de plus de 40 ans. Le rapport considère que cette dette est éteinte et devrait donc être enlevée de la comptabilité de cette branche. Par ailleurs l’assurance maladie ne provisionne pas les séjours hospitaliers non terminés à la date de clôture de l’exercice, ce qui n’est pas normal. De plus, la Cour indique que les provisions pour risques sont sous-évaluées et que certaines sommes pourtant incertaines sont enregistrées par la branche maladie comme des produits (242 M€ de ces produits seraient concernés par cette incertitude).

Pour la branche accidents du travail, la Cour des comptes précise que l’anomalie significative découle de 2 facteurs déjà constatés pour la branche maladie. Le premier est celui du non-provisionnement des hospitalisations en cours lors de la clôture de l’exercice. Le second concerne la sous-évaluation des provisions pour risques.

S’agissant de la branche autonomie, le rapport précise que c’est un outil comptable défaillant qui est à l’origine de l’anomalie significative. Le logiciel comptable dysfonctionne, entrainant des ruptures dans la numérotation des écritures comptables. Cela “induit une incertitude sur l’intégrité des écritures comptables“. La Cour ajoute que ce problème s’ajoute à bien d’autres limites techniques inhérentes à l’outil.

Focus sur les charges et la fraude dans ces 3 branches de la sécurité sociale

La Cour des comptes rappelle que les charges de la branche maladie pour 2023 représentent près de la moitié des charges du régime général en 2023 : soit 242,8 Md€. Sur cette année, son déficit se réduit à 11,1 Md€ contre 21 Md€ en 2022.

Les travaux de lutte contre la fraude progressent lentement. La Cour signale que les estimations réalisées par la Cnam sur moins de 30% des dépenses de la branche maladie font apparaître une fraude comprise entre 1,4 et 1,9 Md€ par an. La lutte contre la fraude a finalement permis le recouvrement de 467 M€ en 2023 ce qui reste largement insuffisant selon le rapport.

Les charges que représente la branche accidents du travail sont bien plus légères avec 10 Md€ en 2023. Par ailleurs, contrairement à la branche maladie, celle-ci dégage un résultat excédentaire de 1,4 Md€ (après 1,6 Md€ en 2022). Si la Cour des comptes ne relève pas de problématique liée à la fraude dans ce domaine, elle rappelle que les erreurs liées à la reconnaissance des AT-MP, aux indemnités journalières, aux rentes et aux taux de cotisations sont nombreuses. La Cour demande donc à la sécurité sociale d’améliorer ses contrôles internes en la matière.

Enfin la jeune branche autonomie représente 38,4 Md€ de charges en 2023 avec un déficit de 0,6 Md€. Ici, la Cour des comptes déplore l’absence totale de mécanisme de lutte contre la fraude alors que c’est une obligation légale.

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