Comme le savent nos lecteurs, la branche des bureaux d’études est engagée depuis plusieurs mois dans des discussions relatives au temps de travail et aux rémunérations. S’avérant incapables de se mettre d’accord, les partenaires sociaux en sont même arrivés à rompre le dialogue.
Le nerf de la guerre en débats
Conscients des problèmes juridiques posés par le régime du forfait-jours, le Syntec et le Cinov, les deux syndicats patronaux, avaient jugé urgent de remettre à plat l’accord de branche qui concerne ce sujet. Leur objectif était de sécuriser l’accord en supprimant tout lien entre le recours au forfait-jours et la référence, en termes de niveau de classification et/ou de rémunération, à l’encadrement. Ce faisant, dès l’échelon 2.2, les ETAM allaient pouvoir être mis au forfait-jours. Les employeurs n’allaient plus devoir respecter qu’une seule condition afin de recourir au forfait-jours : celle de rémunérer les salariés à hauteur d’au moins 120 % de la rémunération conventionnelle correspondant à leur échelon.
Bien décidés à faire table rase du passé, le Syntec et le Cinov ont également mis sur le tapis le sujet du forfait hebdomadaire. Jusqu’à maintenant réservé aux cadres, il permettait de les faire travailler 38h30 par semaine et supposait une rémunération au moins égale au PMSS. Là encore, les deux organisations patronales ont jugé opportun d’étendre le champ d’application du régime à un bien plus grand nombre de salariés. Ainsi, il serait désormais uniquement nécessaire, afin d’appliquer ce type de forfait, de rémunérer les salariés à hauteur d’au moins 115 % du niveau de leur rémunération conventionnelle.
Afin d’appâter le chaland, les représentants des employeurs ont proposé de conditionner la signature d’un accord sur les revalorisations des minima salariaux à la signature de ces deux accords sur le temps de travail. Accrochées à l’hameçon ? Des hausses des rémunérations conventionnelles minimales de 1,5 % pour 2017, puis de 1% pour 2018 et 2019.
Rupture du dialogue social
Face à ce marché, les représentants des salariés n’ont pas tout à fait réagi comme escompté par les chambres patronales. Seule la partie de l’échange consacrée aux revalorisations salariales a convaincu la CFDT, la CFTC et FO. Or, d’après les termes de la CGT, “le patronat a expliqué que c’était l’ensemble des accords ou rien” : tout le monde a donc dû bien admettre que “cela ne sera[it] rien”. Il convient de souligner qu’il est très rare que les employeurs du conseil réussissent à se mettre à dos à la fois la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Ils ont donc réussi ce coup de maître en voulant remettre en cause les accords de 1999 sur le temps de travail.
Pire encore : passablement échaudés par l’échec de négociations qu’ils voulaient à tout prix voir aboutir, les représentants patronaux ont décidé de faire contre mauvaise fortune, mauvais coeur. Le 23 février dernier, les partenaires sociaux devaient se retrouver afin de discuter de l’ordre public conventionnel de la branche et de mettre en place une commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation, soit autant de mesures prévues par la loi Travail. Mécontents de la tournure prise par les relations paritaires, le Syntec et le Cinov ont “unilatéralement” – selon la CGT – annulé la réunion.
Dans l’état actuel des choses, le dialogue social dans les bureaux d’études est paralysé. Ceci pourrait durer un certain temps. Les récents échanges paritaires ont en effet révélé un désaccord plus fondamental entre les représentants patronaux et salariaux. Pour le Syntec et le Cinov, les entreprises devraient être beaucoup moins tenues qu’elles ne le sont actuellement par les accords de branche. Les syndicats de salariés, y compris la CFDT, ne veulent pas entendre parler de cette orientation. Cette question va devoir être tranchée avant d’imaginer une reprise sereine et sincère du dialogue social de branche.