La CFDT revient sur la notion de promesse d’embauche

La différence entre promesse d’embauche et promesse unilatérale de contrat de travail (déjà analysée ici sur Tripalio) a fait l’objet de cette publication sur le site du syndicat de salariés CFDT.

Par deux arrêts en date du 21 septembre dernier, la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence selon laquelle une promesse d’embauche précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction vaut contrat de travail. Elle aligne désormais sa jurisprudence sur les nouvelles règles relatives au droit des obligations. Cass.soc.21.09.17, n°16-20103 et 16-20104. 

  • Rappel de la jurisprudence relative à la promesse d’embauche

De manière constante, depuis notamment un arrêt du 15 décembre 2010 (1), la Cour de cassation considérait qu’une promesse d’embauche « qui précise l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction » vaut contrat de travail. Les conséquences de cette qualification, tant pour le salarié, que pour l’employeur, n’étaient pas neutres : 

– elle constituait pour le salarié une garantie d’embauche, 

– elle liait l’employeur qui, s’il n’honorait pas son engagement, risquait de se voir condamner pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

  • Rappel des faits

Forts de cette jurisprudence, stable, deux joueurs professionnels de rugby, à qui un club avait fait une « promesse d’embauche », ont saisi le conseil de prud’hommes suite à la décision dudit club de ne pas donner suite à la promesse. 

Les deux joueurs considéraient en effet que la promesse qui leur avait été faite valait contrat de travail : y étaient précisés l’emploi proposé, la date d’entrée en fonction, la rémunération et les divers avantages dont bénéficieraient les « futurs » salariés. 

Après avoir adressé aux deux joueurs sa proposition, le club les informait, quelques jours plus tard, par courrier, qu’il ne pourrait pas y donner suite. Chacun des deux répondirent à leur tour, postérieurement à l’envoi de ce courrier, qu’ils acceptaient la promesse d’embauche. 

Le conseil de prud’hommes était alors saisi par les deux joueurs afin de faire reconnaître que la promesse d’embauche qui leur avait été faite constituait bien un contrat de travail et que le non-respect des engagements par l’employeur devait s’analyser en une rupture abusive du contrat. 

  • La cour d’appel : une application à la lettre de la jurisprudence de la Cour de cassation

Saisie du litige, la Cour d’appel rendit une décision des plus évidentes compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, en faisant droit aux demandes des deux joueurs. 

Elle décide en effet que « la convention prévoit l’emploi proposé, la rémunération ainsi que la date d’entrée en fonction, de sorte que cet écrit constitue bien une promesse d’embauche valant contrat de travail »

Elle ajoute que « dans la mesure où le joueur a accepté la promesse d’embauche il en résultat qu’un contrat de travail avait été formé entre les parties » et qu’il « importe peu que le club de rugby ait finalement renoncé à engager le joueur, même antérieurement à la signature du contrat par le joueur »

Elle termine en précisant que « la promesse d’embauche engage l’employeur même si le salarié n’a pas manifesté son accord ».  

  • La promesse d’embauche ne vaut plus systématiquement contrat de travail

Au visa de l’article 1134 du code civil alors en vigueur, de l’article L1221-1 du code du travail, et après avoir précisé que l’évolution du droit des obligations (résultant de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016) doit conduire à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et des promesses de contrat de travail, la Cour de cassation décide de mettre fin à la jurisprudence selon laquelle une promesse d’embauche remplissant précisant date d’embauche et emploi proposé valait contrat de travail. 

La Cour de cassation, qui n’utilise plus le terme de « promesse d’embauche » opère, dans les deux arrêts commentés, une distinction entre la « promesse unilatérale de contrat de travail » et l’ « offre de contrat de travail », les deux emportant des conséquences différentes. 

L’offre de contrat de travail 

La Cour de cassation définit tout d’abord ce qu’il convient d’entendre par offre de contrat de travail : 

– il s’agit d’un acte par lequel l’employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction, 

– cet acte exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. 

Cette offre de contrat de travail, ajoute la Cour, peut « être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ».  

Enfin, la « rétraction de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur, ou à défaut l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur »

La promesse unilatérale de contrat de travail 

Puis la Cour de cassation, en opposition à l’offre de contrat de travail, définit la « promesse unilatérale de contrat de travail » : 

– il s’agit d’un contrat dans lequel l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, 

– par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion du contrat de travail, 

– et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. 

La Cour ajoute que « La révocation de cette promesse unilatérale pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail ». Dit autrement, une promesse unilatérale de contrat de travail remplissant les conditions précitées vaut contrat de travail. 

  • De la promesse d’embauche à la promesse unilatérale de contrat de travail

Ces deux arrêts marquent un coup d’arrêt à la jurisprudence relative à la promesse d’embauche : alors que précédemment, il suffisait que la promesse détermine la date d’entrée en fonction et l’emploi offert pour être qualifiée de contrat de travail, il faudra désormais que l’employeur accorde au « potentiel futur salarié » la possibilité d’opter pour la conclusion du contrat de travail. 

Cette évolution est de plus contestable dès lors que la promesse d’embauche et ses conséquences avaient pour vocation de protéger les salariés contre d’éventuels « changements » d’avis des employeurs. 

Certes, la nouvelle promesse unilatérale de contrat de travail emporte les mêmes conséquences que la promesse d’embauche, mais avec des conditions qui n’ont plus rien à voir. De plus, quel employeur irait utiliser une promesse unilatérale de contrat de travail ? La Cour de cassation crée en effet en parallèle un nouveau concept, moins risqué, l’offre de contrat de travail, qui, si elle n’est pas respectée, se résoudra par des dommages et intérêts, à condition que le « salarié » soit en capacité de démontrer avoir subi un préjudice. 

  • Droits des obligations et droit du travail : attention à ne pas occulter les particularités de la relation de travail

Si cet alignement sur le droit des obligations, comme l’explique la Cour de cassation, peut paraître assez logique, il nie totalement le fait que le salarié est placé dans une situation de « faiblesse » vis-à-vis de l’employeur. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de cassation de 2010 avait des vertus protectrices des salariés, non négligeables notamment en période de chômage de masse. En effet, contrairement à ce qu’indique la Cour de cassation dans sa note relative à l’arrêt, les salariés n’ont que trop rarement le choix entre diverses offres d’emploi et ou c’est plutôt l’employeur qui a, pour une seule offre, l’embarra du choix. 

Avec ces arrêts, c’est malheureusement la protection des salariés qui disparait, au prétexte que l’ancienne jurisprudence avait pour effet « d’assécher les possibilités de négociation précontractuelles ». Ceciau seul avantage des employeurs, généralement en position de force lorsqu’il s’agit de s’engager dans une relation de travail. 

(1) n°08-02951 

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