Indemnités journalières: les assureurs feront-ils mieux que la sécurité sociale?

Selon les Échos, le gouvernement transférerait sur les entreprises la prise en charge des indemnités journalières entre le 4è et le 7è jour d’arrêt. Dans la pratique, ce transfert conduirait à élargir les dispositifs conventionnels de branche déjà en vigueur pour les 3 premiers jours de carence. Cette mesure peut être intéressante pour les assureurs, institutions de prévoyance comprises. La réaction du MEDEF sur le sujet permettra d’évaluer le poids des groupes dans le nouvel état-major patronal.

indemnités journalières 

 

Dans le grand chantier que le gouvernement doit ouvrir pour diminuer les dépenses publiques au sens large, la question des indemnités journalières remboursées par la sécurité sociale est un sujet à peu près incontournable. Celles-ci augmentent en effet plus vite que la dépense de soins, et on peine à trouver une justification à cette augmentation.  

Pour mémoire, en 2006, le régime général consacrait 5,2 milliards € à cette dépense, dont 3 milliards pour les seuls arrêts de courte durée. En 2017, la même dépense s’élève à un peu plus de 10 milliards €, dont 4,4 milliards pour les seuls arrêts de courte durée. Autrement dit, le coûts des arrêts de courte durée pour le seul régime général a augmenté de 50% en 10 ans, quand le coût des indemnités journalières au sens large (incluant les accidents du travail et les longues maladies) a doublé.  

Sur ce point, les organisations patronales n’ont jamais jugé utile de prendre le taureau par les cornes ni d’ouvrir un débat sur les causes de cette dérive. Cette passivité a laissé la place à d’autres, en particulier à l’inspection générale des affaires sociales qui propose une mesure qu’on ne peut dès lors que comprendre: le transfert d’une partie des coûts sur les entreprises. 

Que signifie au juste la mesure proposée par l’IGAS sur les indemnités journalières?

À première vue, la mesure proposée par l’IGAS, que reprendrait le gouvernement, est défavorable aux entreprises. Elle reporte en effet sur celles-ci le coût d’une mesure “mutualisée” aujourd’hui par le truchement de la sacro-sainte “solidarité nationale”. Dans la pratique, il s’agirait de transférer une dépense d’environ 1 milliard €, c’est-à-dire le coût des indemnités journalières pour les trois premiers jours d’indemnisation réelle.  

Rappelons ici que, dans le secteur privé, un délai de carence ne prévoit pas le remboursement par la sécurité sociale des trois premiers jours d’arrêts maladie. Ce délai serait de fait prolongé de quatre jours par l’effet de la mesure gouvernementale. Sur le coût global de la mesure, on est bien obligé de faire confiance aux chiffres officiels, faute d’une accessibilité suffisante des données collectées par le régime général.  

En revanche, il est évidemment erroné de croire que ce coût serait répercuté entreprise par entreprise. Comme pour les trois premiers jours de carence, les entreprises auraient la faculté de s’assurer contre ce risque. C’est déjà très largement le cas par l’effet des accords de branche qui prévoient une indemnisation des salariés pendant ces journées, mais par l’effet d’un contrat “privé” généralement intégré au contrat global de prévoyance.  

Concrètement, les tarifs des contrats de prévoyance seront probablement majorés pour couvrir le risque actuellement intégrés aux très coûteuses cotisations de sécurité sociale.  

Un test pour l’influence des assureurs au sein du MEDEF

L’illusion serait donc de croire que la mesure à venir, probablement au prochain PLFSS, serait brutale et laisserait les entreprises sans voix. En réalité, elle s’intègre dans des dispositifs déjà très protecteurs et en vigueur. La panique devrait donc être de courte durée. L’ensemble de la réforme devrait profiter aux assureurs et singulièrement à ceux qui sont en position de force sur le marché de la prévoyance de branche, à savoir les institutions de prévoyance. 

On observera donc avec attention quelle sera la position du MEDEF sur ce sujet. Geoffroy Roux de Bézieux, soutenu par les assureurs pendant sa campagne électorale, risque en effet de se trouver en délicatesse sur une question aussi sensible. Il ne faudrait toutefois pas simplifier le dossier à outrance. L’UIMM peut en effet avoir intérêt à soutenir aussi ce projet gouvernemental qui peut profiter à des institutions de prévoyance proches d’elle.  

