Cet article provient du site du syndicat CFDT.
Invité de Franceinfo le dimanche 9 juillet 2017, Laurent Berger a vivement réagit aux annonces du Premier ministre concernant la révision du compte personnel de prévention de la pénibilité.
Vous avez défendu ce compte pénibilité sous le quinquennat de François Hollande. Cette réforme est-elle un bon compromis ou un cadeau au patronat ?
On peut prendre cette réforme annoncée de deux manières. La première, c’est que le président de la République avait annoncé pendant la campagne qu’il voulait la suspendre ou la supprimer. Nous avions prévenu le Premier ministre dès notre première rencontre avec lui qu’il était hors de question de supprimer cette mesure de justice sociale. Il y a donc six critères pour lesquels rien ne change. Pour les quatre autres, il y a une autre façon de réparer la pénibilité sur lesquels je demanderai à voir ce que cela produit réellement sur les travailleurs même si l’on sait que plusieurs milliers d’entre eux pourront dès l’année prochaine en bénéficier.
L’autre façon, c’est d’engager des plans de prévention en parallèle. Y croyez-vous ?
Oui, j’y crois et dans un certain nombre d’entreprises, c’est quelque chose qui se fait. Je crois aussi que dans les branches, il faut qu’il y ait davantage de prévention et de travaux sur la prévention. Ce n’est pas inéluctable de subir de la pénibilité. Parfois, c’est le cas, concernant par exemple le travail de nuit dans un certain nombre de secteurs. Mais dans d’autres secteurs, on peut la prévenir. Pour nous, l’enjeu est de la réparer. C’est une mesure de justice sociale, avec des départs anticipés ou du temps partiel payé à plein temps ou avec un accès à de la formation, mais il est question aussi de la prévenir. Ce matin, je souris un peu à la réaction du patronat. Cela fait trois ans que le patronat nous dit que cette mesure est une usine à gaz, une mesure difficile. Aujourd’hui, alors qu’on maintient six critères et que depuis des semaines, ils font tout pour les supprimer, ils font croire à leurs troupes que le dispositif est remis en cause. Il n’est pas remis en cause. La CFDT continuera de se battre pour les quatre critères sur lesquels cela a changé, pour que les salariés bénéficient pleinement des avantages auxquels ils doivent avoir droit.
La réforme supprime également le financement qui avait été annoncé, c’est-à-dire les deux cotisations spécifiques payées uniquement par l’employeur, notamment celle que devait payer les entreprises qui exposaient particulièrement leurs employés à des risques. Est-ce qu’il n’y a pas un désengagement de ces employeurs face au risque qu’ils font subir à leurs salariés ?
Je le regrette. On s’imagine que dans certains secteurs professionnels, les patrons vont râler parce que moi je suis assez attaché au principe de pollueur/payeur sur la question de la pénibilité et je pense que dans un certain nombre de secteurs où il y a des salariés particulièrement exposés à des facteurs de pénibilité, il était normal qu’une part de financement revienne à ces entreprises. Ce sera la caisse accidents du travail – maladie professionnelle [de la Sécurité sociale] qui va le financer. Pourquoi pas mais je pense qu’il faudra regarder très précisément dans ce financement, comment ceux qui font payer davantage de la pénibilité aux salariés paient davantage.
Le mot pénibilité disparaît au profit d’un compte professionnel de prévention. C’est symbolique ?
Dans le courrier que j’ai reçu hier du Premier ministre, le mot pénibilité apparaît cinq ou six fois. Donc le nom, pour moi, est cosmétique. Il s’agit bien pour moi de réparer des conditions de travail pénibles et si on veut insister sur la prévention, pourquoi pas. Derrière tout cela, il y a beaucoup de communication. On continuera à se battre, peu importe les mots, pour que les travailleurs obtiennent réparation en cas de pénibilité au travail.