En revanche, la position finale du MEDEF constituera une bonne prise de température sur les services que son nouveau président doit désormais rendre à ses soutiens. Si l’on imagine mal qu’il puisse sauter de joie en public sur le sujet des indemnités journalières, il peut en effet doser la force de sa réaction et se contenter du service minimum pour satisfaire in fine ceux qui tireront profit de cette innovation. Il donnera ainsi le change à ses adhérents hostiles à la mesure, tout en faisant comprendre au gouvernement qu’il ne s’agit pas d’un casus belli, ce qui devrait assurer l’adoption du texte à l’automne.  

Un intéressant désengagement de la sécurité sociale

Sur le fond du dossier, on relèvera qu’une fois de plus le gouvernement gère la maîtrise des dépenses publiques sans réforme de structures, et en se contentant de déporter sur d’autres le poids et le coût des réglementations qu’il ne peut plus assumer. En l’espèce, il s’agit de proposer aux assureurs complémentaires de se substituer au premier euro à la sécurité sociale, et non aux entreprises de payer le prix de leur absentéisme, comme cela est répété en boucle de-ci de-là.  

Les esprits perfides ironiseront sur le deux poids deux mesures dominant chez les partisans de la sécurité sociale. Une mesure de désengagement au premier euro en faveur des assureurs complémentaires concernant le remboursement d’un médicament ou d’un acte médical ferait immédiatement hurler dans les salles d’assemblée générale. Mais une mesure du même type visant à “faire payer les entreprises” est en revanche très populaire.  

Du point de vue du sens de la sécurité sociale, elle est pourtant beaucoup plus dangereuse. En effet, elle montre que, de l’aveu même du gouvernement, les assureurs “privés” sont plus efficaces que la mutualisation publique. Sur le plan idéologique, les entreprises ont tout intérêt à encourager les pouvoirs publics à poursuivre dans cette voie.  

Ajouter aux articles favoris

Conformité CCN en santé

Pour vous aider à gérer la conformité CCN de vos offres "santé standard", profitez de notre outil en marque blanche gratuitement en 2023. L'outil vous permettra de savoir, en un clic, le niveau de votre offre compatible avec la CCN que vous aurez sélectionnée. L'outil en marque blanche est relié à la base de données CCN de Tripalio, juridiquement certifiée et mise à jour en temps réel. Il bénéficie de notre algorithme de comparaison qui détecte les non-conformités du contrat santé standard.
Demandez votre outil
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer
Lire plus

Indemnité de cantine fermée “covid” : le juge tranche en défaveur des télétravailleurs

La crise sanitaire de 2020 a provoqué la fermeture de nombreux lieux de rassemblement de population, dont la fameuse cantine d'entreprise. Or, certaines entreprises ont dû maintenir une activité dans leurs locaux pour assurer la continuité de service. Dans ce cadre, une indemnité dite de cantine fermée a été mise en place pour permettre aux salariés présents de ne pas être lésés par la fermeture du restaurant normalement accessible dans le cadre de leur emploi. Mais cette indemnité a fait naître quelques litiges, dont...
Lire plus

Obligation de prévention et sécurité : c’est à l’employeur de montrer patte blanche en cas d’accident

En entreprise, l'employeur est tenu de respecter des mesures de prévention et sécurité afin de protéger la santé de ses salariés. Les dispositions du code du travail encadrent cette obligation avec précision. Mais que se passe-t-il en cas de manquement de l'employeur ? Le salarié peut-il considérer que cette violation de ses obligations légales par l'entreprise constitue un motif de rupture de contrat de travail aux torts de l'employeur ? Dans ce cas, sur qui repose la charge de la preuve ? C'est à cette question que...
Lire plus

Un hôpital condamné pour faute inexcusable après l’agression physique d’une salariée

C'est un arrêt très important que vient de rendre la Cour de cassation au sujet de la responsabilité d'un hôpital en cas d'agression physique de l'un de ses employés. On ne compte plus les faits divers rapportant de tels événements, souvent survenus ces dernières années dans des services d'urgences saturés. Ici la Cour reprécise les éléments caractéristiques de la faute inexcusable en matière d'obligation légale de sécurité et de protection de la santé des salariés. ...